Le 23 mai 2018, EDF Lab Paris-Saclay signait une convention avec l’Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires (INSTN) pour l’élaboration et la mise en œuvre de modules communs de formation en matière de neutronique. Jean-Paul Chabard, le directeur scientifique de la R&D d’EDF (à droite sur la photo), nous en dit plus sur les circonstances qui ont présidé à la conclusion de cet accord et sur son enjeu.
– Si vous deviez pour commencer par rappeler ce qu’est la neutronique ?
Comme son nom l’indique, c’est l’étude des neutrons et de leur cheminement dans la matière et des réactions qu’ils y induisent, en particulier la génération de puissance par la fission de noyaux d’atomes lourds. Cette discipline est essentielle pour la filière nucléaire puisque qu’elle permet de piloter l’évolution de la population de neutrons à l’intérieur du cœur d’un réacteur et, ainsi, d’assurer le contrôle de la réaction qui aboutit à la production d’électricité. Pour mémoire, rappelons que les atomes qui fissionnent émettent des neutrons, qui, à leur tour, vont impacter d’autres noyaux, qui eux-mêmes vont fissionner. Soit ce qu’on appelle la réaction nucléaire en chaîne. Grâce à la neutronique, il est possible de maîtriser celle-ci et ce, dans différentes configurations et en fonction du type de réacteur.
– Merci de vous être livré à cet exercice de pédagogie. Je découvre au passage que l’hydraulicien de formation que vous êtes est au fait d’un autre champ disciplinaire pourtant situé à des années lumière…
(Sourire) Ce ne sont pas effectivement les mêmes domaines de la physique et même si on les modélise dans les deux cas en s’appuyant sur des équations aux dérivées partielles, les méthodes numériques de résolution diffèrent. Mais, en tant que directeur scientifique de la R&D, il me faut effectivement être au fait des enjeux d’autres champs scientifiques que le mien.
– Venons-en à la convention Qu’est-ce qui a présidé à sa conclusion avec l’INSTN ?
De par son cœur d’activité (la production d’électricité à partir notamment de réacteurs nucléaires), EDF a acquis un savoir-faire important en matière de physique des réacteurs en général et de neutronique en particulier, savoir-faire que nous n’avons cessé de capitaliser à travers des modules de formation assurés par un institut interne : l’ITECH (pour Institut de Transfert des Technologies). L’initiative de la convention en revient d’ailleurs à sa responsable, Katia Terrier, qui avait pris soin de rencontrer des partenaires potentiels pour examiner ce qui pouvait être mutualisé dans le cadre de modules organisés en commun. L’INSTN était un partenaire évident. Créé en 1956, cet organisme de formation adossé au CEA, forme les techniciens, ingénieurs et chercheurs, qui opèrent dans le secteur du nucléaire. Il dispose de cinq sites dont un à Saclay.
– Que prévoit concrètement cette convention ?
Elle vise, dans ses trois années d’existence, à élaborer et à mettre en œuvre une offre commune de formation à haute valeur ajoutée, dans le domaine de la neutronique, donc. Cette offre consistera en trois modules complémentaires : un premier, de quatre jours, sur la phénoménologie de la neutronique des réacteurs nucléaires ; un deuxième, de trois jours, sur la physique et le calcul neutronique des cœurs de réacteur ; enfin, le troisième, de deux jours, sur la Théorie de la physique des réacteurs à eau pressurisée (REP). Avec l’INSTN, nous avons d’ores et déjà identifié d’autres champs d’expertise du nucléaire civil, qui pourraient être concernés par la convention : la thermohydraulique, les sciences des matériaux, etc.
– Peut-on voir dans la dynamique ainsi enclenchée, un effet « Paris-Saclay » ?
Oui, dans la mesure où cette première convention s’inscrit bien dans ce qui a motivé l’implantation d’EDF Lab à Paris-Saclay, à savoir : pouvoir nous insérer dans l’écosystème et travailler en synergie avec ses acteurs, que ce soit en matière de R&D, d’innovation ou de formation professionnelle et continue. Très tôt, il nous est en effet apparu que celle-ci était un champ propice à des collaborations avec les écoles et universités présentes sur le plateau, chacune d’elles ayant des programmes de formation continue. C’est dire si rien ne devrait nous interdir de mutualiser des modules avec d’autres partenaires du Plateau de Saclay, et sur d’autres sujets : les réseaux électriques intelligents, le big data, l’IA,… L’ITECH travaille d’ailleurs activement en ce sens.
Journaliste
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