C’est l’incubateur de référence de Paris-Saclay. Un motif suffisant pour prendre de ses nouvelles en allant de nouveau à la rencontre de son directeur, Philippe Moreau. Parmi elles : une croissance du nombre de start-up qui y sont incubées et une offre de nouveaux « produits » destinés à s’adresser à un public élargi, en plus de se vouloir innovants.
– Comment se porte IncubAlliance ?
Bien ! Depuis trois-quatre ans, notre incubateur connaît une nette croissance de son activité, due notamment au développement de SQY Cub dont nous sommes l’opérateur pour le compte de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines. Sur l’ensemble des deux sites, nous sommes passés de près de 35 projets en cours d’incubation à de l’ordre 55 désormais. Chaque année, nous accueillons entre 35-40 nouveaux projets contre 25-30 auparavant.
– Pour quel taux de réussite ?
Un taux de 50%, la réussite se manifestant par la conclusion pour la start-up nouvellement créée d’un premier contrat, qui permet d’amorcer la mise sur le marché. Entre-temps, nous aurons accompagné le porteur de projet depuis le stade de l’idée (dans le cas de solutions software) ou du premier prototype (dans le cas de solutions qui exigent plus de temps de maturation).
– Qu’advient-il des autres projets, ceux qui ont « échoué » ?
Même dans leur cas, l’échec est relatif, au sens où les entrepreneurs qui auront passé deux ans dans notre incubateur ont désormais la possibilité de voir reconnus leurs efforts, au travers d’un certificat de « manager de l’innovation », reconnu par l’Etat.
– Et qu’ils peuvent éventuellement faire valoir auprès d’un employeur ?
Oui, car même si ceux qui ont goûté à l’expérience de l’entrepreneuriat innovant peuvent paraître plus difficilement intégrables dans une organisation hiérarchique, ils sont susceptibles d’intéresser des entreprises classiques, à commencer par celles qui sont engagées dans des logiques d’open innovation.
– Lors du précédent entretien que vous nous aviez accordé, vous aviez annoncé une nouvelle offre, Genesis Lab – un parcours de 35 jours destiné à permettre à des candidats à l’incubation de valider préalablement leur projet auprès d’experts et au travers d’ateliers. Qu’en est-il depuis ? Avez-vous élargi votre offre ?
Oui et ce, dans ce souci constant de répondre aux attentes, des entrepreneurs bien sûr, mais aussi d’autres publics : des salariés d’entreprises, des étudiants ou encore des chercheurs. Naturellement, il ne s’agit pas de le faire seul, notre cœur de métier restant l’incubation de startuppers, mais avec nos partenaires habituels : la SATT Paris-Saclay, l’Université Paris-Saclay, etc.
– Que comptez-vous proposer concrètement aux chercheurs en particulier ?
Avec le concours de l’Université Paris-Saclay, nous avons lancé Genesis Light. Le principe : durant huit jours, répartis en trois sessions, nous accueillons de jeunes chercheurs, lauréats de l’appel à projets Poc in Labs, pour les sensibiliser à la démarche de création d’une entreprise technologique, l’objectif n’étant pas nécessairement d’en faire des entrepreneurs innovants, mais de faciliter les actions de transfert technologique des laboratoires académiques vers des entrepreneurs innovants. La premier Genesis Light s’est déroulé en mai et juin dernier, avec 16 participants et 10 projets.
– Et aux salariés, qu’envisagez-vous de proposer ?
Des sessions de formation, pour ceux qui souhaiteraient développer des projets innovants, en interne ou en externe. J’en profite pour rappeler deux dispositifs que nous avons mis en place pour favoriser la prise de contact avec des start-up. Le premier, « Employez-vous, spécial associés », est un rendez-vous conçu en partenariat avec Pôle Emploi. Son principe : permettre à des personnes en recherche d’emploi de rencontrer des startuppers. Bien plus, nous leur proposons une formation de six mois pour une mise à niveau. Le prochain rendez-vous est programmé le 28 novembre 2019, de 08h30 à 10h30 ; il se tient dans le hall d’IncubAlliance
Le second dispositif, « Employez-vous, spécial stage » s’adresse aux étudiants qui souhaitent intégrer la start-up le temps d’un stage. Le précédent rendez-vous a eu lieu le 5 novembre dernier, toujours dans le hall d’IncubAlliance.
Pour chacun des produits ou dispositifs que nous lançons, nous avons l’ambition de faire preuve d’un esprit d’innovation, la moindre des choses pour un incubateur, de surcroît inscrit dans l’écosystème de Paris-Saclay. Par exemple, nous souhaiterions ne pas nous interdire de sensibiliser les chercheurs au travers de méthodes inspirées du théâtre !
– ?!
Ce n’est encore qu’une piste suggérée par notre collègue François Many, qui n’est jamais à court d’idées ! Mais après tout, pourquoi pas. Le théâtre a depuis longtemps fait ses preuves dans l’univers de l’entreprise. Déjà, à l’époque du lancement du téléphone mobile, dans les années 90, auquel j’ai participé comme consultant, je me souviens de séminaires réunissant des cadres du top management de France Télécom durant lesquels des comédiens mettaient en scène, sous forme de saynètes, les déboires rencontrés par les premiers usagers.
Pourquoi ne pas en faire de même avec des chercheurs ? Concrètement, il s’agirait de les initier aux différents aspects de la création d’une entreprise technologique, au travers de jeux de rôles. Non sans travailler aussi à dé-diaboliser l’idée même de profit ou de valorisation de la recherche…
– Est-ce à dire que le monde de la recherche se montrerait encore réticent à interagir avec le monde de l’innovation ?
Non. Beaucoup de choses ont été faites pour rapprocher les chercheurs du milieu académique, du monde de l’entrepreneuriat innovant, valoriser leurs travaux de recherche au travers de start-up ou de spin-off. Il y a manifestement un effet générationnel qui joue positivement : les doctorants et post-docs actuels sont plus ouverts à l’idée de participer à la création d’entreprises technologiques. S’il y a encore des blocages, ils se situent plutôt du côté des directeurs scientifiques et de laboratoires, dont la priorité reste encore la publication, accessoirement le brevet. Mais, là encore, il convient de ne pas noircir le tableau : des laboratoires ont une longue expérience de la valorisation par l’innovation entrepreneuriale.
– Avec le recul, quel regard posez-vous sur l’écosystème de Paris-Saclay ? En quoi est-il favorable à votre activité d’incubation et à la déclinaison de nouveaux produits ?
De toute évidence, le projet de Paris-Saclay avance, l’excellence de la recherche qui s’y produit ne fait pas de doute. De nouvelles constructions – d’établissements d’enseignement supérieur ou de recherche, de logements, etc. – voient le jour. Sur le terrain, je perçois l’émergence d’une vraie communauté : l’information circule de mieux en mieux ; les événements drainent de plus en plus de publics. Reste à savoir quelle feuille de route les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ont exactement de leurs ministères de tutelle respectifs au regard du projet de Paris-Saclay. Aujourd’hui encore, ils me donnent parfois l’impression de ne pas tirer dans le même sens… Pour tout dire, je regrette l’éclatement entre deux pôles, l’Université Paris-Saclay et l’Institut Polytechnique de Paris. Ce qui m’avait motivé en venant ici, c’est précisément la perspective de la constitution d’une seule et même grande université. Certes, nous sommes dans un choc de cultures entre des écoles d’ingénieurs a priori agiles, réactives, et des institutions académiques réputées plus difficiles à faire évoluer. Cela dit, je pense qu’il y avait la possibilité de concilier les deux objectifs : d’une part, maintenir un enseignement universitaire de masse, ouvert au plus grand nombre ; d’autre part, proposer une filière plus sélective à ceux qui veulent s’engager dans des formations longues et exigeantes.
Gageons que la présence de deux pôles créera une émulation. Rappelons que les deux sont composés d’établissements qui seront ancrés sur le même territoire et même proches les uns des autres. Nul doute que les interactions naturelles entre les étudiants, chercheurs et enseignants ne manqueront pas de pousser dans le sens de plus de rapprochement entre les deux pôles. En attendant, je constate que la synergie semble opérer entre CentraleSupélec, une grande école d’ingénieurs, et l’Université Paris-Saclay, ce dont on ne peut que se réjouir.
Cela étant dit, on peut encore progresser sur différents plans, à commencer par l’internationalisation, j’y reviens. Je trouve qu’on reste encore parfois trop franco-français, que ça ne pitche pas toujours bien en anglais. Dès lors qu’on prétend être un cluster d’excellence mondiale et accueillir des chercheurs, entrepreneurs, enseignants et étudiants du monde entier, il nous faut progresser dans la pratique des langues. Il importe aussi que la gouvernance de l’écosystème soit plus visible.
– Précisons que l’entretien se fait en présence de deux personnes. Pouvez-vous les présenter ?
Oui, volontiers. Il s’agit, d’une part, d’Alisson Peltot, qui nous a rejoints il y a un an ; elle est en charge de la communication et du marketing. D’autre part, de Patricia Muller, qui collabore en free lance, sur le rédactionnel du site – elle interviewe régulièrement nos entrepreneurs. Elle intervient également dans le cadre du Genesis Lab pour initier les porteurs de projets aux enjeux de la communication.
– Quels sont les prochains rendez-vous d’IncubAlliance ?
Nous vous donnons rendez-vous le 12 décembre, à la Terrasse Discovery +x, pour l’« Incubcelebration », notre événement de fin d’année. L’occasion de remettre le certificat dont je vous ai parlé, mais aussi des trophées, dont un Grand Prix, à celles de nos start-up qui ont marqué l’année 2019 dans différentes thématiques. Le tout se termine par une soirée dansante. Il est encore possible de s’inscrire sur Internet en fonction des places disponibles.
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