« DRIM’in Saclay, c’est l’opportunité d’explorer des pistes de recherche et d’innovation. »
« Améliorer la performance d’un photobioréacteur pour la culture de microalgues » et « Développer des hubs de mobilités actives en Afrique ». Telles sont les deux thématiques que le groupe Total a proposé de soumettre dans le cadre de la prochaine édition de DRIM’in Saclay. Directrice du projet Total@Saclay, Nathalie Brunelle nous en dit plus sur ce qui l’a motivée à y participer ainsi que sur ce qui a présidé au choix de ces deux thématiques.
– Si vous deviez pour commencer par rappeler ce qui vous a motivée à participer à cette édition 2019 de DRIM’in Saclay ?
Nous avons été sollicités par la CCI de l’Essonne et avons accepté d’autant plus volontiers sa proposition que nous y avons vu une opportunité pour notre intégration au sein de l’écosystème de Paris-Saclay. Pour mémoire, la direction de la R&D du groupe Total a entrepris de s’installer sur le Plateau de Saclay. Des équipes y ont emménagé en février, rejoignant celles qui y étaient déjà présentes dans le cadre de notre partenariat au sein de l’Institut Photovoltaïque d’Ile-de-France (IPVF). Notre implantation doit encore monter en puissance jusqu’à l’installation dans un nouveau centre innovation & recherche qui devrait ouvrir à l’horizon 2022 – le concours d’architecture est en cours. Pour nous, il était important de nous insérer sans attendre dans l’écosystème, quitte à le faire pour commencer « hors-les-murs » et à la manière de pionniers. C’est en tout cas dans cet esprit-là que nous avons répondu favorablement à cette invitation à participer à l’édition 2019 de DRIM’In Saclay [photo ci-dessus : l’IPVF, le jour de son inauguration].
– Quelle perception avez-vous de cet écosystème à ce stade, depuis l’installation de vos premières équipes ?
Une perception très positive. Depuis que nous avons fait savoir notre intention de nous implanter à Paris-Saclay, nous recevons des sollicitations de ses acteurs, académiques aussi bien qu’économiques. A cet égard, tout l’intérêt de DRIM’in Saclay est de nous connecter à d’autres acteurs encore, avec lesquels nous n’avions pas encore établi de contact.
– On imagine que vous avez entrepris un benchmark ou une évaluation préalable avant de prendre la décision de vous y implanter. Mais à vous entendre, vous avez aussi pris cette décision en assumant le fait de devoir encore l’explorer pour en apprécier toute la richesse…
Nous avons bien sûr fait des repérages, étudié de près l’écosystème pour en évaluer le potentiel. Mais c’est vrai que nous nous sommes mis aussi en mode exploratoire. A cet égard, parler de « pionnier » comme je l’ai fait tout à l’heure n’est pas anodin. Nous abordons Paris-Saclay dans cet esprit-là. Si nous y avons d’ores et déjà installé des équipes de la R&D, c’est pour prendre le temps de la rencontre avec les acteurs déjà présents et nous positionner à notre tour comme un acteur de l’écosystème. Pour ce faire, nous participons à plusieurs des événements qui y sont organisés comme DRIM’in Saclay, mais aussi DigiHall Day, qui s’est tenu récemment, ou encore Paris-Saclay SPRING dont nous sommes un des « ambassadeurs ». Nul doute que l’avenir nous réserve encore des rencontres pertinentes, auxquelles nous n’aurions pas forcément songé. D’ailleurs, si je devais caractériser d’un mot ce qui se passe ici, à Paris-Saclay, j’en userai d’un, qui peut maintenant paraître galvaudé mais qui dit bien la réalité de cet écosystème : je veux parler de la sérendipité…
– Sérendipité ?! C’est en tout cas l’un des mots les plus souvent mis en avant pour caractériser la manière dont l’innovation opère dans cet écosystème, et dont Média Paris-Saclay s’est fait largement l’écho. C’est dire aussi si votre intégration est bien avancée !
De fait, si nous nous implantons dans l’écosystème de Paris-Saclay, c’est certes pour bénéficier des compétences scientifiques qui y sont concentrées et qui ne sont plus à démontrer, mais également de ces rencontres fortuites avec des hommes et des femmes, qui peuvent nous amener sur d’autres terrains de recherche et d’innovation, au travers d’une démarche collaborative et de co-innovation.
– Je relève aussi le parti pris de prendre part aux événements organisés à Paris-Saclay. Or, justement, au-delà des nouveaux bâtiments qui ont vu le jour ou qui sont appelés à sortir de terre, ce sont aussi ces événements qui concourent à l’émergence d’une « communauté » Paris-Saclay, faite de chercheurs, d’ingénieurs, d’entrepreneurs, d’élus, de responsables d’établissement d’enseignement supérieur ou de recherche, qui ont plaisir à se revoir à ces occasions… Cependant, y participer à votre tour, n’est-ce pas aussi une manière d’éviter de donner l’impression d’arriver à Paris-Saclay comme un éléphant dans une galerie de porcelaine (qui dit Total, pense d’abord à une multinationale du CAC40…) ?
De fait, en discutant avec des étudiants d’établissements d’enseignement supérieur présents sur le Plateau de Saclay, force est de constater que nous sommes encore perçus ainsi que vous le dites. Pourtant, le groupe Total est plus protéiforme qu’on ne l’imagine. Ces dernières années, il a opéré un certain nombre d’acquisitions, notamment dans les EnR. Le fait qu’il soit un des leaders mondiaux dans l’énergie solaire est quelque chose d’encore méconnu. De même le fait qu’il est le fournisseur alternatif du gaz et de l’électricité en France et, ainsi, plus présent dans le B to C. Par ailleurs, les débats autour de la transition énergétique et du réchauffement climatique nous ont amenés à interagir davantage avec la société civile. Le vœu que je fais est donc que tout cela soit mieux connu. Interagir comme nous le faisons avec l’écosystème de Paris-Saclay – et ses étudiants – y contribuera, j’en suis sûre.
– Revenons-en à DRIM’in Saclay. Au-delà de cette opportunité qu’il offre de vous insérer dans l’écosystème, quel intérêt représente cet événement ?
Je mettrai en avant cette démarche collaborative et de co-innovation que j’évoquais à l’instant, et qu’il permet de promouvoir à sa façon, en associant des participants d’horizons professionnels et disciplinaires très variés, ne se connaissant pas encore, mais qui partagent un intérêt commun pour une thématique donnée. DRIM’in Saclay, c’est ainsi l’opportunité d’explorer des pistes de recherche et d’innovation, en l’occurrence, pour ce qui nous concerne, en matière d’énergie bas carbone (au cœur de notre première proposition) et d’Intelligence Artificielle (au cœur de la seconde) avec le concours d’acteurs de Paris-Saclay dont des PME – j’insiste sur ce point, car, ce qui fait la force d’un écosystème, c’est justement la combinaison d’une recherche scientifique et technologique de haut niveau, mais aussi d’un tissu économique, lequel ne saurait se réduire aux grands comptes.
– Encore un mot sur les deux thématiques que vous avez proposées : de prime abord, on ne les associe pas forcément au cœur de métier de Total. Comment y êtes-vous donc venue ? Cela annonce-t-il une diversification des activités du groupe ?
Je parlerai moins d’une diversification que d’une évolution de notre mix énergétique. Nous inscrivons notre stratégie dans les scénarii relatifs au réchauffement climatique, élaborés par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ce qui nous conduit à investir dans les énergies dites bas carbone parmi lesquelles figurent les énergies renouvelables, mais également les technologies de capture et de stockage du CO2. Nous en venons ainsi à la thématique des algues, qui est une voie possible, sur laquelle nous travaillons depuis quelques années avec des partenaires. La thématique est pour nous l’occasion de faire connaître notre ambition dans ce domaine. Intéressant, ce dernier l’est aussi par la diversité des champs disciplinaires et des compétences qu’il mobilise en microbiologie, en biochimie, dans les énergies solaires… Comment les spécialistes de ces différentes disciplines vont travailler ensemble, c’est ce que nous aimerions savoir.
J’ajoute qu’elle est en lien avec la thématique que nous mettrons en avant à l’occasion de Paris-Saclay SPRING, dans l’idée d’inviter des acteurs de l’écosystème à débattre de la capture et le stockage du CO2. Même si tous les scénarii censés limiter le réchauffement montrent que cette solution s’impose comme une des technologies nécessaires, sa viabilité économique reste encore à démontrer.
– Et la seconde thématique, qu’est-ce qui a présidé à son choix ?
Reconnaissons que c’est une thématique plus inattendue. Cependant, le groupe Total est la Major pétrolière parmi les plus anciennes sur le continent africain – notamment au travers de la branche marketing et service en charge de la distribution d’énergie. Nous avons cependant voulu explorer un sujet plus en relation avec les usages…
– Dans la perspective d’une innovation frugale ?
Entre autres. Ce qu’il y a d’intéressant avec le continent africain, c’est que dans certains domaines, les innovations de rupture y sont plus faciles, malgré ou en raison même d’un moindre niveau de développement des infrastructures. On l’a vu avec le téléphone mobile, qui a suppléé l’absence de réseaux de téléphonie fixe, au point de s’y diffuser plus rapidement qu’en Europe, et d’y devenir un instrument de paiement plus courant. Nous faisons l’hypothèse que des phénomènes du même ordre peuvent se produire dans le domaine des mobilités. De là le choix de cette seconde thématique sur l’Afrique, que nous avons prévu de mettre en lumière aussi à l’occasion de Viva Technology – en valorisant des start-up africaines sur notre espace d’exposition.
– Connaissez-vous le profil des participants à l’une et l’autre de vos thématiques ?
Nous ne choisissons pas les personnes appelées à relever nos défis. Il nous a donc fallu attendre la clôture du dépôt des dossiers de candidature pour connaître leurs profils. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont très variés. Dans un cas comme dans l’autre, ils viennent du monde académique, économique ou sont indépendants – certains sont orientés plus sciences sociales et humaines. Je suis impatiente de voir quel angle les équipes vont adopter.
– Quel est votre degré d’attente par rapport au rendu des deux équipes ? Etes-vous encore dans une démarche prospective ou comptez-vous en tirer des idées à même de déboucher sur des solutions commercialisables ?
Nos sommes a priori dans une démarche prospective. Nos deux défis ont été proposés par nos équipes de R&D. C’est un choix que nous avons fait, considérant que c’était la meilleure manière de commencer à tisser des liens avec Paris-Saclay. Au sein de la R&D, nous sommes plutôt enclins à procéder en mode exploratoire pour mieux ensuite accompagner les idées vers une phase d’industrialisation. A défaut de pouvoir traduire le rendu en applications immédiates, nous pourrons, j’en suis sûre, en intégrer tout ou partie dans nos programmes prospectifs.
Pour en savoir plus sur l’édition 2019 de DRIM’in Saclay et la présentation des résultats (le 15 mai, à l’occasion de Paris-Saclay Spring), cliquer ici.
A lire aussi l’entretien avec Vianney Fullhardt et Flavien Geisler, respectivement Directeur de la Transition Energétique chez Eiffage Construction, et Chef de projets à la Direction Recherche & Innovation chez Eiffage Infrastructures, qui expliquent ce qui les a motivés à participer de nouveau à DRIM’in Saclay, en proposant de réfléchir cette fois à la manière de « favoriser les interactions énergétiques entre route et bâtiment » (pour y accéder, cliquer ici).
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