EyeKeepit, pour sécuriser la conduite sans prendre le volant.
Suite de nos échos au Forum 503 avec le témoignage de l’équipe d'élèves ingénieurs de la Filière Innovation-Entrepreneurs (FIE) de l'Institut d'Optique, qui porte le prometteur projet EyeKeepit.
– Si vous deviez, pour commencer, pitcher EyeKeepit ?
Gabriel Monteux : EyeKeepit, c’est d’abord une équipe très soudée de quatre étudiants entrepreneurs de l’Institut d’Optique ! Ensemble, nous avons imaginé un dispositif d’aide au respect des distances de sécurité sur la route. Quand je dis « aide », je veux bien dire que nous entendons juste permettre au conducteur de respecter ces distances, mais sans prendre le contrôle du véhicule. Le conducteur doit rester acteur. Concrètement, notre solution permet d’afficher jusqu’à deux messages. Un premier sur le tableau de bord du véhicule, à l’attention du conducteur pour lui signaler qu’il ne respecte pas les distances de sécurité – charge à lui de faire le nécessaire, en réduisant sa vitesse. Un second message peut être affiché à l’arrière du véhicule, sous la forme d’un signal lumineux, pour avertir cette fois le véhicule suiveur au cas où son conducteur roulerait trop près et risquerait donc de provoquer un accident en cas de freinage d’urgence de l’autre conducteur. En bref, avec notre solution, on se protège et on protège les autres, tout en restant acteur de sa conduite.
– Quels clients ciblez-vous ?
Ilyass Belkhayat : Nos cibles, ce sont d’abord les particuliers sensibilisés à l’enjeu des distances de sécurité, mais aussi les moniteurs d’auto-écoles ou encore les conducteurs de bus, comme ceux de la RATP.
Gabriel Monteux : Dans un cas (les particuliers) comme dans l’autre (les professionnels), nos mots d’ordre sont la simplicité (d’usage) et l’accessibilité (en termes de prix). Le dispositif d’affichage sur le tableau de bord ne coûterait qu’une centaine d’euros, l’ensemble du dispositif de l’ordre de quatre cents euros. Un montant à mettre au regard des risques encourus.
– Comment comptez-vous convaincre les moniteurs d’auto-école ?
Gabriel Monteux : Il faut savoir que les voitures d’auto-écoles ne bénéficient pas toujours de la bienveillance des conducteurs – certains se collent derrière pour les forcer à se rabattre. Le moniteur est souvent amener à faire signe de la main pour leur rappeler les distances de sécurité.
Ilyass Belkhayat : Précisons encore que les moniteurs d’auto-école sont pour beaucoup d’entre eux des auto-entrepreneurs. Leur véhicule est leur gagne-pain : le moindre accident leur fait courir le risque de devoir l’immobiliser sans plus pouvoir travailler durant des jours voire des semaines. Nous faisons l’hypothèse qu’ils seront donc prêts à investir dans l’acquisition de notre dispositif. Nous comptons déjà un réseau d’auto-écoles parmi nos partenaires…
– … Parmi lesquels figure aussi la RATP. Comment êtes-vous parvenus à la convaincre ?
Gabriel Monteux : Notre solution est adaptée aux besoins de ses chauffeurs confrontés à la présence croissante de cyclistes ou de trottinettes, la principale source de danger pour eux. Cependant, une entreprise comme la RATP est pour nous autant un client potentiel qu’un partenaire essentiel pour tester notre solution auprès de conducteurs de bus. Tout aussi essentiel est le soutien de la Sécurité Routière, ne serait-ce que pour conformer notre dispositif à la réglementation et obtenir le droit de le commercialiser.
– Un mot sur le bâtiment du 503 et la FIE…
Gabriel Monteux : Le 503, c’est un endroit qu’on adore tout simplement ! Ici, on se retrouve au milieu d’élèves ayant la même motivation de porter un projet entrepreneurial, mais aussi d’entrepreneurs, dont beaucoup d’anciens de la FIE, qui nous prodiguent leurs conseils. Nous bénéficions aussi de l’accompagnement de Pierre et de David-O’, et nous mesurons notre chance : ils sont très impliqués, tout en nous laissant beaucoup d’autonomie. C’est bien simple : ici, je m’épanouis et je crois qu’il en va de même pour mes camarades.
Ils acquiescent !
Basile Maddalena : Le fait d’être entourés d’entrepreneurs expérimentés nous permet de bénéficier de leur retour d’expérience, d’éviter de refaire les mêmes erreurs, de bénéficier de leur carnet d’adresses. Je pense, par exemple à Toucango, qui commercialise un dispositif de « conduite vigilante » (contre l’endormissement au volant). En cas de besoin, nous pouvons les solliciter, y compris pour s’informer sur la législation et son évolution.
– Est-ce à dire que vous y poursuivez tous votre cursus ?
Gabriel Monteux : Non, nous sommes sur le site de Bordeaux, sauf Basile…
Basile Maddalena : Je suis à Saint-Étienne.
– Comment faites-vous donc pour travailler aussi bien, en étant à distance ?
Eliot Beraud : Des créneaux sont alloués par l’école pour les besoins de la conduite de notre projet. Nous nous réunissons donc en visioconférence pour planifier le travail de la semaine et se le répartir. Nous restons ensuite en contact pour nous tenir informés des avancées – nous disposons pour cela d’un outil : la plateforme de gestion de projet Monday, qui permet d’organiser un travail collaboratif à distance.
Gabriel Monteux : Et puis Basile vient de temps en temps à Bordeaux. Nous nous retrouvons aussi à Paris ou sur le plateau de Saclay, pour y assister à des événements en lien avec la thématique de la sécurité routière.
Basile Maddalena : Le plus important, c’est de savoir communiquer entre nous…
– … Y compris pour aborder les sujets qui fâchent ?
Basile Maddalena : Oui, même pour aborder les sujets qui fâchent ! Dans ce cas, quand l’un d’entre nous trouve qu’il y a quelque chose qui ne va pas, nous prenons d’abord le temps de l’écouter. Et c’est ce qui fait notre force : nous sommes quatre potes, qui arrivons d’autant mieux à travailler ensemble que nous savons nous dire franchement les choses, en tirant profit de notre complémentarité. Car nous sommes tous différents et c’est aussi ce qui fait la richesse de notre équipe.
– Comment vivez-vous ce Forum 503, qui vous permet de vous retrouver tous en présentiel, y compris avec les autres équipes ?
Basile Maddalena : Ce Forum est l’aboutissement d’une semaine que nous avons eu plaisir à passer ensemble, pour nous consacrer pleinement à notre projet, sans plus compter nos heures. Ensemble, nous l’avons été chaque jour, du matin jusqu’en début de soirée. C’est très stimulant. On échange encore plus et mieux, mais sans avoir l’impression de travailler avec tout ce que cela peut suggérer de contraintes. Vu le nombre d’heures que nous passons ici, nous devrions être rompus de fatigue. Eh bien non, nous avons plaisir à nous investir à fond dans notre projet. Nos liens n’en ressortent que plus forts. Aujourd’hui, je ressens même beaucoup de « fraternité » entre nous ! C’est sans doute une des meilleures semaines que j’ai vécues depuis ce début de deuxième année.
Gabriel Monteux : L’intérêt de ce Forum, c’est aussi de nous permettre de voir les autres équipes, où elles en sont, de recueillir leurs avis sur notre projet et de donner le nôtre sur les leurs.
Eliot Beraud : Cette semaine a été décisive pour l’avancement de notre projet. Nous avons pu avancer plus vite que durant les autres semaines durant lesquelles nous avons à mener de front et le projet et le suivi des cours. Je suis impressionné par le chemin parcouru. Entre nous, cela a fonctionné du feu de dieu !
– En dehors de cette semaine, comment expliquez-vous le fait d’être parvenus à ce résultat en à peine deux mois ?
Gabriel Monteux : C’est vrai qu’il y a deux mois, nous ne savions pas encore que nous travaillerions sur ce projet. Mais Basile, Eliot, Ilyass et moi, nous nous connaissions déjà pour avoir suivi ensemble la première année de Sup Optique. Assez en tout cas pour avoir envie de travailler ensemble et savoir que nous saurions le faire. Nous avions tous envie de nous lancer dans l’entrepreneuriat et de le faire ensemble, dans le cadre d’un même projet. Restait juste à savoir sur quoi nous avions envie de travailler. Nous avons donc pris le temps d’en discuter, de savoir ce qui nous plairait. C’est comme ça qu’est né EyeKeepit.
– Qu’est-ce qui vous a prédisposés à traiter de cet enjeu de sécurité routière ?
Gabriel Monteux : Nous sommes tous des conducteurs. Forcément, la sécurité routière nous concerne au premier chef. Comme mes camarades, je suis à chaque fois touché quand j’entends parler d’un accident de la route.
Basile Maddalena : Pour ce qui me concerne, ce qui m’a motivé à m’engager dans un tel projet, c’est que d’ici quelques années, une nouvelle génération de radars va arriver, qui seront capables de détecter bien plus que les excès de vitesse : le non respect des distances de sécurité, justement, avec donc le risque pour beaucoup d’automobilistes de se voir infliger des amendes supplémentaires (pour mémoire, il en coûte actuellement 135 euros et 3 points de retrait de permis de conduire). Devant ce risque, nous nous sommes dits qu’il faudrait donner aux conducteurs le moyen de mieux apprécier les distances de sécurité.
Ilyass Belkhayat : C’est une contribution modeste, mais qui, comme nous l’espérons, contribuera à préserver des vies.
A lire aussi les entretiens avec Anne-Lys Lanore, Élodie Ben et Éloi Lemaire, qui portent le projet Holoxa (pour y accéder, cliquer ici) ; avec Audrey Attia, Hugo Hajaali, Jashaani Uthayakumar et Stella Tan, qui portent le projet ImagingWave (pour y accéder, cliquer ici).
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