Suite et fin de nos échos à la première édition de DigiHallDay, qui s’est tenue le 22 mai 2018, à travers le témoignage de Nicky Williams et Gabriel Pedroza, deux ingénieurs-chercheurs au CEA List – elle, en validation formelle de codes sources, lui, en analyse en matière de cybersécurité – qui ont participé à l’expérimentation de navettes autonomes, menée du 6 février au 13 avril sur le site du CEA de Saclay.
– Je lis sur le poster de votre stand : « Navette autonome, performante, sûre et sécurisée ». En quoi peut-elle l’être alors que nous n’en sommes qu’aux débuts des recherches dans ce domaine ?
Nicky Williams : C’est justement l’objectif du projet SESNA, dans lequel s’inscrit cette expérimentation. Certes, nous sommes encore sur un sujet de R&D amont, mais le gouvernement français parle déjà d’autoriser le déploiement de ce type de navettes à l’horizon 2020. J’ajoute que nos recherches se déroulent dans un site restreint, celui du CEA de Saclay, avec un véhicule relativement simple, comparé à ceux utilisés dans d’autres expérimentations en cours. Notre approche se veut itérative : nous avançons pas à pas, pour réunir toutes les conditions de sécurisation. Nous nous employons pour cela à valider le maximum de caractéristiques des navettes, de façon à permettre leur déploiement dans d’autres contextes avec un niveau d’exigence maximale, en matière de sûreté et de cybersécurité.
Gabriel Pedroza : Précisons que le site du CEA de Saclay présente des spécificités, comparé aux autres sites où les navettes ont été ou sont encore en train d’être testées [Pont Charles de Gaulle, Bois de Vincennes, Boulogne-sur-Mer, Austin (Etats-Unis), etc..]. Des spécificités liées au niveau de confidentialité qui doit être respecté, à la présence d’équipements sensibles (installations nucléaires dédiés à la recherche). Le niveau de sûreté et de cybersécurité doit donc être conforme à celui exigé par un tel site.
– Ce projet implique divers partenaires (outre le CEA List, la RATP, Bureau Veritas, une société spécialisée dans la modélisation, l’analyse et l’évaluation des systèmes, des bureaux d’études,…). Est-ce facile de travailler avec des partenaires d’horizons ou milieux professionnels aussi différents ?
Nicky Williams (Rire) : Disons que c’est très intéressant. On apprend toujours à échanger avec des personnes d’autres horizons professionnels et disciplinaires que le sien, même si ce peut être difficile de le faire avec des spécialistes. Il faut alors que chacun apprenne la langue de l’autre. Mais c’est aussi en cela que la démarche collaborative est stimulante.
– Je devine un accent britannique… Iriez-vous jusqu’à dire que le fossé peut être plus grand entre deux personnes de différents milieux professionnels ou disciplinaires, qu’entre deux personnes qui ne pratiquent pas la même langue maternelle ?
Nicky Williams : Oui !
– [A Gabriel Pedroza] Diriez-vous la même chose, vous qui avez également un accent (hispanique, en l’occurrence)…
Gabriel Pedroza : Je crois que, pour les différents partenaires, le plus difficile est de s’accorder sur les objectifs essentiels du projet et sur les modalités de sa gestion, de faire en sorte qu’une dynamique s’enclenche dans laquelle chacun a le sentiment de trouver sa place. Il importe que chaque partenaire puisse apporter son expertise, mais aussi qu’on puisse combiner les différentes expertises en présence. Cela vaut pour tout projet collaboratif, y compris autour de navettes autonomes performantes, sûres et sécurisées.
– D’autres projets de véhicules autonomes sont menés dans l’écosystème de Paris-Saclay. Je pense à celui porté par Vedecom, en association notamment avec Transdev. Travaillez-vous à une convergence ou au contraire tablez-vous sur l’émulation suscitée par l’existence de projets différents ?
Gabriel Pedroza : Les projets sont foisonnants dans notre écosystème, et chacun y apporte son expertise dans une démarche incrémentale. Pour ce qui concerne notre projet, les sujets traités sont sensibles aussi bien pour la RATP que pour le CEA et les partenaires. Il y a donc un certain niveau de confidentialité à respecter. Nous ne communiquons pas sur toutes les spécifications des logiciels, par exemple. Il doit en aller de même avec le projet que vous évoquez.
Nicky Williams : Le fait qu’il y ait une certaine concurrence n’est pas un problème en soi. Nous sommes dans un domaine qui évolue très vite. Bien sûr, nous veillons à nous tenir informés de l’actualité aussi bien de la recherche et de ses avancées, que des aspects plus réglementaires susceptibles d’impacter l’usage des véhicules autonomes. Nous entretenons aussi une veille sur les opportunités de collaboration, étant entendu toutefois que nous ne pouvons pas collaborer avec tout le monde !
– Nous réalisons cet entretien au cours du DigiHall Day. En quoi était-ce important pour vous d’y participer ?
Gabriel Pedroza : Jusqu’à présent, c’était le CEA List qui communiquait sur les navettes autonomes expérimentées sur son site. Cet événement offre l’occasion de présenter le projet en association avec nos partenaires et de montrer de ce qu’il est possible de faire avec un centre de recherche comme le nôtre. Nos partenaires sont a priori les mieux placés pour en témoigner.
A lire aussi les entretiens avec Michel Morvan, nouveau président de l’IRT SystemX (pour y accéder, cliquer ici), Philippe Watteau, directeur du CEA List (cliquer ici), Sonia Falourd, en charge des grands projets au sein du CEA List (cliquer ici), Patrick Sayd, chef du laboratoire Vision & Ingénierie des Contenus, du CEA List (cliquer ici), Yann Briand et Benoît Legrand, respectivement chef du projet IVA (Information Voyageur Augmentée), à l’IRT SystemX et ingénieur au sein de la société SpirOps associée à ce projet (cliquer ici).
Crédit photographique : © RATP – Bruno Marguerite.
Journaliste
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