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DRIM’in Saclay 2017, mode d’emploi. Entretien avec Bernard Monnier

Le 3 mai 2017

Suite de notre série sur la 3e édition de DRIM’in Saclay, qui se déroule les 13,14 et 15 juin 2017, à travers un entretien avec Bernard Monnier, co-organisateur de l’événement et président de l’association MIM, à l’origine de la méthodologie utilisée à cette occasion.

– Si vous deviez revenir sur la genèse de cet événement ?

DRIM’in Saclay s’inscrit dans le prolongement d’ActinSpace, une plateforme d’innovation que j’ai lancée en mai 2014, sur le Plateau de Saclay, au Synchrotron « Soleil », pour relever des défis posés par la recherche du CNES. La CCI de l’Essonne m’avait alors sollicité pour explorer la possibilité de monter un événement comparable, de façon à renforcer les synergies entre grands comptes, entreprises innovantes – des start-up, donc, mais aussi des PME – autour de la transition énergétique. J’ai aussitôt répondu positivement.

– Qu’est-ce qui vous a motivé ?

Au moins trois choses. D’abord, la transition énergétique est un enjeu qui m’intéresse tout particulièrement. Les idées ne manquent pas en la matière, mais elles sont insuffisamment valorisées. Or, la transition énergétique est un passage obligé si on veut imaginer l’Usine du Futur. Travaillant encore à l’époque au sein d’un groupe industriel dont l’énergie n’était pas le cœur métier, je n’avais pas a priori l’opportunité de traiter de cette question. L’événement que la CCI proposait de mettre en place était l’occasion de le faire.
Ensuite, ma préoccupation première est, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire dans un précédent entretien [pour y accéder, cliquer ici], la création d’emplois et, donc, de richesse. Ce qui suppose de faire travailler ensemble, dans cette perspective, grands groupes, start-up et PME. Mais force est de constater que ce n’est pas toujours simple. Certes, de nombreuses structures et dispositifs ont été mis en place pour soutenir le développement d’entreprises innovantes et tout cela est très bien. Mais, aujourd’hui, le véritable défi est de faire en sorte que ces entreprises non seulement survivent, mais croissent. Les grands comptes devraient pouvoir les soutenir en ce sens, en les aidant à l’international, mais, force est, encore une fois, de constater que c’est difficile, faute de réelles opportunités d’échanger. Un événement comme DRIM’in Saclay est justement l’occasion de le faire en permettant à de grands groupes de découvrir ces pépites qui existent, parfois dans leur environnement, mais sans qu’il y ait le moindre contact avec elles.
Enfin, j’avais déjà dans mon escarcelle, DRIM, une démarche que j’avais testée au Maroc avec des doctorants et qui pouvait correspondre parfaitement au principe du challenge tel que le souhaitait la CCI Essonne. Pour mémoire ces quatre lettres signifient « Défi en Recherche et Innovation par MIM », en référence à la méthode d’évaluation de l’innovation ouverte que j’ai mise au point et dont nous avons longuement discuté dans notre tout premier entretien [pour y accéder, cliquer ici]. J’en décris en détail le process au chapitre 4 de mon livre « La Route des Innovations ».

– S’agissait-il pour autant de transposer une formule existante ou de tester encore un autre dispositif ?

Nous avons transposé DRIM, mais en l’adaptant à la mise en relation des grands comptes avec des PME et des start-up de l’écosystème francilien, autour de la transition énergétique. Nous avons ensuite, autant le reconnaître, avancé en marchant. La première édition a servi de test, tout étant à créer. Le succès a été au rendez-vous, la deuxième édition voyant le nombre de participants passer de près de 50 à 80.

– Quelle nouveauté présente cette 3e édition ?

Cette année, nous allons proposer d’impliquer davantage les académiques, à commencer par les doctorants, en leur proposant de résoudre les défis des grands comptes sous la forme d’études de cas réels qu’ils pourraient travailler sur la durée, pendant une année universitaire. Si les grands comptes en sont d’accord, les résultats pourraient alors être restitués lors de l’édition suivante, en 2018.

– Qu’en est-il justement des grands comptes ? Quel intérêt manifestent-ils à l’égard de DRIM’in Saclay ?

Non seulement leur nombre augmente, d’une année à l’autre, mais encore le spectre s’élargit. La toute première édition, quatre grands comptes avaient lancé des défis. L’année suivante, leur nombre avait doublé. Cette année, on en compte une dizaine. Au début, les partenaires étaient essentiellement des énergéticiens. Désormais, nous comptons des entreprises d’autres secteurs que l’énergie : le transport (Transdev), la grande distribution (Carrefour), l’aéronautique (Safran), l’automobile (Faurecia),… Ainsi, de grands comptes qui ne se considéraient pas directement concernés par DRIM’in Saclay estiment désormais avoir eux aussi des défis à relever en matière de transition énergétique, et qu’ils gagnent à le faire avec le concours de PME ou de start-up.

– Qu’est-ce qu’il advient ensuite des propositions formulées par les équipes ?

Les équipes étant constituées de cinq à sept personnes – qui ne se connaissaient pas a priori – il n’est pas simple d’entretenir la dynamique au-delà de l’événement. Je rappelle que ces personnes travaillent au sein de PME ou de start-up et que leur agenda est donc contraint. Cependant, l’exercice permet aux grands comptes de détecter celles avec lesquelles ils pourront poursuivre le dialogue. Cela s’est déjà vu au cours des deux premières éditions : des relations pérennes se sont instaurées avec des entrepreneurs, mais à un titre plus individuel. Des contrats ont même pu être conclus. Entre autres exemples, je pense à celui que GrDF a signé avec la start-up New Generation.

– Quelle est la motivation pour les autres participants ? Gagner un prix ?

Je pense que cela va bien au-delà : les participants s’inscrivent pour se faire connaître des grands comptes, mais aussi découvrir d’autres PME ou start-up et travailler avec elles au cas où elles se découvriraient des complémentarités. Nous avons également vu, par le passé, des liens s’établir entre des participants, qui ne se connaissaient pas et qui ont saisi une opportunité de partenariat. Au-delà, c’est aussi pour eux l’occasion de prendre du recul par rapport à leur business, d’identifier d’autres opportunités de marché ou encore de découvrir l’écosystème de Paris-Saclay. Cet état d’esprit me paraît salutaire : ce n’est pas quand on est au pied du mur ou au bord du précipice, qu’on prend les meilleures décisions.

– N’est-ce pas aussi une illustration du fait que la démarche d’open innovation se diffuse…

Absolument. Le principe de l’innovation ouverte est désormais largement admis. Dans un environnement de plus en plus complexe, elle n’est plus un choix, mais une nécessité. Certes, ce n’est pas simple (l’open innovation n’est pas sans impliquer une nouvelle culture d’entreprise, plus ouverte sur l’extérieur), mais il n’y a plus le choix si l’on veut concevoir des produits et services qui rencontrent réellement leur marché. Les entreprises, même de grande taille, ne peuvent prétendre disposer en interne de toutes les ressources humaines, technologiques et financières pour soutenir leur effort de R&D. Elles sont condamnées à s’ouvrir, à trouver à l’extérieur les compétences dont elles ne disposent pas. Je dis « condamnées », mais dans mon esprit, c’est un mal pour un bien.

– Qu’en est-il de la gestion de la propriété intellectuelle des réponses proposées par les participants aux défis des industriels ?

Vous abordez-là un enjeu auquel j’accorde personnellement beaucoup d’importance. Comme vous l’imaginez, c’est aussi un sujet sensible pour les participants à ce genre de manifestation, qui peuvent avoir parfois l’impression de se faire piller leur idée et leur savoir par les grands-comptes. C’est pourquoi, au cours du colloque P2i (propriété intellectuelle et innovation), organisé en 2015 à Toulouse, par la Commission Propriété intellectuelle de 3AF, j’ai formulé une proposition sur la gestion de la PI dans le cadre d’événements de type Hackathon. La question se pose avec plus d’acuité, quand les participants sont, non plus de simples étudiants, mais des PME et des start-up, comme c’est le cas avec DRIM’in Saclay.
Pour les besoins de cet événement, j’ai donc fait établir une charte d’engagement avec le concours d’une avocate spécialisée dans l’open source (Me Nathalie Puigserver, de P3B Avocats, avec laquelle j’étais intervenue à la conférence P2i). A dessein, cette charte ne tient que sur cinq pages pour être facile à lire (à la différence de ces documents juridiques volumineux et illisibles que nous font signer les plateformes du numérique…). On y distingue la protection du background (les informations fournies avant la session) et le foreground (ce qui résulte de la confrontation des idées au sein de l’équipe). Ceux des participants qui voudraient optimiser la protection de leur apport peuvent toujours en adresser un descriptif à Me Puigserver, par lettre recommandée (plusieurs ont déjà eu recours à cette possibilité). En revanche, pour tout ce qui concerne le foreground, la paternité en revient au donneur d’ordre qui en a rendu l’émergence possible, en lançant le défi, en plus de participer au financement de l’événement. Cependant, dès lors qu’il est reconnu qu’un participant aurait eu un rôle particulier, j’ai tenu à faire en sorte qu’il soit reconnu en tant que co-auteur en cas de dépôt de brevets éventuels par le grand compte à l’origine du défi concerné.
Je doute cependant que ce soit dans cet état d’esprit que viennent les participants. Je crois que ce qui leur importe avant tout, c’est, encore une fois, l’opportunité de nouer des contacts avec de grands comptes. Ce qui n’est jamais simple en temps normal compte tenu de la difficulté à approcher un dirigeant et de la complexité des organigrammes.

– Un mot sur l’écosystème Paris-Saclay : en quoi est-il favorable à DRIM’in Saclay ? Pour le dire autrement, cet événement aurait-il pu voir le jour ailleurs ?

Je doute qu’il ait pu voir le jour sans l’initiative de la CCI de l’Essonne et mon expertise. Pour autant, rien ne devrait empêcher de décliner le concept ailleurs, quitte à l’adapter. Je pense en particulier à Bordeaux où j’ai déjà des liens. Reste une condition essentielle : l’existence d’un écosystème suffisamment riche et concentré sur un territoire clairement identifié car cela facilite les interactions entre les acteurs. Cette condition est pleinement remplie à Paris-Saclay, qui concentre des Pôles de compétitivité, des centres de recherche, de grandes écoles et des universités, sans compter tous ces acteurs ayant vocation à accompagner le développement d’entreprises innovantes. Cette richesse explique la rapidité du succès rencontré par DRIM’in Saclay. En à peine trois éditions, cet événement a connu une audience croissante, bien supérieure à ce qu’on pouvait escompter.
Force est de reconnaître qu’il n’y a pas autant que cela d’écosystèmes aussi denses que celui de Paris-Saclay (appelé, rappelons-le, à réunir 15% de la R&D française). A défaut d’en avoir un aussi riche, la métropole bordelaise manifeste un réel dynamisme au plan de l’innovation. Elle est de surcroît tout aussi concernée que Paris-Saclay par l’enjeu de la transition énergétique.

– Ajoutons qu’elle sera bientôt à moins de deux heures de la Gare de Massy-TGV, une des portes d’entrée de l’écosystème Paris-Saclay…

Oui, et c’est important de le souligner : il ne faut pas opposer les écosystèmes les uns aux autres. La force de Paris-Saclay réside aussi dans sa capacité à s’ouvrir et à nouer des liens avec d’autres écosystèmes français ou étrangers, d’ailleurs.

Pour en savoir plus sur DRIM’in Saclay, cliquer ici.

A lire aussi les entretiens avec Pierre-Olivier Viac, chef de projet transition énergétique à la CCI Essonne (cliquer ici) et Andreï Klochko, fondateur de la start-up Airthium, lauréate de l’édition 2016 de DRIM’in Saclay (cliquer ici).

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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