Suite de nos échos à l’édition 2019 de DigiHall Day à travers le témoignage d’Éric Lecolinet : maître de conférences HDR à Télécom ParisTech, il présentait MobiLimb… un robot en forme de doigt, qui permet d’ « augmenter » les capacités sensorielles de votre smartphone…
– Si vous deviez pitcher MobiLimb…
A travers MobiLimb, il s’agit d’ajouter de nouvelles capacités aux dispositifs mobiles existants, à commencer par le smartphone. Le plus souvent, on cherche à augmenter les capacités des humains avec de la technologie. Cette fois, il s’agit d’augmenter les capacités d’objets techniques a priori inertes, par des capacités qui se rapprochent de celles des humains : des capacités sensorielles, en l’occurrence.
– Concrètement, cela se présente sous la forme d’un robot miniature en forme de doigt, que l’on pluggue sur un smartphone…
Oui, en effet. En réfléchissant à la manière d’incarner le mieux la capacité d’une techno d’en augmenter une autre avec des capacités humaines, il est apparu que le plus simple était de recourir à un de nos membres parmi les plus petits et agiles : le doigt, donc, que l’on a traduit ici en un robot miniature. Cela étant dit, nous aurions pu imaginer tout autre chose. Ce qui importait, c’était de parvenir à dispositif ayant des caractéristiques approchantes.
– L’enjeu étant, pour reprendre la formule que vous avez utilisée au cours de votre présentation, de « physicaliser » des données, de les traduire en sensations ou en mouvement. Mais c’est aussi, en sens inverse, la capacité de traduire des données sensorielles ou des mouvements en images virtuelles…
C’est tout à fait cela. Ce faisant, il s’agit de faire un lien entre ce qui est du domaine de l’immatériel (bit, numérique) et ce qui est du domaine du matériel, du physique, du corporel. Ainsi les objets immatériels représentées sur l’écran (un chat, par exemple) vont pouvoir avoir une traduction matérielle, sensorielle de leurs données numériques (en ce sens-là, on peut effectivement parler de « physicalisation »). En sens inverse, on peut traduire en représentations virtuelles, tel objet physique ou vivant avec lequel nous interagissons, pour ensuite interagir avec son avatar.
– Envisagez-vous des applications concrètes ? Ou s’agit-il pour vous d’être encore en mode exploratoire, sans préjuger des retombées de vos recherches ?
MobiLimb s’inscrit dans le cadre d’un travail de thèse, mené par un élève-ingénieur de Télécom ParisTech, Marc Teyssier, sous ma direction et en association avec deux autres collègues de l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (ISIR), Gilles Bailly et Catherine Pélacheau. Initialement, nous étions donc davantage dans un mode exploratoire. Cela étant dit, nous avons commencé à distinguer jusqu’à trois scénarios d’usage : dans le premier, le dispositif sert d’outil pour faciliter l’interaction Homme/Machine, soit en entrée, pour manipuler des données sur écran, soit en sortie, en matérialisant des actions programmées à partir d’un logiciel. Dans le deuxième scénario, MobiLimb est conçu comme un partenaire qui va pourvoir représenter des émotions ou incarner des objets immatériels (pour les besoins de jeux vidéos pour enfants, par exemple). Enfin, le 3e scénario privilégie une interaction médiée sous la forme d’émojis toches en exploitant la dimension tactile de façon à augmenter l’interaction avec un humain, un robot ou encore un avatar.
– Quelles compétences ont-elles été mobilisées ?
En l’occurrence, ce sont les compétences de Marc Teyssier. Soit des compétences en interactions Homme/Machine, en électronique, en logiciel ou encore en techno (Marc a réalisé lui-même le doigt articulé en impression 3D, que nous présentons à l’occasion du DigiHall Day). Comme vous le voyez, c’est un prototype de petite taille requérant un haut niveau de précision pour parvenir à un bon fonctionnement des engrenages.
– Un profil très interdisciplinaire !
Et que requiert a priori les recherches en interactions Homme/Machine, à cheval sur l’informatique et les sciences sociales et humaines. Mais Marc a ajouté une autre corde à son arc en ayant poursuivi une formation en design. Ce dont MobiLimb a pleinement bénéficié tant au plan de son apparence (nous sommes en présence de bien plus qu’un prototype) que de sa conception.
– Un mot sur DigiHall Day : en quoi est-ce important pour vous de participer à un événement comme celui-ci ?
C’est l’occasion de rencontrer des personnes d’horizons disciplinaires et professionnels très différents. Nous ne sommes qu’à la moitié de la journée et déjà nous avons été sollicités sans discontinuer, mon collègue et moi. D’ailleurs, je n’ai toujours pas fini mon sandwich !
– Derrière question, promis, avant de vous laisser le finir : quelles sont leurs réactions, en règle générale ?
Manifestement, MobiLimb intrigue et fait réagir. Déjà, les réactions ont été nombreuses sur le net et le projet a fait l’objet de nombreux articles dans la presse scientifique. Faites le test vous-même en tapant MobiLimb dans votre moteur de recherche : vous tomberez sur des pages et des pages de références, y compris dans des langues dont je ne soupçonnais pas l’existence ! Il est vrai que MobiLimb donne une autre dimension à ce qu’il est convenu d’appeler la digitalisation.
A lire aussi les entretiens avec :
– Fabien Tschirhart, ingénieur de recherche à l’IRT SystemX, qui présentait IVA, une solution qui apprend de nos déplacements pour mieux nous accompagner dans nos choix, en temps réel (pour y accéder, cliquer ici) ;
– Gregorio Ameyugo, Directeur Europe du CEA List et Manager DIH DigiHall, qui nous en dit plus sur sa vision d’un écosystème connecté au reste du monde et… le drone qu’il avait alors dans les bras… (cliquer ici).
Journaliste
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