Spécialiste de renom de psychologie cognitive, professeur au Collège de France, il a bien voulu témoigner de sa vision du campus du CEA appelé à accueillir l’Institut des neurosciences, aux côtés de NeuroSpin. Et de la manière dont il le vit au quotidien…
Spécialiste de psychologie cognitive, professeur au Collège de France, l’auteur (chez Odile Jacob) de La bosse des maths (2007), des Neurones de la lecture (2007) ou encore d’Apprendre à lire. Des sciences cognitives à la salle de classe (2011) a participé à l’aventure de NeuroSpin depuis son commencement. Dans la perspective de la création de l’Institut des Neurosciences, il témoigne de sa vie de chercheur sur le campus du CEA et, au-delà, sur le territoire de Saclay qu’il connaît d’autant mieux qu’il habite Palaiseau… Rencontre en deux temps.
Le centre de recherche NeuroSpin a maintenant quatre ans. Quel bilan dresseriez-vous ?
Mon laboratoire (l’Unité mixte INSERM-CEA 562 de Neuroimagerie Cognitive) a été parmi les premiers à le rejoindre. Nous étions jusqu’alors installés à l’hôpital d’Orsay, au service hospitalier Frédéric Joliot. Dans ce bâtiment étriqué, coincé le long de la ligne de RER, il était impossible de développer des activités nouvelles. La proximité de la ligne de chemin de fer provoquait des interférences qui empêchaient l’usage d’aimants trop puissants. C’est un point auquel les aménageurs de la future ligne de métro du Plateau devront d’ailleurs être attentifs. Ici, à NeuroSpin, nous avons une machine qui permet une magnéto-encéphalographie (MEG), sensible à de très faible taux de Tesla et donc capable de détecter la moindre masse métallique en mouvement !
Vous avez dit Tesla ?
C’est l’unité dérivée d’induction magnétique (appelée aussi densité de flux magnétique ou champ magnétique) adoptée en 1960, en référence au physicien américain d’origine serbe Nikola Tesla (1856-1943).
Avec NeuroSpin, on dispose désormais d’un outil pour développer nos recherches sur l’imagerie cérébrale. Le bâtiment a été conçu pour accueillir les dernières générations d’aimants. Outre le seul aimant de 7 Tesla pour l’homme existant en France, nous en avons recevrons prochainement un prototype de 11,7 Tesla unique au monde. L’architecture a été pensée pour anticiper l’accueil des prochaines générations de machines… La forme sinusoïdale du bâtiment évoque bien sûr les encéphalogrammes. Elle correspond aussi à un besoin : la disposition des arches à une certaine distance, les unes des autres, permet d’éviter que les machines n’interfèrent entre elles. A l’arrière, une voie a été aménagée pour acheminer les aimants, une configuration très favorable, qui permet d’installer facilement les aimants, alors que dans les hôpitaux, on en est réduit à recourir à une grue et à déposer les nouveaux aimants en plein milieu des bâtiments.
Outre des IRM, nous disposons de MEG et d’outils informatiques. Cette combinaison fait de NeuroSpin un centre d’imagerie moderne. Certes, il n’est pas unique. Des centres similaires existent ailleurs dans le monde : au MIT, en Allemagne, en Hollande en Catalogne ou au Pays basque. La concentration de moyens physiques et la création d’une machine entièrement nouvelle constituent cependant un atout indéniable.
Un tel projet n’aurait pu voir le jour sans l’investissement du CEA. Rares sont les organismes capables de prendre de telles décisions et de les implémenter en un laps de temps aussi bref.
Quels résultats avez-vous enregistrez au plan de la recherche ? Dans quelle mesure NeuroSpin a-t-il favorisé l’approche pluridisciplinaire ?
Pour mémoire, NeuroSpin a pour ambition de marier les neurosciences avec la physique en abritant les équipes de plusieurs organismes de recherche. Tandis que les physiciens du CEA apportent leurs aimants et leurs compétences dans le traitement du signal, d’autres apportent une connaissance du cerveau. Mon équipe en particulier fait profiter de ses compétences en psychologie cognitive. Elle a également fait venir des équipements qui n’étaient pas prévus au départ comme la machine permettant la magnéto-encéphalographie (MEG), soit la mesure des champs magnétiques issus du cerveau.
Des chercheurs des équipes du CEA sont devenus des collaborateurs très proches. Je pense notamment à Claude Fermon et à Myriam Pannetier-Lecoeur, de l’Iramis, qui développent des capteurs de signaux magnétiques, dont pourront résulter des machines d’imagerie d’un genre nouveau. Je suis persuadé que les synergies qui sont en train de se manifester sur le Plateau vont être bien plus considérables encore avec l’arrivée des équipes de Polytechnique. Car un enjeu majeur réside dans le traitement des signaux. Réaliser de l’imagerie cérébrale, ce n’est pas le plus difficile. En revanche comprendre ce qui s’y trouve, analyser finalement ce qu’elle veut dire en termes de traitement de l’information dans le cerveau exige le concours de physiciens, mais aussi de mathématiciens et d’informaticiens.
La suite, la semaine prochaine.
Pour en savoir plus : sur Stanislas Dehaene et ses principales publications.
Vous avez dit Tesla ?
C’est l’unité dérivée d’induction magnétique (appelée aussi densité de flux magnétique ou champ magnétique) adoptée en 1960, en référence au physicien américain d’origine serbe Nikola Tesla (1856-1943).
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