Géothermie à Paris-Saclay : de la théorie à la pratique.
Le 16 février 2021, des étudiants de CentraleSupélec, membres de l’association Impact, visitaient le bâtiment abritant le cœur du réseau de chaleur et de froid en cours d’expérimentation dans le quartier de Moulon et auquel est connecté leur propre école. En voici un premier écho à travers le témoignage d’Axel Thébault, élève en 2e année.
– Si vous deviez vous présenter…
Je suis en 2e année à CentraleSupélec, école que j’ai intégrée sur concours, après deux années de classe prépa en physique chimie à Toulouse…
– Comment avez-vous vécu le fait de quitter Toulouse pour le plateau de Saclay ?
CentraleSupélec est une grande école d’ingénieur, qui compte suffisamment d’élèves pour entretenir une certaine émulation. Même si l’environnement immédiat est encore peu animé, l’école se suffit à elle-même. On y trouve de quoi s’occuper entre les cours et la vie associative. Je m’y suis intégré sans difficulté, en m’y sentant bien dès le début. Nous avons la chance d’avoir une direction des études à notre écoute, sachant prendre en compte nos recommandations en matière de cursus. Et puis, pour être une école d’ingénieur, CentraleSupélec n’en dispense pas moins, en plus de cours scientifiques ou en ingénierie, des cours en philosophie, en sociologie des organisations ou en gestion des entreprises. Quelque chose que j’apprécie beaucoup.
– Le fait d’être au cœur d’un cluster technologique et scientifique ajoute-t-il à votre enthousiasme ?
Oui, bien sûr. C’est proprement impressionnant de voir tout ce qui est en train de se construire ici. Le nombre de grues dit bien l’ambition du projet. On ressent fortement le fait de se retrouver au cœur d’un projet porté par l’État. On mesure aussi notre chance d’être au milieu de grands centres de recherche et de laboratoires et de bénéficier de cours assurés par des chercheurs, qui y travaillent. Je pense par exemple à une présentation sur le nucléaire, qui nous a été dispensée par un spécialiste de la sûreté nucléaire travaillant sur le site du CEA situé tout près, ou encore ce cours sur les sciences du climat, qui nous a été donné par deux chercheurs du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE). Ainsi, nous pouvons interagir avec des laboratoires extérieurs, réputés dans leur domaine, en plus de ceux relevant directement de l’école. Sans compter toutes ces entreprises qui y ont implanté leur centre de R&D.
– Un mot sur la manière dont vous y vivez votre scolarité dans le contexte de crise sanitaire ?
Je me garderai de répondre au nom de tous les élèves qui ont chacun vécu cette crise d’une manière personnelle. Pour ma part, j’ai eu le sentiment que, dès le premier confinement, nos enseignants avaient fait preuve de réactivité, en adaptant leur enseignement au mode distanciel. Ils ont su modifier rapidement leur contenu et leur support de sorte qu’il n’y a pas eu de temps mort ni de baisse de qualité. Tous les cours ont été maintenus, de même que les examens. Bref, je pense que notre sort a été plus enviable que des étudiants en université.
– Pas plus que les enseignements, la vie associative ne s’est arrêtée : pour preuve votre engagement au sein d’Impact qui a pu se poursuivre. Si vous deviez présenter la vocation de cette association ?
Elle a vocation à sensibiliser aux enjeux environnements. Pour autant, je n’en parlerai pas comme d’une association « écolo », car cela n’en reflèterait pas vraiment l’état d’esprit. Nous ne sommes pas à proprement parler des « militants ». Nous voulons juste œuvrer dans le sens d’un développement durable. En réalité, tous les étudiants sont sensibles aux enjeux liés à l’environnement, suivent les débats autour du réchauffement climatique. Si, donc, quelque chose nous caractérise, nous, membres de cette association, c’est la volonté de creuser ces questions liées à la transition écologique, de se former entre nous, de partager des points de vue, d’échanger et si possible d’essayer d’avoir un impact concret en sensibilisant les autres étudiants. Quand on demande à ceux qui nous rejoignent ce qui les motive, ils nous disent avoir été marqués par les propos d’un Jean-Marc Jancovici, d’un Aurélien Barrau et d’autres encore. De fait, ces personnalités donnent envie de se retrousser les manches, d’agir. Comment ? Difficile de le savoir quand on est seul. D’où l’intérêt de rejoindre une association comme Impact, un moyen de ne pas agir dans son coin, mais d’essayer d’avancer avec d’autres. Le fait que ses membres aient suivi à peu près le même cursus scolaire, cela aide à se comprendre, à adhérer à une vision commune. On peut s’investir en s’appuyant en toute confiance sur un collectif.
L’association se décline en différents pôles dont notamment un en charge de la vulgarisation (une équipe réalise des contenus à l’intention des étudiants), un autre prend des initiatives en matière de tri, un autre encore travaille avec la direction des études pour obtenir l’intégration de cours plus en phase avec les enjeux du développement durable – c’est ainsi que nous sommes parvenus à obtenir des cours sur les sciences du climat. Il faut dire qu’une telle initiative ne peut que faire l’unanimité. Qui n’aurait pas envie d’en savoir plus dans ce domaine ? Comme vous le voyez, l’association œuvre dans l’intérêt de tous les élèves de CentraleSupélec, qu’ils en soient membres ou pas. Elle essaie de faire changer les comportements, les habitudes. Ce n’est pas toujours simple… Par exemple, des camarades avaient essayé de faire supprimer les tickets de caisse dans la restauration du Crous. En vain. Mais nous n’en continuons pas moins à pousser…
– Comme l’illustre la convention signée avec l’EPA Paris-Saclay autour du réseau de chaleur et de froid. Est-elle pour vous une opportunité d’aller au-delà des éco-gestes, de montrer comment l’ingénierie peut parvenir à des solutions « durables » ?
Exactement. D’ailleurs, ce qui, selon moi, attire le plus les élèves ingénieurs, c’est en dehors de l’IA et du machine learning, tout ce qui touche à l’énergie, que ce soit au travers de l’économie circulaire ou de l’écologie industrielle. Des domaines qui requièrent des compétences en ingénierie. Personnellement, je suis particulièrement intéressé par les enjeux énergétiques et, donc, forcément par les innovations dans les systèmes à même d’améliorer l’efficacité énergétique et le bilan carbone.
– De là votre intérêt pour le réseau de chaleur. Comment en avez-vous eu connaissance ?
Lorsque je suis arrivé sur le campus, j’avais été intrigué par le bâtiment qui en abrite le système de captage, mais sans savoir au début à quoi il servait exactement. J’avais juste vu mentionner IDEX [la société gestionnaire] à l’entrée. Quand j’ai appris qu’on pouvait le visiter, curieux de nature, je me suis inscrit. Entretemps, j’avais appris qu’il s’agissait d’un système novateur, unique en France, participant à un programme de recherche européen. C’est à l’évidence une solution d’avenir : l’eau qui sert à chauffer les bureaux et les logements, est récupérer pour refroidir des équipements de recherche. La chance de Paris-Saclay, c’est d’être encore en construction. Un tel réseau aurait été plus difficile à mettre en place dans un quartier déjà fortement urbanisé.
– Rappelons que votre école y est déjà connectée…
En effet. Ce que je n’ai appris récemment. En tout cas, je n’ai pas souvenir d’en avoir été informé. Ce que je trouve dommage car cela ajoute à l’originalité de notre école. La visite n’en a été que plus intéressante : nous avons pu découvrir la sous-station, installée dans les sous-sols. Moi qui aime me raccrocher à des choses concrètes, j’ai été servi d’autant plus que c’est ce même réseau qui chauffe la résidence 4 où j’avais une chambre l’an passé [rire]. C’est une chose que de découvrir le fonctionnement d’un réseau de chaleur, c’en est une autre d’avoir pu en éprouver les bienfaits.
Au-delà du réseau, je trouve appréciable de pouvoir échanger avec l’Établissement public en charge de l’aménagement du quartier. Son directeur nous avait fait une présentation du réseau lors d’une séquence portant sur l’économie circulaire. Covid-19 oblige, cette présentation avait été faire en distanciel. Cela ne nous en avait pas moins mis les pieds dans la réalité, en rapprochant la théorie de l’opérationnel.
– A vous entendre, on peut donc avoir fait sa classe prépa à Toulouse et apprécier sa scolarité sur ce plateau battu par le vent…
(Sourire). On a la chance d’être dans un magnifique campus. Il se trouve qu’en 2019, j’avais passé mes oraux à Centrale. A l’époque, je n’étais pas encore sûr d’intégrer cette école, mais en en découvrant les bâtiments, celui de Gustave Eiffel en particulier, impressionnant par sa taille, ses volumes, sa modernité, mais aussi les logements, etc., je n’ai eu plus qu’une envie : réussir mes oraux ! J’en avais aussi passé à Mines de Paris. Il n’y avait pas photo !
Depuis, aucun regret. Même si on ne s’en rend pas compte, nous avons ici une qualité de vie exceptionnelle. Certes, on est sur le plateau de Saclay, mais Paris n’est pas si loin. Personnellement, je n’ai pas besoin de m’y rendre autant que cela. Le campus se suffit à lui-même (du moins en période normale !), en plus d’assurer un confort de travail, une certaine tranquillité. Le fait que des entreprises et des centres de R&D se sont installés à proximité, s’intéressent à notre école, ne peut que nous aider à construire en toute sérénité notre projet professionnel.
A lire aussi l’entretien avec Mathis Pastorelli, élève de CentraleSupélec et membre de l’association Impact (pour y accéder, cliquer ici).
Journaliste
En savoir plus