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Science & Culture

Féminité et sport de haut niveau peuvent faire bon ménage.

Le 2 avril 2019

Suite de nos échos à l’exposition itinérante « Victoire ! [nom commun féminin ] », qui se déroulait jusqu’à fin mars dans différents établissements de l’Université Paris-Saclay avec, cette fois, le témoignage d’Alice Delmer, étudiante de l’ENS Paris-Saclay (à gauche sur la photo), qui poursuit une thèse tout en pratiquant le lancer de marteau.

– Si vous deviez commencer par vous présenter…

Je suis étudiante à l’ENS Paris-Saclay. Je poursuis une thèse en convention Cifre avec Thalès, dans le domaine du traitement du signal et du traitement d’antennes, l’objectif étant de faire de la géolocalisation d’émetteurs radio-électriques.

– Et en parallèle, vous pratiquez donc un sport de haut niveau…

Oui, le lancer de marteau ! Et ce, à raison de cinq entraînements par semaine, de trois heures chacun, soit une quinzaine au total. Je pratique ce sport depuis une dizaine d’années. Licenciée au club d’athlétisme de Metz Métropole, je m’entraîne suivant les jours soit à l’Insep, soit au club de l’US Métro, à la Croix de Berny.

– Comment en êtes-vous venue à ce sport ?

Petite, déjà, je pratiquais de l’athlétisme, en m’adonnant à toutes sortes de disciplines dont les lancers en général. C’est progressivement que je me suis spécialisée dans le lancer de marteau. Tout simplement parce que cela me plaisait et me réussissait et que mon entraîneur de l’époque était lui-même un spécialiste du lancer du marteau. Et puis, plusieurs de mes copains et copines le pratiquaient. C’est ainsi, par un concours de circonstances, que j’ai fini par opter pour ce sport et m’y consacrer pleinement.

– Vous êtes-vous heurtée à des obstacles, des discriminations ?

Non, cela s’est fait assez facilement. Nous étions plusieurs filles à commencer plus ou moins en même temps dans le club de Metz Métropole. Tout au plus certaines d’entre elles y réfléchissaient à deux fois avant de s’y lancer vraiment et de faire de la musculation, craignant pour leur physionomie !

– C’était votre cas ?

Non, moi, avant toute chose, je veux progresser, gagner en performance. Je me suis donc toujours entrainée en me disant que je verrais bien comment mon corps évoluerait. Finalement, je considère, ainsi que je le rappelle dans l’exergue qui accompagne la photo qui a été prise de moi, que féminité et sport de haut niveau peuvent faire bon ménage, y compris quand il s’agit de lancer de marteau !

– Un mot sur les séances de photographie auxquelles vous avez dû vous prêter pour les besoins de l’exposition…

D’abord, j’ai pris comme un honneur le fait d’avoir été retenue pour y participer. Ensuite, c’est la première fois qu’on me photographiait pour témoigner de ma discipline sportive. Les choses se sont passées simplement. Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance : la séance de photo se déroulait dans un petit studio. Je n’ai donc pas pu déployer le mouvement du lancer dans son intégralité… Mais le photographe a su me mettre à l’aise.

– Vous êtes-vous retrouvée dans la photo ?

D’autres moments du lancer auraient probablement pu être retenus. Mais, là, c’est la sportive qui s’exprime. Je conçois que le photographe ait pu poser un autre regard. D’ordinaire, en compétition, on nous photographie en ayant tendance à focaliser sur les tours ou sur le geste final. Lui a porté son attention sur le début et pour cause – comme indiqué, je ne pouvais pas déployer le mouvement jusqu’au bout. Mais le résultat n’en reste pas moins intéressant, en tout cas original. Le photographe a mis en valeur les spécificités du lancer de marteau au plan musculaire, tout en en valorisant la dimension esthétique. A un moment donné, il s’est d’ailleurs exclamé : « Tiens, au dirait une statue grecque ! » C’est bien la première fois qu’on faisait un tel rapprochement ! (Rire).

– Que pensez-vous de l’exposition dans son ensemble ? La concevez-vous comme un moyen de promouvoir votre sport davantage que la question de l’égalité homme/femme ?

Non, même si ma discipline gagne à être encore davantage connue, ce qui prime, c’est la lutte pour l’égalité homme/femme. De manière générale, nous autres sportives sommes moins bien représentées, que ce soit dans les disciplines sportives ou encore dans les médias. Le plus souvent, ce sont des sportifs masculins qui sont montrés à la télé ou dans les magazines. Qu’une exposition donne à voir rien que des sportives, de surcroît étudiantes, est une bonne chose !

– Comment interprétez-vous le fait que cette exposition ait été conçue sur le campus de l’Université Paris-Saclay ? Les inégalités homme/femme y seraient-ils plus fortes qu’ailleurs ou est-ce au contraire la démonstration que ce campus est à la pointe dans la lutte contre ces inégalités ?

Pour moi, c’est un campus qui, à coup sûr, a une carte à jouer dans la lutte contre les inégalités homme/femme. De par l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur et de recherche qu’il regroupe, il fait la démonstration de sa capacité à incarner la diversité. Nul doute qu’il peut en faire autant dans le domaine sportif. Pour l’heure, je constate que certaines grandes écoles comptent moins de sportifs que des universités. Mais leur regroupement permettra, comme je l’espère, de niveler la situation par le haut, en suscitant de l’émulation entre les équipes sportives.
Au-delà, on peut augurer que cela favorise aussi l’émergence de sciences du sport. Pour avoir passé un an dans une université anglaise (pour faire du traitement de signal adapté au domaine sportif), je peux témoigner d’un certain retard de nos universités en la matière. C’est pourtant un enjeu majeur dans la perspective des JO. Je n’ignore pas l’existence du programme Sciences 2024, mais nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements. Moi-même, je n’ai pas poursuivi dans ce domaine, par manque de débouchés…

– Encore un mot sur le Plateau de Saclay que vous allez rejoindre à compter de la rentrée prochaine dans le cadre du nouveau bâtiment de l’ENS Paris-Saclay. Comment appréhendez-vous la question de son accessibilité ?

Etant en thèse en convention Cifre, je ne serai pas astreinte à m’y rendre tous les jours de la semaine – je continuerai à passer trois jours en entreprise et deux jours au laboratoire. Et puis, j’ai déjà suivi des cours sur le campus de Paris-Saclay, auxquels j’ai pu me rendre sans trop de difficulté en pratiquant ne serait-ce que le covoiturage. Disons que ce sera juste un peu plus compliqué quand il se mettra à neiger (rire). Sans doute aussi que les choses vont devenir plus difficiles avec les flux supplémentaires liés à l’arrivée de nouveaux établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Il n’y aura donc plus qu’à espérer que la ligne 18 du Grand Paris Express voie bel et bien le jour !

A lire aussi les entretiens avec Vincent Moncorgé et Caroline Sabatier Moncorgé, auxquelles on doit les photos de l’exposition (pour y accéder, cliquer ici) ; Vera Mihailovitch-Dickman, chargée de mission LINkS à l’Université Paris-Saclay (cliquer ici) ; Jean-Baptiste, peintre muraliste, rencontré fortuitement au retour du vernissage de l’exposition, sur le campus de Paris-Sud où il réalise une fresque murale en l’honneur d’une sculpture de Paul Belmondo (mise en ligne à venir).

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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