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Destination balade contée en forêt domaniale de Palaiseau.

Le 7 janvier 2021

Le 29 octobre 2020, la veille du second confinement, Destination Paris-Saclay avait donné rendez-vous à la forêt domaniale de Palaiseau, pour une balade en compagnie de la conteuse Sylvie Mombo, qu’on ne présente plus. Elle revient ici sur la genèse de cette initiative et l’accueil que lui a réservé un public intergénérationnel.

– A la fin octobre, vous avez effectué une balade contée dans la forêt domaniale de Palaiseau. Pouvez-vous pour commencer en rappeler les circonstances ?

C’était très exactement le 29 octobre, un jour particulier s’il en est puisque nous étions à la veille du second confinement. Ce qui n’a pas manqué de donner un petit parfum de « dernière fois » à cette première. Cela faisait un certain temps que je songeais à convier des personnes à une balade contée dans la forêt de Palaiseau. Mais il ne suffisait pas d’en avoir l’idée, encore fallait-il disposer de moyens d’attirer un minimum de public. C’est pourquoi je me suis tournée vers Ella Mauny, la directrice de Destination Paris-Saclay. D’ailleurs, merci à vous…

– ?!

C’est en lisant l’entretien qu’elle vous a accordé pour Paris-Saclay Le Média, que j’ai découvert cette personne et la structure qu’elle dirige [pour accéder à cet email, cliquer ici]. L’énergie qui émanait d’elle m’a convaincue d’oser lui adresser un email. Email auquel elle a répondu aussitôt en me proposant de nous rencontrer. Ella Mauny fait manifestement partie de ces personnes très investies dans le territoire qu’elles ont pour mission de valoriser. On perçoit chez elle une envie de le faire connaître sous ses différents aspects, en manifestant une attention à toutes les initiatives qui peuvent y concourir. Ma proposition lui a d’emblée paru être dans l’esprit de ce que Destination Paris-Saclay propose déjà à son public. Car, et c’est une autre chose que j’ai pu mesurer, Destination Paris-Saclay a su en fidéliser un et ce, bien au-delà du périmètre de la communauté d’agglomération de Paris-Saclay. Au cours de la balade contée, il y avait, outre des Palaisiens, des personnes venues spécialement de Clamart ou de Saint-Rémy-lés–Chevreuse.

– N’avez-vous pas craint une annulation de dernière minute, compte tenu de la crise sanitaire ?

Si, bien sûr. Je suis d’autant plus reconnaissante à Ella d’avoir obtenu que la balade puisse se faire, de surcroît avec une vingtaine de personnes. Ce qui n’était plus acquis suite à la décision gouvernementale de n’autoriser un tel effectif qu’en présence d’un détenteur d’une carte de guide. En cas contraire, la balade devait être réduite à six personnes… Par chance, Ella détenait le sésame. Elle a dû cependant faire des pieds et des mains pour obtenir de la préfecture que l’événement puisse être maintenu bien que je ne sois pas guide moi-même.

– Combien de personnes ont-elles au final répondu présent ? Et quels en étaient les profils, en dehors de la ville dont elles venaient ?

Une vingtaine de personnes s’étaient inscrites, dix-sept étant effectivement venues. Parmi elles : des enfants, une adolescente, mais aussi des adultes, parents ou grands-parents. Autrement dit, un public intergénérationnel, qui me conforte dans l’idée que le conte intéresse tout un chacun.

– Quel a été votre propre ressenti ?

(Elle réfléchit longuement) : Lors d’une racontée « normale », c’est-à-dire sur scène, le public et moi vivons une heure durant, une histoire commune, qui va nous rassembler avant que chacun ne reparte avec. Et bien, lors d’une balade contée, j’éprouve le même sentiment, mais en plus intense. Et je crois que cela tient au fait que cette fois le public est lui-même en mouvement, s’implique corporellement. Pour la conteuse que je suis, il y a un grand plaisir à voir en particulier les corps d’enfants – que l’on a si souvent tendance à contraindre, notamment en classe où ils doivent rester assis bien sagement – bouger, courir, gambader, aller et venir, puis hop !, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, revenir à l’histoire. C’est proprement cadeau. Les adultes ne sont pas en reste. Entre deux racontées, nous marchons dans la forêt puis avant d’entamer une nouvelle histoire, nous prenons le temps d’écouter le chant des oiseaux, d’observer telle ou telle particularité du lieu où nous nous sommes arrêtés. Une fois l’histoire terminée, on prend de nouveau le temps de respirer, avant de repartir vers une nouvelle destination, enrichis de l’histoire qu’on vient d’entendre et que moi-même ai racontée avec une attention différente que si j’avais été sur scène. Mises bout à bout, toutes ces micro-expériences ont pour effet, me semble-t-il, de susciter du lien, entre eux et moi, mais aussi entre eux : pendant qu’ils cheminent, ils peuvent être amenés à échanger. Petit à petit naît la sensation de faire partie d’une même communauté. Un miracle d’autant plus appréciable que, faut-il le préciser, nous étions, pandémie oblige, tous masqués – pour ma part, je m’autorisais juste à retirer mon masque le temps de la racontée en me tenant de surcroît à distance du public.
Naturellement, ce que je décris là ne doit pas être propre à la balade contée. Le guide de haute-montagne doit sans doute éprouver la même expérience avec les personnes qu’il accompagne plusieurs jours durant. Toujours est-il que c’est quelque chose que j’apprécie beaucoup et que la balade contée permet de vivre pleinement.

– Était-ce la première fois que vous vous livriez à une racontée en plein air, au milieu des arbres ?

Non. Il m’était déjà arrivé à plusieurs reprises de raconter en extérieur, dans des bois ou dans la rue. La dernière fois, c’était il y a deux ans : j’avais été sollicitée par deux enseignantes d’un établissement scolaire d’Igny – l’une professeur de français, l’autre en sciences de la Vie et de la Terre – pour amener leurs jeunes élèves à dire des contes en rapport aux arbres. Les séances se déroulaient à l’extérieur dans la forêt voisine. Cette expérience m’a beaucoup plu. Travailler avec des élèves au milieu de la nature est très agréable : leur attention est différente. Le public (les parents pour l’essentiel) est, lui, moins captif, ce qui n’est pas pour me déranger : j’aime l’idée qu’il puisse être dans une écoute flottante, laissant libre cours à l’imagination, regarder de-ci de-là, sans focaliser son attention sur la personne qui parle, moi en l’occurrence, mais plus sur l’histoire. Bref, j’aime bien cette idée que le public soit libre dans sa tête et dans son corps. Et si les racontées en extérieur ont un intérêt, c’est précisément celui de permettre à tout un chacun d’être dans cet entre-deux.

– Quelle différence y a-t-il donc eu avec la balade contée dans la forêt de Palaiseau ?

Les fois précédentes, je suis intervenue dans des lieux dont j’avais tout ou presque à découvrir. Cette fois, je racontais dans une forêt que je fréquente régulièrement et que je connaissais, du moins le pensais-je. Car jusqu’alors, je l’avoue, je ne la considérais pas comme une forêt digne de ce nom. Elle ne résistait pas à la comparaison avec celle de Sénart, près de laquelle j’ai grandi, et encore moins celle de Fontainebleau où nous allions régulièrement en famille et qui à mes yeux représentait le nec plus ultra de la forêt, avec sa densité, ses vieux arbres, ses roches emblématiques. Au contraire, celle de Palaiseau m’apparaissait n’être composée que d’arbres chétifs et de petite taille, plantés les uns après les autres, en ligne droite.

– Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

Les balades que j’y ai faites lors du premier confinement, durant l’heure autorisée pour les besoins de nos exercices physiques. Cette forêt m’est alors apparue plus riche, plus diverse. On peut y voir encore des arbres antérieurs à la campagne de reboisement menée dans les années 1970 et à l’origine des alignements que j’évoquais. Du côté de l’Onera, par exemple, on peut découvrir une belle allée de vieux chênes, que je ne peux plus m’empêcher de voir d’ailleurs avec respect et considération ! J’ai aussi fini par mesurer ma chance de pouvoir m’extraire d’un environnement minéral, de bitume et de béton, et me retrouver en quelques minutes au milieu de tant d’arbres, goûter le plaisir de poser mes mains sur leurs écorces, de humer les bonnes senteurs de l’humus…

– Durant cette période de confinement, vous m’avez fait état de la lecture de L’Arbre-monde. Dans quelle mesure ce livre a-t-il pu contribuer à changer votre regard ?

Je n’y avais pas pensé, mais maintenant que vous l’évoquez, je me dis que ce roman de Richard Powers a très certainement pu y contribuer. Avant d’en entreprendre la lecture, j‘étais déjà très attirée par les arbres et pas seulement en raison du lien qu’ils entretiennent avec l’univers du conte (où ils peuvent être des personnages à part entière). Mais c’est vrai que la lecture de ce livre a probablement provoqué un déclic. Pour mémoire, il met en scène des personnages très différents, mais qui ont pour point commun une sensibilité aux arbres. Dès lors, le regard que vous posez sur une forêt change du tout au tout. D’une masse indistincte d’arbres, elle apparaît comme peuplée d’individus, ayant chacun leur propre histoire. Forcément, cela change la perspective : vous vous retrouvez comme devant un champ de relations possibles entre les arbres, mais aussi entre vous et chaque arbre. Alors oui, je pense que c’est en étant habitée, imprégnée de cette lecture, que j’ai pu aborder autrement cette forêt de Palaiseau.

– En vous écoutant, me revient aussi en mémoire ce que vous m’aviez évoqué lors d’un précédent entretien, qui faisait suite à un colloque de Cerisy sur les « brassages planétaires », auquel vous aviez participé en tant que conteuse. Ce colloque avait été l’occasion d’une balade dans le parc du château aux côtés de spécialistes des arbres. Bien que cela remonte à l’été 2018*, cela ne vous a-t-il pas aussi prédisposée à renouveler votre regard ? Mais peut-être que cela nous ramène à trop loin…

Non, au contraire. Le propre du conte est de travailler avec le temps et de puiser dans des racines profondes ! Même si cette expérience a paru enfoui dans ma mémoire, mon corps sinon mon inconscient s’en est sans doute souvenu. Nous avions effectivement déambulé dans le parc, en faisant des haltes pour entendre les commentaires de spécialistes. Nul doute que l’expérience a participé à la gestation de mon projet palaisien.

– Pour en revenir à cette balade contée du 29 octobre, pouvez-vous rappeler comment vous vous y êtes prise pour l’organiser ? Aviez-vous, comme on l’imagine, fait des repérages ?

Oui. Je m’y suis rendue à plusieurs reprises, mais cette fois avec un regard de conteuse, en imaginant le récit qui pourrait jaillir de tel ou tel endroit, de telle ou telle souche, de telle ou telle motte de terre, de tel ou tel point d’eau, de telle ou telle perspective ! Je pense en particulier à cette mare à laquelle on accède par un petit chemin. En se plaçant à un certain endroit, on peut en observer la flore, en entendre la faune, puis, en faisant un demi-tour, apercevoir le radar, qui reconnecte aussitôt au ciel, aux avions… Un exemple parmi d’autres de ces hiatus paysagers sur lesquels je voulais jouer, sans chercher pour autant à suggérer une opposition entre une vraie nature, incarnée par la mare, et un monde artificiel qui serait, lui, incarné par le radar. Au contraire, je trouve que c’est ce mélange des genres, qui fait aussi le charme de cette forêt de Palaiseau. Et puis, une forêt recèle bien d’autres ressources, qu’on peut mobiliser comme support à un récit : des morceaux de bois, des feuilles, des cailloux, que je comptais bien demander aux participants, à commencer par les enfants, de rapporter, selon les besoins de mes récits.
Une fois un itinéraire esquissé et une liste d’histoires établies, j’ai fait un essai en présence d’Ella et de ses collègues. Leurs premières réactions m’ont rassurée. L’un d’eux devait d’ailleurs me confier avoir découvert une autre forêt de Palaiseau que celle qu’il a lui aussi l’habitude de fréquenter. Ce ne pouvait être que de bon augure.

• Pour en savoir plus, voir l’entretien que Sylvie Mombo nous avait accordé à l’issue du colloque – pour y accéder, cliquer ici.

Crédit photo : Alain Petel.

Sylvain Allemand
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Journaliste

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