Enalees, l’ami des animaux de loisir et des vétérinaires.
Enalees compte parmi les premières entreprises à solliciter la plateforme de financement participatif inaugurée le 18 septembre 2018. Laurent Thiery, son fondateur et président nous en dit plus sur ce qui l’a motivé à le faire, mais aussi sur la genèse de son entreprise et ce qui l’a prédisposé à se lancer dans une aventure entrepreneuriale.
– Si vous deviez commencer par pitcher Enalees ?
Notre solution vise à répondre à une problématique que rencontrent les propriétaires d’animaux de loisir (chats, chiens, chevaux…) en cas d’infection de ceux-ci par un microbe : ils leur faut faire effectuer une prise de sang, envoyer celle-ci à un laboratoire d’analyse, puis attendre, entre deux et sept jours. Un délai parfois trop long, les résultats pouvant même arriver une fois que l’animal est mort. Notre solution vise donc à réduire ce laps de temps en permettant au vétérinaire de faire lui-même l’analyse à partir d’un diagnostic moléculaire. Concrètement, nous mettons à disposition différents tests à usage unique permettant de révéler, par une réaction biologique, l’ADN du microbe en présence. Si, par exemple, il soupçonne que l’animal est atteint de la maladie de Lyme, il utilisera le test Enalees Borrelia [qui permet de détecter cette maladie]. Un détecteur portatif sur lequel on dispose les tubes, affichera + ou – selon que la présence du microbe est confirmée ou pas. Au total, la démarche n’aura demandé qu’une trentaine de minutes, entre le prélèvement sanguin et l’affichage sur l’écran de l’appareil, contre, rappelons-le, plusieurs jours avec la démarche habituelle et pour un coût bien évidemment moindre.
– Quelles compétences avez-vous dû réunir pour parvenir à cette solution ?
Pour ma part, j’ai un doctorat en biologie (à l’Université Pierre et Marie Curie, aujourd’hui Paris-Sorbonne). J’ai par ailleurs une dizaine d’années d’expérience en direction commerciale et marketing au sein d’entreprises. Une double compétence qui m’a permis d’identifier le marché de la santé animale et les compétences dont j’avais besoin. Outre des spécialistes de la vente et du marketing, Enalees réunit des docteurs en sciences et des ingénieurs. Soit une huitaine de personnes au total, avec pour point commun, une même affection pour les animaux de loisirs ! Chacun s’est d’ailleurs amusé à afficher une photo de ses propres animaux de compagnie, sur les murs de nos locaux. Ce qui actuellement fait 24 photos pour 8 personnes !
– Ce qui fait un bon ratio… Au vu de l’intérêt de votre solution, on se dit que d’autres sociétés ont dû en proposer d’équivalentes. Qu’en est-il d’ailleurs du marché que vous investissez au regard de la concurrence ?
Nos premiers et seuls véritables concurrents sont les laboratoires d’analyse eux-mêmes. La qualité de leurs analyses n’est pas en cause, a fortiori pour ce qui est des plus gros d’entre eux. Ce n’est donc pas de ce côté-ci que se situe notre valeur ajoutée. Comme vous l’aurez compris, elle réside dans le gain de temps. Grâce à notre solution, le vétérinaire peut identifier dès la consultation la nature du pathogène infectant l’animal et procéder immédiatement au traitement approprié. J’ajoute une autre valeur ajoutée : la possibilité offerte au vétérinaire d’informer le propriétaire, y compris sur la cause du décès. Il n’y a rien de plus pénible pour ce dernier que de devoir déplorer la disparition de son animal de loisir préféré, sans en connaître le motif. Ce qui malheureusement arrive fréquemment.
– Avez-vous été vous-même confronté à cette situation ? Si oui, est-ce elle qui vous aurait motivé à concevoir la solution que vous proposez aujourd’hui ?
(Sourire) Personnellement, je n’ai pas à eu à souffrir de la disparition d’un animal de loisir pour cause de maladie infectieuse non identifiée. J’ai eu jusqu’à quatre chats, morts pour certains de leur belle mort. En revanche, j’ai eu recours aux services de laboratoires d’analyse et peux témoigner de leur relative lenteur. Je connais surtout des vétérinaires auquel notre solution permet déjà d’éviter des « drames ».
– On imagine que vous avez d’ailleurs déjà des exemples d’animaux sauvés in extremis par votre solution…
Oui, et en guise d’illustration, j’aime citer le cas de cette vétérinaire qui avait reçu en soin une jument, Shakina, qui présentait des symptômes alarmants – son diagnostic vital était même engagé. La vétérinaire concernée hésitait entre quatre maladies. Elle avait donc le choix entre attendre les résultats de l’analyse d’un laboratoire ou traiter l’animal au hasard en croisant les doigts pour ne pas se tromper, car il faut savoir qu’en plus d’être coûteux, certains traitements médicamenteux ont des effets secondaires potentiellement très lourds pour l’animal. Il est donc important de choisir le bon traitement. Dilemme dont notre solution lui a permis de sortir : elle a procédé à une prise de sang, fait l’analyse au moyen de notre kit, pu diagnostiquer la maladie et, enfin, administrer les médicaments adéquats. Le lendemain, le pronostic vital de la jument n’était plus engagé.
– Qu’est-ce qui vous a prédisposé à participer à cette aventure qui est aussi entrepreneuriale ?
Avant de me lancer dans cette aventure, car c’en est une effectivement, j’ai, comme indiqué, travaillé pendant une quinzaine d’années dans le domaine commercial et marketing pour le compte de grands groupes, avant d’avoir la responsabilité de la gestion de sites, dont l’un d’une société américaine, implanté à Lyon. Il concentrait des activités de production, de R&D, de vente et de marketing, ce qui m’aura permis de découvrir d’autres aspects du monde de l’entreprise tout en approfondissant mon expertise en matière de santé animale.
Il reste que, si le management à l’américaine a ses vertus, le poids de la hiérarchie, l’absence de réelle flexibilité, la lenteur avec laquelle les décisions peuvent être prises ont fini par me peser. Au point de susciter le besoin de recouvrer plus de liberté, d’expérimenter d’autres formes de gestion des ressources humaines. C’est ainsi que l’idée de sauter le pas de la création d’entreprise a germé et grandi dans mon esprit. J’y ai été d’autant plus tenté que je percevais des besoins qui n’étaient pas encore satisfaits. En 2015, je quittais donc mes fonctions pour créer Enalees.
– En quoi l’écosystème de Paris-Saclay a-t-il été favorable à votre démarche entrepreneuriale ? Le connaissiez-vous avant ?
Oui, avant ma thèse à l’Université Pierre et Marie Curie, j’ai fait un Master hébergé en partie à la Faculté des sciences d’Orsay. Ce qui m’a permis de travailler avec des laboratoires présents sur ce campus, dont l’Institut de biotechnologie des plantes.
Quant à la société américaine pour laquelle je devais travailler plus tard, elle disposait d’un site sur le Plateau de Saclay. C’est un environnement qui est propice aux interactions entre le monde économique et celui de la recherche. Ce dont je peux encore témoigner depuis la création d’Enalees.
– Un mot sur Genopole où vous êtes implanté…
C’est un écosystème que je connaissais déjà pour y avoir travaillé dans le cadre d’une start-up. Il est particulièrement favorable au développement de sociétés comme la nôtre. Outre sa notoriété internationale, nous avons accès à des plateformes technologiques, ce qui permet de limiter nos besoins d’investissement en équipements et matériels. A quoi s’ajoute un précieux accompagnement au travers de structures, qui nous conseillent ou contribuent à notre financement.
– Quid des problématiques de transport ?
En l’état actuel, la plupart du personnel d’Enalees se déplace en voiture (électrique ou hybride, je tiens à le souligner). Il est clair que nous fondons beaucoup d’espoir dans l’amélioration des conditions d’accessibilité, en bus ou en tramway, pour les déplacements transversaux, notamment entre Evry et le Plateau de Saclay.
– Où en êtes-vous dans votre développement ?
Nous avons dépassé le stade de l’incubation proprement dite. Quoique de création récente, Enalees est une société commerciale à part entière. Nous disposons de 200 m2 de locaux et commercialisons déjà des produits. Nous avons une douzaine de clients, qui sont des cliniques vétérinaires. Le développement commercial devrait nous permettre de passer prochainement le cap des 40 000 € de chiffre d’affaires en France, pour l’année 2018. Nous allons procédé à une levée de fonds de façon à accélérer notre développement à l’international, en Angleterre et en Allemagne d’ici quelques mois. Des contacts ont par ailleurs été établis pour investir le marché des Etats-Unis.
– Venons-en à Siinaps : comment s’est faite la rencontre avec les initiateurs de cette plateforme d’investissement participatif ?
Le Genopole est partenaire de Scientipôle Capital, à l’initiative de Siinaps. Nous nous sommes retrouvés dans l’état d’esprit qui sous-tend la démarche, à savoir simplifier la vie des gens. Tandis qu’Enalees s’emploie à simplifier celle des vétérinaires, Siinaps simplifie celle des startuppers ou chefs d’entreprises en quête de financement. La plateforme leur permet de surcroît de mobiliser, en plus des ressources de business angels ou de fonds d’investissement, l’épargne de particuliers intéressés au développement de l’économie réelle, sur leur territoire, celui de Paris-Saclay en l’occurrence. En ce qui nous concerne, des vétérinaires se sont dit prêts à soutenir notre entreprise, en y investissant. Siinaps leur permettra de le faire, en toute simplicité.
A lire aussi l’entretien avec Vivien Staelhen, cofondateur de Phonoptics, une start-up issue de la Filière Innovation-Entrepreneurs (FIE) du 503 (le Centre entrepreneurial de l’Institut d’Optique Graduate School), qui a conçu une capteur en fibre optique utilisable dans des environnements hostiles (pour y accéder, cliquer ici).
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