Au cours du mois de septembre, EDF Lab Paris-Saclay accueillait l’exposition Observeur du Design, qui présentait les lauréats du Prix français de design organisé depuis 1999 par l’Agence pour la Promotion de la Création Industrielle (APCI). Voici un premier écho de son inauguration à travers le témoignage d’Olaf Maxant, délégué innovation adjoint à EDF Lab Paris-Saclay et qui souligne ici l’intérêt de croiser recherche et le design.
– Si vous deviez pitcher l’exposition Observeur du Design…
C’est une exposition qui recense des projets qui viennent dans leur ensemble nous interroger, nous ingénieurs-chercheurs d’EDF Lab Paris-Saclay, dans nos propres pratiques de R&D et d’innovation. Plusieurs de ces projets témoignent de la capacité du design à intégrer des innovations technologiques (mais pas que) dans des objets et des services du quotidien. Je pense notamment à ces dispositifs photo-sensibles et photos-électriques intégrés dans des textiles qui vont probablement préfigurer de nouveaux process de conception de nos habillements.
– Rappelons que ces projets ne sont pas anodins : ils ont été labellisés comme les objets ou services les mieux designés de l’année 2017 et, pour certains d’entre eux, étoilés, car reconnus comme pouvant représenter le design français à l’étranger…
Ce sont en effet des projets qui font référence : ils représentent l’état de l’art du design français en cette année 2017. A travers eux, on peut prendre la mesure de la diffusion du design dans des domaines d’activité de plus en plus variés. C’est le cas pour ce qui nous concerne, au sein de la R&D, avec la présence d’un laboratoire dédié, le Design Lab I2R, piloté par Guillaume Foissac. Le design est désormais mobilisé jusque dans la conception de centrale nucléaire. Est-il besoin de la dire, cette approche se révèle également précieuse pour interroger le numérique et la manière d’en concevoir les interfaces.
Si le design suscite autant l’intérêt, cela ne tient pas seulement à la méthode formelle qu’il apporte dans la conception même des produits et services. Il y a aussi une dimension qui confine à la poésie, au sens où il ne se limite pas à une approche modélisatrice que nous autres ingénieurs-chercheurs avons l’habitude de privilégier. Au sens aussi où il incite à se poser des questions sur le produit ou le service au regard de ses usages et, donc, de rationalités qui ne sont pas nécessairement les nôtres.
– A vous entendre, on voit bien l’intérêt du design au sein de la R&D. Mais le dialogue entre designers et ingénieurs-chercheurs se fait-il naturellement ? Ne produit-il pas des « étincelles », si vous m’autorisez cette expression ?
Des étincelles ? Nous espérons bien que cela en produise, partout et le plus possible ! C’est d’ailleurs pourquoi j’ai d’emblée pointé à quel point l’exposition pouvait questionner nos ingénieurs-chercheurs. Et le fait est, elle les a questionnés si j’en juge par les échos et témoignages de ceux qui ont pris le temps de la découvrir. La R&D et le design relèvent de mondes différents, avec leur propre culture. La rencontre ne peut pas se faire sans entrechoquements – a fortiori dans une entreprise comme la nôtre où domine une culture d’ingénieur – mais c’est précisément en cela qu’elle est fertile. Le design a le mérite d’introduire du décalage. C’est aussi en ce sens-là qu’il faut y voir une dimension poétique.
– « Poétique » : voilà un terme que vous avez utilisé à plusieurs reprises et qu’on n’attend pas forcément dans l’univers qui est le vôtre…
Dans mon esprit, elle peut se manifester partout, y compris dans le faire, ainsi que l’a très bien illustré Jean-Louis Frechin, tout à la fois concret et sensible dans son approche : ce qu’il dit peut nous émouvoir, solliciter notre imaginaire, autant de choses qui ne sont pas a priori reconnues ni valorisées dans l’activité de R&D, quand bien même l’ingénieur-chercheur est loin de n’être qu’un être de calcul. Cette dimension poétique du design est essentielle si on veut éviter de ne faire que réinventer la poudre.
Parler de poésie est peut-être aussi une manière de pointer l’audace dont il faut savoir faire preuve, en explorant des voies inédites, en acceptant une part de risque, car c’est ainsi qu’on peut trouver des moyens de transformer des résultats de recherche en objets ou services que puissent ensuite s’approprier l’usager final.
– Dans quelle mesure EDF Lab est-il propice à cette convergence entre design et R&D et à cette prise de risque que vous venez d’évoquer ?
Indéniablement, de par leur architecture, guère éloignée de la culture design, les bâtiments d’EDF Lab Paris-Saclay sont propices à une telle convergence et à l’exploration aux confins des sciences de l’ingénieur. C’est un lieu tout à la fois sécurisé (pour les activités exigeant d’être poursuivies en toute confidentialité) et ouvert sur le Plateau de Saclay pour faciliter les partenariats avec des acteurs de l’écosystème – entreprises et établissements de recherche et d’enseignement supérieur – ou, comme avec cette exposition, pour faire venir des compétences et susciter des rencontres à même d’introduire du décalage.
– Et l’écosystème Paris-Saclay, le jugez-vous favorable à la diffusion d’une culture « design » ?
Oui et il le sera encore davantage avec le Design Center que l’Université Paris-Saclay va prochainement ouvrir sur le site du CEA. Pas plus tard que la semaine dernière, nous étions à une séance de travail avec son Directeur, Vincent Créance, pour explorer les pistes de collaboration. On voit par-là à quel point le design s’impose comme un langage commun et, donc, un vecteur de médiation efficace entre les mondes de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation.
– Et un ingrédient de l’attractivité de l’écosystème : plusieurs des personnes ayant assisté à l’inauguration de l’exposition venaient de Paris…
En effet, plusieurs personnalités du monde du design, dont Jean-Louis Frechin, déjà cité, ont fait le déplacement sur le site de Paris-Saclay. Comme vous avez pu le constater, elles s’y sont attardées bien après la fin de la séance d’exposés, qui ouvrait la journée d’inauguration.
A lire aussi les entretien avec Jean-Louis Frechin, designer et architecte, directeur de l’agence Nodesign.net (pour y accéder, cliquer ici) ; Guillaume Foissac, responsable de l’I2R, le laboratoire accélérateur d’innovation, créé au sein d’EDF R&D, sur le site des Renardières (cliquer ici) et Gilles Rougon, Collective Innovation Catalyst, au sein de la R&D d’EDF (cliquer ici).
Journaliste
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