Suite de nos échos à la finale du Prix Design & Science 2020, qui s’est déroulée le 27 février 2020 au Palais de la Découverte, avec le témoignage Émeline Faugère, membre du jury et de l’équipe encadrante, par ailleurs enseignante au Département Génie Mécanique de l’ENS Paris-Saclay. Celle-là même que nous avions entendue lors de la conférence autour des rapports de Léonard de Vinci avec la science…
– Comment vous êtes-vous retrouvée à participer à l’aventure du Prix Design & Science ?
Je dirai que c’est mon appétence pour la transversalité entre les arts et les sciences, un champ que j’ai investi il y a plusieurs années (c’est la 6eme édition du Prix à laquelle je participe). Tout a commencé avec une première rencontre avec l’amie d’un ami, qui était elle-même chercheuse à Strate – Ecole de Design. Je lui avais fait part de mon envie de monter des projets pluridisciplinaires entre ma propre école, l’ENS Paris-Saclay, et une école de design ou d’arts appliqués. Une semaine plus tard, je participais à une réunion en présence du directeur du Département Génie Mécanique de l’ENS Paris-Saclay, Pierre-Alain Boucard ; du directeur du Laboratoire Universitaire de Recherche en Production Automatisée (LURPA), Christophe Tournier, qui avait par ailleurs pour projet de monter un FabLab ; enfin, de la directrice de Strate – Ecole de Design, Dominique Sciamma. Ensemble, nous avons réfléchi au projet sur lequel nous pourrions faire travailler nos écoles, au public auquel nous pourrions nous adresser. Nous nous sommes accordés sur le principe de le faire à travers le Prix Artsciences (devenu depuis l’édition 2017 le Prix Design & Science), dont Strate assurait alors l’organisation.
– Pour en revenir à ce Prix Science & Design… euh… Design & Science…
Votre lapsus est intéressant car c’est celui que faisaient aussi l’un des Normaliens scientifiques. Au moins était-ce la preuve qu’ils se l’étaient appropriés…
– Depuis lors vous vous y êtes impliquée fortement comme membre du jury…
En effet, comme membre du jury, mais aussi et surtout comme encadrante : avec d’autres enseignants d’écoles partenaires, j’accompagne les équipes au cours de leurs ateliers hebdomadaires et ce, depuis 2014.
– Quel regard posez-vous sur ce millésime 2020 ?
C’est toujours difficile de comparer les « millésimes », comme vous dites, car les thématiques changent d’une année sur l’autre, de même que les profils des élèves, que nous recrutons en fonction. Cette année, nous avons fait en sorte que les équipes soient, en plus d’êtres pluridisciplinaires, constituées d’élèves sensibilisés sinon sensibles aux enjeux environnementaux (pour la première fois, nous avions demandé aux candidats de rédiger une lettre de motivation). Nous avons aussi été attentifs à recruter des agronomes ou des étudiants en science du vivant. Cela étant dit, c’est la première année où j’ai eu le sentiment qu’avait dominé un esprit de promotion. Jusqu’ici les équipes échangeaient entre elles, mais sans interagir autant.
– Cela s’est effectivement senti à la manière dont les équipes lauréates ont été applaudies par toutes les autres équipes qu’elles l’aient été elles aussi d’un autre prix, ou pas…
A l’évidence, le séjour organisé à Singapour avec un membre de chaque équipe a contribué à instaurer un trait d’union entre elles. Ensuite, j’ai été agréablement surprise par la qualité de pitches. Cependant, comme chaque année, la scientifique que je suis ne peut s’empêcher d’être un peu frustrée relativement à la recherche bibliographique que je souhaiterais encore plus approfondie. Cela dit, j’ai conscience que les élèves ont déjà suffisamment de défis à relever : apprendre à se connaître, confronter leur savoir à ceux d’élèves venant d’autres disciplines…. Cette année, ils avaient beau être sensibles aux enjeux environnementaux, ils n’étaient pas a priori experts des enjeux agricoles ni des mégalopoles. Ils ont donc eu besoin de temps pour s’approprier la thématique et identifier une problématique… Il leur a fallu aussi faire beaucoup de terrain, aller à la rencontre de nombreux interlocuteurs et tout cela sous de fortes contraintes de temps : le programme se déroule certes sur six mois, à raison d’une réunion hebdomadaire, mais il s’ajoute à l’agenda déjà bien chargé de leurs études.
– On mesure l’opportunité que présente donc ce programme en terme de formation, au point d’ailleurs de se demander si les prix décernés au cours de la soirée, quoique bien dotés, ne sont pas la cerise sur le gâteau et si, au final, toutes les équipes n’en ressortent pas gagnantes ?
Très clairement ! D’ailleurs, en mon for intérieur, je me demande si cela a du sens de parler de « prix ». Comme vous l’avez rappelé, il s’agit d’abord d’un programme pédagogique. Ce qui m’intéresse en tant qu’encadrante, c’est d’ailleurs de voir grandir les équipes au fil du temps. Cela étant dit, reconnaissons que la remise de prix est un moyen de donner un coup de pouce aux projets récompensés. C’est aussi une manière pour les partenaires de manifester leur engagement.
– Permettez-moi de saisir l’opportunité d’interviewer une enseignante de l’ENS Paris-Saclay pour savoir comment vous abordez le transfert de votre école sur le Plateau de Saclay ?
D’un strict point de vue institutionnel, il va contribuer à rapprocher les communautés d’étudiants, mais aussi de recherche, qui concourent à l’Université de Paris-Saclay. Ce faisant, nous nous rapprochons aussi physiquement de lieux dédiés à la rencontre des communautés : le Learning Center, par exemple, sans oublier le Design Spot (en charge de l’organisation du Prix Design & Science). A titre plus personnel, je ne suis pas encore en mesure de me projeter dans les nouveaux locaux de mon école : le Département Génie Mécanique auquel j’appartiens n’y déménagera qu’à la rentrée. Une chose est sûre : cela va introduire des changements, dans la manière d’enseigner. Sans doute nous faudra-t-il du temps pour nous approprier les lieux. Je reste cependant optimiste. A priori, les nouveaux locaux ont été conçus pour susciter plus de transversalité entre les départements – pour mémoire, l’ENS Paris-Saclay en compte 14, qui, à la différence de l’ancien campus, seront hébergés dans un seul et même bâtiment. Et puis, je fonde des espoirs dans la Scène de recherche, qui a été inaugurée le 31 janvier dernier. C’est une idée magnifique, portée par l’ENS Paris-Saclay, dont la programmation artistique se fera en partenariat avec la Diagonale Paris-Saclay, la biennale Nemo et le Centre Pompidou. L’objectif est de faire émerger des projets arts et science, au sens fort du terme (les projets de recherche seront pensés dans une vraie perspective artistique). J’ai hâte de voir ce que cela va donner. Le lieu est accessible aussi bien aux chercheurs et enseignants qu’aux étudiants. J’espère avoir la chance de pouvoir y contribuer un jour !
– Mais n’êtes-vous pas en train de nous dépeindre l’esprit de cet « atelier boutique » de Léonard de Vinci, dont vous nous aviez montré le rôle dans sa formation pluridisciplinaire ?
(Rire) Je persiste et signe : la métaphore s’applique bien à Paris-Saclay, un cluster où on retrouve plusieurs disciplines complémentaires et qui s’enrichissent de leur complémentarité. En poussant l’analogie, on pourrait dire qu’il y souffle ici l’esprit du Quattrocento, de la grande échelle jusqu’à celle d’un lieu comment la Scène de recherche !
Pour accéder à l’article « Léonard de Vinci et son drôle de cluster », cliquer ici.
A lire aussi les entretiens avec Vincent Créance (directeur du Design Spot (pour y accéder, cliquer ici) ; Pape Osmane, de l’équipe « Le Flotteur », lauréate du Prix du Public (pour y accéder, cliquer ici) ; Marion Atzemis et Anaïs Ougier, de l’équipe « Atelier sur demande », lauréate du Prix Design & Science (pour y accéder, cliquer ici).
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