Femmes et ingénieures, et heureuses de l’être
Créé le 05/12/2025
Modifié le 05/12/2025
Rencontre avec Michèle Martin, Hiba Tabda et Vanina Richard
Suite de nos échos à la 33e édition Forum des Formations Post-Bac, qui s’est déroulé le samedi 22 novembre dernier dans le bâtiment de l’UFR Sciences du campus d’Orsay avec, cette fois, les témoignages de Michèle Martin (au centre sur la photo), déléguée régionale de Femmes Ingénieures en Île-de-France, Hiba Tabda (à droite), diplômée de Polytech Paris-Saclay, et Vanina Richard, conseiller carrière (à gauche).
- Pour commencer, pouvez-vous présenter Femmes Ingénieures ?
Michèle Martin : Femmes Ingénieures est une association créée il y a plus d’une quarantaine d’années, en 1982. Elle travaille à la promotion des métiers d’ingénieurs mais aussi scientifiques auprès des jeunes filles, en partant de ce constat toujours d’actualité : le pourcentage de celles qui s’orientent vers des études scientifiques ou d’ingénieures est loin d’atteindre la parité. Nous nous employons donc à remédier à cette situation en nous fixant trois missions : la promotion des métiers d’ingénieur.e.s auprès des jeunes filles ; la valorisation des femmes ingénieures dans le monde du travail ; enfin, le renforcement de la place des femmes ingénieures dans les conseils d’administration. Des missions que nous menons au plan national à travers des délégations régionales.
Pour ce qui est de la première, qui justifie notre présence à ce forum, nous intervenons dans les collèges et lycées qui nous sollicitent pour témoigner de nos métiers d’ingénieures et scientifiques. Des métiers dont les jeunes élèves et parfois des enseignants eux-mêmes ignorent tout ou presque. Le sens même du mot ingénieur et les compétences requises leur sont méconnus, a fortiori ce qu’il faut faire pour en devenir une. Nous intervenons sous différentes formes en veillant à chaque fois à interagir avec les élèves. En général, nous intervenons auprès des 4e et des 3e, parfois des 5e, des Secondes et Premieres et, depuis peu, en écoles primaires. Nous intervenons aussi beaucoup dans des Forums des métiers ou de formations post-Bac…
- Comme celui-ci, donc ?
Michèle Martin : Comme celui-ci, en effet. À chaque fois, nous sommes trois-quatre femmes ingénieures parfois plus – retraitées, comme moi, ou toujours en activité -, à témoigner de ce que nous faisons ou avons fait, ou encore à expliquer ce que recouvre ce mot d’ingénieur : autant on sait ce que fait un médecin, parce qu’on en a tous consulté un, autant on peine à imaginer ce en quoi consiste le métier d’ingénieur.
- Vous-même, comme avez-vous vécu le fait d’être une femme ingénieure ? Quelles difficultés avez-vous dû endurer pour non seulement faire des études scientifiques, mais encore vous imposer dans un milieu encore très masculin ? Je vous vois sourire…
Michèle Martin : Oui, je souris, car vous avez utilisé le terme « endurer ». Or, personnellement, je n’ai pas eu l’impression d’avoir enduré quoi que ce soit durant mes études pas plus que durant ma carrière d’ingénieure, du fait que j’étais une femme. Au contraire ! En toute sincérité, il me faut vous dire que j’ai eu beaucoup de plaisir à exercer mon métier. Et bien que je le sois devenue en suivant le cursus universitaire normal – j’ai fait un doctorat et pas d’école d’ingénieur. Dans ma promotion, nous n’étions que deux filles sur une soixantaine d’élèves ! Nous sommes restées depuis amies – forcément, cela crée des liens ! L’une comme l’autre avons très bien réussi nos études et nos carrières respectives : elle a été responsable d’une université – en y faisant même deux mandats – tandis que moi j’ai travaillé dans l’industrie , et c’était nos choix . Deux parcours différents, donc, mais qui prouvent bien que des jeunes filles qui s’engagent dans des études scientifiques peuvent parfaitement réussir, professionnellement, mais aussi sur un plan plus personnel : toutes les deux ont eu une vie riche, avons eu des enfants…
Malheureusement, les jeunes filles se mettent encore elles-mêmes des barrières y compris quand elles ont trouvé un emploi d’ingénieure. Combien de fois ai-je entendu dire : « Je ne vais pas y arriver » ? Des études l’ont montré : face à une même offre d’emploi, une femme et un homme ne réagiront pas de la même façon : tandis que le second n’hésitera pas à postuler dès lors qu’il remplit au moins 50% des critères, autant la première y renoncera si elle estime ne pas remplir la quasi-totalité de ces critères. Bref, elle aura tendance à s’autocensurer. C’est pourquoi nous avons mis en place des séminaires auxquels nous convions des consultants et consultantes de façon à prodiguer des conseils pour donner plus d’assurance aux jeunes femmes.
Vanina Richard : Pour ma part, je suis issue d’une école d’ingénieure spécialisée dans les travaux publics. J’ai intégré une entreprise de service public, dans un milieu essentiellement masculin, à l’époque. Avec Femmes Ingénieures, je témoigne sur mes différents emplois, en tant que femme dans un milieu majoritairement masculin, qui mène en parallèle vie professionnelle, vie de famille et vie associative.
- Le Forum des Formations Post-Bac se déroule dans un écosystème où les sciences de l’ingénieur sont prédominantes. Est-ce pour autant un territoire favorable à l’inclusion des jeunes filles dans les filières scientifiques et les carrières d’ingénieur ?
Michèle Martin : Sur ce point, je laisse répondre Hiba, qui connaissent mieux cet écosystème que moi pour y avoir fait ses études d’ingénieure.
Hiba Tabda : Je suis effectivement diplômée de Polytech Paris-Saclay. Comme Michèle, j’ai à cœur de faire mieux connaître le métier d’ingénieur, et les études qui y mènent, auprès des jeunes filles. D’où mon engagement au sein de Femmes Ingénieures et ma présence, ici, au Forum des Formations Post-Bac. J’interviens auprès de collégiens et de lycéens, à Orsay. Durant ma propre formation, j’ai eu la chance d’être encadrée par des personnes très engagées dans la promotion des femmes ingénieures. Je pense notamment à Marie-Christine Henriot, directrice-adjointe de Polytech et responsable du service relations entreprises du Réseau Polytech. Donc, oui, l’environnement est favorable à la féminisation des filières scientifiques et des métiers d’ingénieur, même si du chemin reste encore à parcourir.
Pour en savoir plus sur Femmes Ingénieures : www.femmes-ingenieures.org
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