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Food’InnLab, creuset des transitions alimentaires

Le 10 juin 2025

Entretien avec Salomé Falise

Ce 21 mai, c’était journée portes ouvertes au Food’InnLab, sur le Campus Agro Paris-Saclay. En voici un premier écho à travers cet entretien avec sa responsable Salomé Falise, dont on espère ici transmettre par écrit l’engagement et l’enthousiasme communicatif.

- Pour commencer, pouvez-vous pitcher le Food’InnLab ?

Salomé Falise : Le Food’InnLab est un dispositif créé par AgroParisTech pour accompagner des porteurs de projet qui souhaitent contribuer aux transitions alimentaires, en vue de construire un système agroalimentaire plus durable. Pour cela, il s’appuie sur l’écosystème AgroParisTech de façon à apporter à ces porteurs de projets l’expertise scientifique et les moyens techniques dont ils ont besoin.

- En somme, c’est un incubateur qui a la particularité de tirer profit de la proximité avec la recherche et l’enseignement, ce que suggère bien la référence au « Lab »…

S.F. : Exactement ! Food’InnLab est une déclinaison de la marque « InnLab » (Inn pour Innovation, Lab pour Laboratoire) déposée par AgroParisTech qui l’a déclinée en d’autres InnLab thématiques : Farm’InnLab, Forest’InnLab, Biotech’InnLab, Comest’InnLab. Tous partagent le même objectif d’accompagner le développement de projets innovants dans leur domaines respectifs : l’agroalimentaire, l’agriculture ; la foresterie ; les biotechechologies ; la cosmétique. À quoi s’ajouteront prochainement les sujets numériques avec un Digit’InnLab.

- Qui sont les porteurs de projets ? Des étudiants et des chercheurs d’AgroParisTech exclusivement ? Ou sont-ce aussi des personnes extérieures ?

S.F. : Les trois ! Naturellement, nous venons en soutien de tous les porteurs de projet d’AgroParisTech, qu’ils soient doctorants, étudiants et même Alumni ou chercheurs, souhaitant développer un projet. Mais nous sommes aussi ouverts aux projets émanant de l’extérieur.
Nous procédons à partir d’appels à projets. Tous les dossiers sont ensuite examinés par nos comités de sélection et les modalités d’accompagnement dépendant aussi des types de porteurs. Si nous restons ouverts aux thématiques, en revanche, nous sommes attachés aux valeurs d’AgroParisTech et souhaitons en conséquence soutenir d’abord des projets à impact qui s’inscrivent dans les transitions actuelles.

- Combien de projets avez-vous accompagné jusqu’à présent ?

S.F. : Depuis sa création, en 2017, le Food’InnLab a accompagné une soixantaine de projets. Actuellement, nous en accompagnons une quinzaine. Tous ne sont pas présents en permanence dans nos murs : certains de nos porteurs de projet sont à Lyon, Marseille, Bordeaux,… Nous les accompagnons à distance. D’autres autres ont leur bureau et tout ou partie de leur équipe ici.

- Sur quoi portent les projets accompagnés par le Food’InnLab ?

S.F. : Les projets que nous accompagnons sont divers : certains sont tournés vers la production de protéines alternatives, à partir d’algue, de légumineuse, d’insectes ; d’autres développent des produits fermentés. Nous comptons aussi des projets tournés vers la santé. D’autres encore s’emploient à promouvoir l’économie circulaire, la valorisation de « coproduits » [des produits créés au cours même du processus de production]. Récemment, nous avons lancé un nouvel appel à projets, qui a permis d’accompagner de nouveaux types de projets autour de la valorisation de cultures anciennes ou de boissons alternatives.

- Justement, vous m’en avez proposé une en dégustation…

S.F. : C’est une des infusions de Bibo, une marque fondée par Benjamin Bienert, un entrepreneur engagé, qui propose des boissons chaudes en torréfiant artisanalement des céréales françaises bio, du sarrasin ou de la chicorée par exemple, pour une alternative écoresposable aux cafés.

- Des boissons excellentes, je peux en témoigner ! Un mot sur l’écosystème de Paris-Saclay : dans quelle mesure est-il favorable au déploiement du Food’InnLab ?

S.F. : C’est d’autant plus une opportunité qu’au Food’InnLab, notre ambition est d’accompagner les porteurs de projet dans tout ce qui touche à leurs volets scientifique et technique. Pour cela, nous travaillons déjà beaucoup à promouvoir les liens internes à l’écosystème que constitue le Campus Agro Paris-Saclay, notamment les unités de recherche et les départements qui travaillent sur l’alimentation, mais on cherche aussi à faire des liens avec d’autres acteurs présents sur le plateau de Saclay. Je pense en particulier à Danone…

- Dont le centre de recherche et innovation est situé de l’autre côté de la N118. Une illustration au passage d’un effet de la proximité géographique rendue possible par l’écosystème de Paris-Saclay…

S.F. : Probablement, étant entendu qu’AgroParisTech et Danone travaillaient déjà ensemble, du temps où nous étions, nous, à Massy, eux du côté du campus de l’École Polytechnique. Une chose est sûre : nos liens ne font que se renforcer et nous nous employons plus que jamais à nous informer mutuellement de nos actions respectives. Pour ma part, je me suis déjà rendue à plusieurs reprises à leur centre de R&I du quartier de Moulon. Au delà du volet scientifique et technique de notre accompagnement, nous accompagnons également les porteurs de projets sur des sujets liés à la stratégie et aux questions business. Pour cela, nous travaillons en étroite relations avec les autres acteurs de l’entrepreneuriat innovant du plateau de Saclay.

- Situé juste à côté du Campus Agro Paris-Saclay…

S.F. : En effet. Nous avons aussi un partenariat officiel avec CentraleSupélec pour un programme de co-accompagnement dans le cadre de son accélérateur 21st. De manière générale, nous sommes en lien avec tous les lieux et institutions dédiés à l’innovation. À défaut de pouvoir participer à tous les événements, nous nous tenons informés de ce qui se passe sur le plateau de Saclay. Notre objectif est double : d’une part, créer des liens qui puissent être utiles à nos porteurs de projet, d’autre part, partager les bonnes pratiques, travailler dans un esprit de communauté avec les autres acteurs de Paris-Saclay, de façon à avancer ensemble et ainsi faire gagner l’écosystème en visibilité.

- Qu’en est-il de vos liens avec Terre et Cité, très engagée dans le maintien de l’agriculture mais aussi la promotion de nouveaux systèmes agricoles et alimentaires à l’échelle de l’Île-de-France, et du plateau de Saclay en particulier ?

S.F. : Des collègues sauraient en parler mieux que moi, mais oui, AgroParisTech est en lien avec cette association, particulièrement sur des projets de recherche et de formation. De même que la Ferme de Grignon.

- Et les agriculteurs, les maraîchers dont les exploitations ne sont qu’à quelques encâblures ? Dans quelle mesure leur présence offre-t-elle des opportunités pour eux de produire localement ?

S.F. : Mon collègue responsable du Farm’InnLab, Tristan Brancaz, traite spécifiquement des enjeux agronomiques des projets que nous accompagnons. Il connaît donc bien les acteurs du plateau, dont les agriculteurs et les maraîchers. Il y une volonté claire de renforcer les liens, de mener des projets en commun. Il y a de nombreuses interactions, encore une fois dans le cadre de projets de recherche et pour faire des liens avec la formation dans le cadre de visites ou témoignages terrains. Leur proximité est une vraie ressource pour l’école et eux apprécient notre présence et intérêt de leurs activités dans nos travaux

- Venons-à vous. À défaut de vous entendre, les lecteurs pourront, comme je l’espère, mesurer votre engagement et votre enthousiasme communicatif. Qu’est-ce qui vous a donc prédisposée à devenir la responsable du Food’InnLab ?

S.F. : Que voulez-vous, j’adore mon métier ! [Rire]. D’abord, parce j’ai toujours été passionnée par les questions qui touchent à l’alimentation – ce qui m’a conduite à faire une école d’ingénieurs en agroalimentaire à Bordeaux. Des questions qui couvrent un spectre très large a fortiori quand on se confronte à la réalité des choses. Elles impliquent de mobiliser de nombreuses disciplines : du génie des procédés à la nutrition en passant par la biologie, les sciences humaines et sociales, etc. Autant de domaines qui me passionnent quand bien même je ne suis experte d’aucuns ! Mais on mesure l’importance et la richesse des compétences scientifiques pour comprendre ce qui se joue dans l’alimentation et comment innover en la matière.
Ensuite, parce que je me retrouve pleinement dans les valeurs portées par AgroParisTech et son Food’InnLab, leurs ambitions de parvenir à des systèmes alimentaires plus durables. Pouvoir y contribuer en accompagnant des projets comme ceux dont je vous ai parlé, c’est forcément motivant.
Enfin, j’aime pouvoir accompagner au quotidien des entrepreneurs, leur permettre d’accéder aux ressources d’un écosystème qui, pour être riche et stimulant, n’en est pas moins encore complexe ; faire en sorte que leur projet voie le jour. Au quotidien, mon travail couvre divers aspects, entre la gestion des laboratoires, les interactions avec les partenariats, les sollicitations des porteurs de projet, etc.

- À vous entendre, vous me faites penser à ces personnes qui au sein d’une organisation ou d’un territoire, parviennent à parler la langue de nombreux interlocuteurs. Soit des « moutons à cinq pattes », qui exercent bien plus de fonctions que ce que suggère leur place dans un organigramme. Mais étant à AgroParisTech, je comprendrais que vous ne vous reconnaissiez pas dans cette image du « mouton à cinq pattes » qui peut aussi évoquer une expérimentation ayant mal tournée…

S.F. : [Rire]. Non, non, je me reconnais volontiers dans cette image qui correspond bien d’ailleurs à ma fiche de poste. Il me faut être un peu partout à la fois, échanger avec divers interlocuteurs, et c’est aussi en cela que mon métier est passionnant.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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