Nous l’avions interviewé une première fois voici plus de quatre ans au titre de directeur du projet EDF Lab Paris-Saclay. Voici un nouvel entretien réalisé dans son bureau situé dans l’un des bâtiments du tout nouveau centre de recherche ouvert il y a à peine plus d’un an. Jean-Paul Chabard revient sur le chemin parcouru depuis l’arrivée des premiers salariés.
– Je vous ai interviewé une première fois en décembre 2012, au Centre de Chatou [pour accéder à l’entretien, cliquer ici], au titre de directeur du projet d’EDF Lab Paris-Saclay, dont la première pierre n’était pas encore posée. Que de chemin parcouru depuis…
Un long chemin en effet. Ce projet m’aura occupé pendant pratiquement huit années de ma vie professionnelle. J’ai été nommé directeur du projet en septembre 2008. En mars 2016, nous nous y installions enfin. Cela aura constitué une expérience professionnelle extraordinaire. Aussi, je souhaite profiter de cet entretien pour renouveler mes remerciements à Yves Bamberger, directeur de la R&D au moment du lancement du projet, ainsi qu’à Bernard Salha qui l’a remplacé à ce poste au printemps 2010. Tous deux m’ont fait confiance durant toute cette période tant pour ce qui concerne la programmation que le suivi des opérations.
Naturellement, je n’étais pas seul à porter ce projet. Au sein d’EDF plusieurs directions ont été impliquées dans cette réalisation : la Direction de l’Immobilier, qui a assuré le pilotage de la construction, la Direction des Services Partagés, qui a piloté les réalisations liées au courants faibles, mais aussi la Direction financière, la Direction des Achats, la Direction Juridique, la Direction des Ressources Humaines, etc. Sur un projet de cette ampleur, toutes les ressources du groupe EDF se sont mobilisées dans une dynamique toujours très positive. En interne R&D, j’ai pu m’appuyer sur une équipe qui comptait notamment Hatem Marzouk, particulièrement impliqué dans l’aménagement des espaces tertiaires et et dans les opérations de space planning ; Jean-Pierre Morin, qui a, lui, travaillé sur le déménagement des moyens d’essais et sur le volet transports ; Eric Robert puis Sylvain Langlois, qui ont successivement porté la partie liée aux systèmes d’information et Béatrice Bianchini-Burlot, directrice du site de Clamart, qui a pris en charge les questions de transfert et de déménagement – elle est désormais la directrice du site d’EDF Lab Paris-Saclay. Il faut mentionner également les Chefs des départements de Clamart et leurs délégués, la filière RH et la filière communication, qui contribuaient également à l’équipe projet que je réunissais toutes les deux semaines.
A travers l’animation de cette équipe, mon rôle a été d’assurer la programmation et le suivi des opérations, de veiller à ce que ce qui était construit – sous la responsabilité du pôle immobilier du Groupe EDF et de l’architecte, Francis Soler – correspondait bien aux objectifs que nous nous étions fixés tant au niveau des conditions de travail, que de la performance énergétique. Le déroulement s’est, dans l’ensemble, très bien passé. Tout au plus ai-je dû revenir sur des décisions prises sans mon accord !
– Par exemple ?
J’ai fait remettre des cloisons vitrées dans les couloirs en lieu et place des cloisons opaques qu’on s’apprêtait à installer. Un non sens au regard de la vocation du lieu, qui est de favoriser les interactions entre les équipes. Naturellement, je ne suis pas contre le principe de faire des économies, mais à condition qu’elles n’amènent pas à revoir à la baisse l’ambition du projet.
– Mais comment maintenir une programmation dans un monde où les besoins et opportunités changent aussi vite ? Où l’innovation de demain est de surcroît difficile à anticiper, notamment en matière d’efficacité énergétique ?
Il est clair qu’on ne peut s’improviser programmateur. Pour les besoins de la programmation de l’EDF Lab Paris-Saclay, nous nous sommes donc appuyés sur des professionnels, dont Yves Chicoteau, de la société Orénoque, qui nous a assistés dès le début, en automne 2008, au plan de la méthodologie. Nous avons exprimé des ambitions, qu’il a ensuite su traduire en éléments de programme. Si, au début, il ne faut ne pas hésiter à se montrer aussi créatif que possible – et nous nous sommes autorisés à l’être durant les deux premières années – il importe ensuite d’arrêter des décisions et de s’y tenir. On ne peut pas être dans un mouvement perpétuel, a fortiori quand il s’agit de construire un bâtiment censé accueillir 1 200 personnes. On ne peut pas non plus changer les options au rythme des innovations qui arrivent sur le marché. On limite les risques en arrêtant les choix sur des solutions éprouvées. Pour autant, on ne fige pas totalement le projet. On se ménage encore la possibilité de le faire évoluer, grâce à des espaces suffisamment modulables pour en changer la destination. C’est, comme vous pouvez le voir, le cas de l’ensemble des plateaux de bureaux : les espaces de travail sont séparés par des cloisons amovibles, que nous pourrons réaménagés facilement, par exemple en créant des espaces plus ouverts si le besoin s’en fait sentir, moyennant deux-trois semaines de travaux de montage-démontage. L’ensemble des fluides et des courants, forts et faibles, passant dans les faux planchers, il suffirait de déplacer les prises informatiques quelques mètres plus loin, pour reconfigurer l’espace.
Et cela vaut aussi pour le reste des espaces de bureaux ou de réunions. L’ensemble pourrait être réaménagé au moindre coût sans avoir à modifier les murs ou la structure des bâtiments.
– Dans quelle mesure votre formation et métier d’ingénieur dans le domaine de l’hydraulique vous a-t-il prédisposé à porter un tel projet ?
(Rire). Je suis effectivement ingénieur de formation, diplômé de Centrale Paris avec un DEA en mécanique des fluides et spécialisation en transferts thermiques. J’ai débuté ma carrière au Laboratoire National d’hydraulique de Chatou. Mais je doute que la mécanique des fluides m’ait prédisposé au projet de conception d’un nouveau campus. En revanche, ma formation m’a été utile, tant dans le domaine des procédés généraux de construction qu’en résistance des matériaux ou en énergétique des bâtiments. De manière générale, une formation d’ingénieur offre un bagage technique à même de vous aider à comprendre les caractéristiques d’un système complexe comme peut l’être un bâtiment au même titre qu’un avion ou tout autre objet technique de ce genre. Il recouvre de fait plusieurs dimensions qu’il faut penser ensemble. Et aujourd’hui plus que jamais à l’heure de la connectivité numérique.
– Revenons d’abord à ce mois de mars 2016…
Une étape importante s’il en est, puisqu’il s’agissait d’accueillir les salariés dans ce qui allait devenir leur espace de vie et de travail pour plusieurs années. Le moment où allait donc s’incarner la promesse qui leur avait été faite huit ans plus tôt.
Pour eux, le résultat final ne fut pas complètement une découverte : nous avions déjà beaucoup communiqué sur le projet et ils avaient eu l’occasion de visiter le chantier. Nous avions conçu des espaces témoins et de démonstration tant pour les espaces de travail que pour le mobilier sur le chantier même ainsi qu’à Clamart. Sans compter les différentes réunions de concertation, qui avaient été mises en place et auxquelles ils avaient pu participer au même titre que les autres parties prenantes (élus, habitants, associations…).
Cependant, durant les neuf derniers mois, de juin 2015 à mars 2016, j’avais demandé un arrêt des visites du site par les salariés. Et ce, afin de ménager un effet de surprise, ou « effet waouh » si vous voulez. Le moins qu’on puisse dire est qu’il a été au rendez-vous. Les salariés en étaient restés à des images de chantier, sans vue d’ensemble. Le fait de découvrir l’intégralité du site, achevé, c’était tout de même autre chose. Je pense qu’ils ont été impressionnés par l’ambition architecturale du projet, qui fait assurément d’EDF Lab, une signature du Plateau de Saclay.
– Combien de salariés ont-ils été concernés ?
1 200. Mon équipe a en quelque sorte essuyé les plâtres, en s’y installant la première, dès le 7 mars, avec celles du site, de la communication et de l’informatique.
La suite du déménagement a été organisée en trois vagues : les lundi 14, 21 et le mardi 29 mars (le 28 mars tombait le lundi de Pâques), représentant chacune, de l’ordre de 350 à 400 personnes. A chaque fois, les équipes étaient invitées à quitter leurs anciens bureaux le vendredi midi, en laissant leurs cartons aux déménageurs, et à rejoindre l’EDF Lab Paris-Saclay, en début de semaine. A chaque fois, ils ont pu partager un café d’accueil dans l’espace atrium. Naturellement, l’arrivée de la première vague fut décisive. Je ne cache pas que je n’avais pas spécialement bien dormi la nuit précédente (rire). Après tout, je n’étais pas totalement sûr de la manière dont mes collègues allaient réagir. Les réactions de cette première vague m’ont aussitôt rassuré : les salariés arrivaient le sourire aux lèvres, sans manifester la moindre réticence. L’effet waouh a parfaitement fonctionné et s’est poursuivi le reste de la journée, consacrée à la visite des lieux, après une présentation du site dans notre grand auditorium. Le même programme a été proposé aux deux vagues suivantes. A une différence près : les salariés déjà présents ont pris l’initiative d’accueillir leurs collègues. Le jour de l’arrivée de la 3e vague, tout le monde s’est retrouvé dans l’atrium principal. Ainsi, la raison d’être du projet – favoriser les rencontres entre des équipes de différents métiers – se réalisait sous nos yeux. C’est à ce moment précis que nous avons su que le pari était gagné.
– L’effet waouh a-t-il perduré au-delà des premiers jours ? Où le personnel a-t-il dû pâtir de dysfonctionnements ?
Il a continué bien au-delà à en juger par les réactions positives, que j’ai recueillies de manière directe ou indirecte. Certes, on trouvera toujours quelqu’un qui aura un point de vue critique, mais dans l’ensemble nous ne nous sommes pas heurtés à des récriminations massives, encore moins à un rejet. Quant aux dysfonctionnements et réglages à faire, il y en a bien eu, notamment au niveau du chauffage et du rafraichissement : certains disaient avoir trop chaud, d’autres trop froid. Mais rien que de plus normal pour un équipement de cette taille et de cette ambition. Mes collègues l’ont d’ailleurs bien compris et ont su se montrer patients.
J’ajoute que le site accueille régulièrement des visiteurs internes ou externes à EDF (près de 6 000 visiteurs accueillis en un an). L’effet waouh qu’il produit sur ceux qui y viennent pour la première fois renvoie une image plus que positive à nos salariés. Les 1er et 2 octobre, nous avons accueilli 1 300 personnes sur le site à l’occasion des Journées des Industries Electriques et de notre « Family Day » spécialement organisé pour que les salariés puissent faire découvrir leur nouvel espace de travail à leurs proches. Ce jour-là, j’ai pu constater à quel point ils avaient plaisir à faire visiter ce lieu qu’ils s’étaient déjà complètement appropriés. Manifestement, nous avions réussi à faire d’EDF Lab Paris-Saclay un espace suffisamment ouvert pour permettre des projets collaboratifs, tout en offrant un cadre de travail agréable.
– Un mot sur le partenariat avec l’association ADER qui s’était proposée de faire découvrir l’environnement à vos salariés à travers des randonnées…
Oui, j’y ai répondu d’autant plus favorablement que cette proposition rejoignait mon souhait de travailler dans un esprit d’ouverture avec l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème : les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, les collectivités territoriales, l’EPA Paris-Saclay, mais aussi les associations. Nous avions organisé une réunion spécifique à leur attention, pour présenter le projet, entendre leurs interrogations et dissiper des malentendus, notamment sur le type de recherche que nous mènerions. Nous les avons ensuite toujours associées à nos événements comme ce Forum de la R&D que nous avons organisé à Polytechnique, en septembre 2015. L’ADER, en particulier, y disposait d’un stand pour présenter ses activités. Elle-même s’était proposée d’organiser des balades à cette occasion.
Nous travaillons aussi étroitement avec Ile de Science qui promeut depuis plusieurs décennies les échanges entre les acteurs de la recherche présents sur le Plateau de Saclay (nous participons depuis quatre ans à la Fête de la Science qu’elle organise au gymnase du Moulon et, cette année, nous avons accueilli son colloque). Bref, nous saisissons les moindres occasions de nous insérer dans le territoire.
– Dans quelle mesure capitalisez-vous sur cette expérience du transfert d’un nombre aussi important de salariés, ne serait-ce que pour en faire profiter les établissements d’enseignement supérieur ou de recherche appelés à rejoindre le Plateau de Saclay et quand bien même leurs effectifs seraient moindres que les vôtres ?
Notre expérience intéresse manifestement. Nous avons été sollicités par différents établissements, en particulier par l’Ecole CentraleSupélec. Une réunion a été l’occasion de faire un retour d’expériences à nos interlocuteurs, en pointant ce qui avait marché et les écueils à éviter.
– Qu’en est-il des conditions d’accessibilité du site ? Dans quelle mesure altèrent-elles l’effet waouh initial ?
Il est clair que la question de l’accessibilité du site, tant en transports en commun qu’en véhicule individuel, a été un point d’achoppement pour les salariés. Ceux de Clamart commençaient tout juste de bénéficier de la desserte de leur site par le tram avec une station qui arrivait juste devant. Ils avaient attendu quinze ans, en endurant cinq ans de travaux pour, enfin, en bénéficier. Et voilà qu’on leur annonçait qu’ils seraient finalement transférés sur le Plateau de Saclay où il leur faudra encore attendre quelques années avant de voir arriver une ligne de métro automatique… Reconnaissons qu’il pouvait y avoir des motifs d’irritation. Néanmoins, au moment du déménagement, les collègues ont pu se rendre compte que la situation était moins difficile que ce qu’ils avaient pu imaginer. Nous bénéficions d’une desserte par un bus en site propre, avec un arrêt juste à l’entrée du site. Aux heures de pointe, la fréquence du 91 06 permet de l’atteindre rapidement, depuis la gare Massy Palaiseau de la ligne B du RER. A quoi s’ajoutent d’autres solutions qui ont été proposées à l’attention de nos salariés parisiens : une navette inter-entreprises mise en place à notre initiative avec le CEA, l’ONERA et Télécom ParisTech. Une solution bien pratique : elle met 20-25 minutes, le matin, pour desservir le site depuis la porte d’Orléans ; un peu plus le soir, en raison des embouteillages. Par ailleurs, pour répondre aux besoins de nos salariés qui habitent à proximité de Clamart, nous avons participé, avec le STIF et l’appui de la Communauté Paris-Saclay, à la mise en place d’une sous-ligne de bus de la ligne 91 08 (laquelle va de la gare routière de Vélizy jusqu’aux Ulis), pour desservir le quartier de Polytechnique. Une sous-ligne que nos salariés peuvent récupérer en prenant le tramway T6 jusqu’à la gare routière de Vélizy. Le trafic étant peu encombré dans ce sens de la circulation, le trajet est rapide. Je me suis personnellement impliqué pour qu’elle fût opérationnelle dès le mois de mars 2016.
– Et l’environnement immédiat ? Dans quelle mesure a-t-il contribué à favoriser l’appropriation du site ?
Avant d’évoquer cet environnement, je souhaite dire un mot sur les jardins aménagés sur le site EDF car ils ont aussi beaucoup contribué à l’effet waouh. Pour mémoire, ils ont été dessinés par le regretté Pascal Cribier, un des grands maîtres paysagistes français, avec lequel j’ai eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises. Il souhaitait faire quelque chose qui soit agréable par sa diversité même. Entre le jardin de la partie nord et celui de la partie sud, les aménagements et les espèces ne sont de fait pas les mêmes. Dès le printemps 2016, ces jardins ont tenu leur promesse. On s’y promène avec d’autant plus de plaisir qu’ils offrent une perspective visuelle et contribuent ainsi à cette volonté d’ouverture du site.
Mais Pascal Cribier n’a pas fait que dessiner des paysages. Avec son équipe, il a aussi proposé une gestion exemplaire des eaux pluviales à travers un système de drainage constitué de rigoles qui, elles-mêmes, permettent de les déverser dans des fossés surbaissés (de là cette perspective visuelle, que j’évoquais) puis des bassins de rétention dimensionnés pour affronter deux épisodes de pluie centennale qui arriveraient coup sur coup. Ce qui nous garantit contre tout risque d’inondation. Une gestion optimale, dont j’ai eu beaucoup plaisir à discuter avec Jean-Marie David, en charge de ce volet du projet d’aménagement paysager du site.
– Etant entendu qu’il a dû composer avec l’étoile d’eau…
(Sourire). Et la mare aux tritons crêtés… Des canards sauvages y ont depuis aussi élu domicile.
– Le public extérieur ne le sait peut-être pas, profitons donc de cet entretien pour rappeler qu’il peut déambuler dans les allées de vos jardins…
Oui. Et en cela il répond bien à quelque chose qui me tenait peut-être le plus à cœur : l’aménagement d’une zone ouverte. Le site compte deux bâtiments dans lesquels on peut pénétrer sans avoir besoin d’être badgé (il faut juste se soumettre à un contrôle). Concernant le 3e bâtiment, il est possible d’accéder à son rez-de-chaussée avec sa cafétéria et sa restauration rapide. Tout cela, dans l’idée de faciliter les rencontres fortuites en interne comme en externe, avec des chercheurs d’autres laboratoires ou centres R&D du Plateau.
– A-t-il été facile de faire admettre ce juste équilibre entre des espaces ouverts et d’autres, plus confinés, pour cause de sécurité ou par besoin de confidentialité ?
Non, autant le reconnaître, cela n’a pas été simple. Les sites R&D d’EDF n’ont pas jusque-là été conçus pour être ouverts à un public extérieur. Et de manière générale, le contexte actuel, lié aux risques d’attentats, tend plutôt à durcir les conditions d’accès aux établissements de recherche. Pourtant, nous sommes parvenus à ce juste équilibre en étant sans doute le site le plus ouvert du Plateau de Saclay, non sans, du même coup, en incarner peut-être le mieux l’esprit campus. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas le moindre contrôle ou la moindre mesure de sécurité : outre des gardiens, le site est placé sous vidéosurveillance. Bref, c’est ouvert, mais surveillé. La nuit, des clôtures métalliques en bloquent l’accès. Mais la journée, le site est accessible aussi facilement que peut l’être un campus. Et telle était notre intention.
– Vous avez évoqué l’effet waouh suscité par le site lui-même. Mais qu’en a-t-il été de son environnement avec ses établissements d’enseignement supérieur et de recherche prestigieux, déjà présents ou à venir, mais aussi ces espaces agricoles, naturels et forestiers ?
Aujourd’hui, cet environnement est encore en devenir. Nous sommes au cœur d’une ZAC, où il y a encore plus de grues que d’établissements. Mais les chantiers sont la preuve que le campus est bel et bien en train de se réaliser. D’ores et déjà, notre présence a facilité les interactions entre les divers acteurs du Plateau, académiques aussi bien qu’industriels, associatifs et élus. Bien d’autres opportunités vont se présenter avec l’arrivée de nouveaux établissements, juste devant notre site, et de l’autre côté de la N118 (Télécom ParisTech, CentraleSupélec, l’ENS Paris-Saclay, etc.). C’est dire si les motifs de fierté à travailler à l’EDF Lab ne manqueront pas. En plus d’être une vitrine de la formation, de la recherche et de l’innovation technologique du Groupe EDF, notre site s’impose déjà comme un acteur majeur de Paris-Saclay.
– Nous avons évoqué les problèmes d’accessibilité : insistons cette fois sur la proximité géographique avec de prestigieux acteurs de la recherche et de l’innovation. Nous sommes aussi à quelques centaines de mètre de Polytechnique, de Danone,…
Sans oublier le CEA, situé à une dizaine de minutes, en voiture.
– Reste l’insuffisance des lieux de vie que beaucoup déplorent…
Les lieux de vie sont effectivement un ingrédient essentiel au développement d’un vrai campus urbain. Nos salariés aspirent à ce qu’il y ait plus de commerces, de cafés, de restaurants, mais aussi des activités culturelles et de loisirs. Nous avons pris notre part, à travers la création d’une brasserie à laquelle tout un chacun ait accès (moyennant une convention avec son établissement de rattachement), en plus de la cafétéria et de la restauration rapide que j’évoquais tout à l’heure.
– Sans compter vos espaces conférences…
Oui, j’allais justement y venir. Nous y accueillons de nombreux événements tant et si bien que le réflexe est désormais pris chez nombre d’acteurs du Plateau de Saclay de se tourner vers nous pour y organiser colloques et conférences. Ce que nous acceptons volontiers, car c’était un autre de nos engagements. Si nous venions à Paris-Saclay, sur le Plateau, c’était aussi pour contribuer à son animation. Ce qui est naturel compte tenu de notre taille : de par le nombre de salariés, la superficie du site, EDF Lab est à même d’être un catalyseur de rencontres. C’est d’ailleurs pourquoi nous avions conçu nos espaces événementiels pour qu’ils répondent à nos besoins (nous y avons notamment organisé des remises de prix de l’innovation, au printemps dernier) comme à ceux de nos partenaires, quels qu’ils soient (organismes de recherche, collectivités territoriales, associations).
EDF Lab peut ainsi se targuer d’avoir accueilli de nombreux événements, parmi les plus importants organisés sur le Plateau. Je pense à Paris-Saclay Connexion, un événement co-organisé par la Communauté Paris-Saclay, l’Université Paris-Saclay et l’EPA Paris-Saclay, avec pour vocation de valoriser le monde de l’innovation au sein de l’écosystème, et dont la prochaine édition se déroulera le 27 juin prochain ; le Workshop Transition Energétique (WTE), un événement plus scientifique, organisé au mois d’octobre dernier, en partenariat avec l’Université Paris-Saclay et destiné à montrer toutes les compétences que l’écosystème recèle pour atteindre les objectifs de la COP21. Sans oublier, dans un autre registre, plus grand public, TEDx Saclay, dont nous avons accueilli la 2e édition.
– Ni les vœux de l’EPA Paris-Saclay et de l’Université, qui y ont été organisés en début d’année…
En effet !
– Autant d’événements qui drainent des centaines de personnes…
Oui. Notre auditorium a une jauge de 500 places, que nous remplissons régulièrement, sans difficulté. Nous disposons également d’une salle d’une centaine de places pouvant accueillir des événements au public plus restreint. Comme le colloque d’Ile de Science, sur le thème des nouveaux espaces de la créativité, que nous avons accueilli pour la première fois cette année, ou encore des séminaires du WAW Lab…
Tous ces événements manifestent à leur façon l’émergence d’une vraie communauté de gens ayant envie de travailler ensemble. La mise en place de collaborations scientifiques et la dynamique d’innovation s’en trouvent facilitées. C’est en tout cas quelque chose que nous percevons déjà.
– Justement, au-delà des événements, quels sont les partenariats qu’EDF Lab est parvenu à mettre en place dans le domaine de la recherche et de l’innovation ?
On peut s’en faire une première idée, à travers l’exposition actuellement en cours, ici-même, sur nos laboratoires communs (CentraleSuépelec, ENS Paris Saclay, Télécom Paris Tech, Ecole Polytechnique, CEA, etc.) et nos partenariats orientés vers la recherche. Une unité mixte EDF/CEA/ENSTA ParisTech/CNRS est implantée à proximité de nos bâtiments. Dès la fin de l’année 2017, l’ITE IPVF y sera pleinement opérationnel. Nul doute que la proximité géographique dynamisera la recherche partenariale. C’est en tout cas notre souhait. Pour ce qui concerne l’innovation, notre site abrite notre Hub Innovation Paris-Saclay. Lequel a, je le rappelle, au moins trois finalités. En premier lieu, développer en interne l’esprit entrepreneurial de façon à diffuser une logique plus orientée vers le client, le produit et gagner en rapidité aussi bien dans le prototypage que dans la mise sur le marché. Ensuite, adopter les principes des espaces de créativité et des méthodes de travail agiles. Un de ces espaces a été aménagé en zone ouverte et est animé par deux personnes formées à ces méthodes. Enfin, troisième finalité : le renforcement des partenariats avec des start-up.
A quoi s’est ajouté plus récemment le Data Innovation Lab, qui répond au besoin de réunir en un même lieu les ressources et compétences en matière de traitement des données numériques et de l’intelligence artificielle. Nos data scientists peuvent ainsi travailler ensemble sur la base des données mises à disposition par les différents métiers de la R&D d’EDF.
– Combien ces partenariats doivent-ils à l’inscription d’EDF Lab dans l’écosystème de Paris-Saclay ?
Parmi ceux que je vous ai cités, le Data Innovation Lab a clairement été conçu au sein d’EDF Lab. L’idée avait été soumise à notre comité de direction, en septembre 2016, soit plusieurs mois après notre installation effective. Je doute qu’un autre centre R&D d’EDF ait pu l’imaginer ou même l’héberger. Nos espaces de bureaux étant facilement reconfigurables, nous pouvions y aménager un plateau adapté aux modes de travail collaboratif, en interne et en externe. Sans compter les partenaires potentiels dans le domaine des data sciences, très présentes sur le Plateau, entre SystemX, l’X, l’Inria, etc.
– Encore un mot sur le site : qu’est-ce que cela vous fait-il de travailler dans un bureau à la conception duquel vous avez participé…
(Sourire). C’est, je dois l’avouer, quelque chose d’exceptionnel que de pouvoir, dans une carrière, travailler sur un projet depuis l’émergence d’une idée – laquelle était alors encore bien vague à l’été 2008 – jusqu’à sa réalisation et de voir fonctionner ce qu’on a contribué à faire sortir de terre. A fortiori quand cela fonctionne comme on l’avait imaginé et souhaité. Je ne cacherai pas non plus qu’une fois la mission achevée, en avril 2016, j’ai eu comme…
– Une dépression post-natale ?
(Rire). Sans aller jusque-là, parlons plutôt d’un passage à vide. Rien que de plus normal au demeurant quand un projet vous accapare durant autant d’années et qu’il vous faut affronter l’épreuve finale : l’arrivée de ces centaines de salariés auxquels il est destiné. Une fois terminée, la mission laisse forcément une impression de vide. Cela étant dit, je n’ai pas eu à m’ennuyer bien longtemps. Entre les réserves à lever et les travaux liés à la garantie de parfait achèvement que j’ai accompagnés jusqu’à l’été 2017 aux côtés de Béatrice Bianchini-Burlot (la directrice du site), la fonction de directeur scientifique m’a de nouveau beaucoup occupé, ne serait-ce qu’à travers la mise en place des partenariats que j’évoquais tout à l’heure.
– Une dernière question : à vous entendre, le projet tel que vous l’aviez programmé a tenu ses promesses. Malgré tout, avez-vous été surpris par un de ses aspects que vous n’auriez pas anticipé ?
Oui. D’abord, le reflet en forme de tôle ondulée que vous pouvez percevoir sur la façade du bâtiment d’en face. Spontanément, on pense à une déformation et, donc, à un défaut de conception. En réalité, c’est juste le résultat d’une illusion d’optique !
Mais la vraie surprise, ce sont les levers et couchers de soleil sur le Plateau de Saclay. Ils sont proprement magnifiques. Je n’avais pas anticipé à quel point les façades des bâtiments pouvaient jouer autant avec la lumière naturelle. C’est pourtant une promesse que nous avait faite l’architecte, Francis Soler, dès le stade du concours. Je ne manque jamais de l’en remercier quand j’ai l’opportunité de le revoir.
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