Rencontre avec Selma Masmoudi et Rémi Lusson, élèves ingénieurs qui portent le projet dIAg dans le cadre de la FIE
Le 24 octobre dernier, IncubAlliance et l’Institut d’Optique organisaient une Journée Entrepreneuriat Étudiant (JEE), l’occasion pour des élèves ingénieurs de présenter leur projet de start-up. En voici un nouvel écho avec le témoignage de Selma Masmoudi et Rémi Lusson, qui portent en 1re année de FIE (Filière Innovation Entrepreneur.e.s de l’Institut d’Optique) le projet dIAg : un logiciel d’analyse médicale destiné à aider les vétérinaires dans le diagnostic ou la prévention de fractures chez le cheval.
- Si vous deviez, pour commencer, pitcher votre projet dIAg ?
Selma Masmoudi : Notre projet, que nous portons avec trois autres camarades, consiste en un logiciel d’analyse médicale, à partir d’imagerie (échographie, scanner, radiographie…), appliquée au cheval. Il est destiné à aider le vétérinaire dans l’établissement de ses diagnostics et son suivi.
- Pourquoi cette focale sur le cheval ?
Selma Masmoudi : Nous sommes partis du constat suivant : les fractures sont particulièrement difficiles à détecter dans le cas de cet animal.
Rémi Lusson : Un cheval qui souffre d’une fracture est difficile à immobiliser pour les besoins d’un diagnostic. Parfois, la blessure est si profonde que les soins en deviennent impossibles. Résultat : beaucoup de chevaux blessés finissent euthanasiés – pas moins de 14 000 par an, rien qu’en France. Notre logiciel pourrait non seulement aider au diagnostic, mais encore anticiper un risque de fracture : un plus pour les sports équestres, en particulier, où les chevaux sont exposés à de nombreux risques liés à des entraînements intensifs et des courses à répétition.
- Comment envisagez-vous de permettre une prévention de ces risques ?
Rémi Lusson : Notre logiciel tel que nous le concevons exploitera toutes sortes de données disponibles : sur le bilan de santé du cheval, mais aussi la météo du jour de course ou d’entraînement, l’état du terrain pratiqué, etc. Et ce, de façon à permettre aux entraîneurs d’adapter les séances d’entraînement, de les optimiser et par là même de garantir le bien-être du cheval.
- Qu’est-ce qui vous a motivés à investir ce créneau ? Comme on l’imagine, ce doit être lié à une pratique personnelle de l’équitation ?
Rémi Lusson : Non, Selma et moi, nous ne faisons pas de cheval, pas plus d’ailleurs que nos trois camarades ! En réalité, nous étions, à l’origine, engagés dans un tout autre projet. Il s’agissait déjà d’un logiciel d’aide au diagnostic à base d’imagerie médicale, mais appliqué aux humains. Sauf que nous nous sommes très vite rendus compte que ce domaine était difficile d’accès. Comme nous étions aussi sensibles à la question du bien-être animal, qu’il nous tenait à cœur de contribuer à le garantir, nous avons cherché à savoir quelles problématiques se posaient au regard du diagnostic. Très vite, notre attention a été retenue par le cas des chevaux utilisés à des fins sportives. Nous nous sommes dit qu’ils pouvaient être confrontés à des formes de surmenage susceptibles de les exposer à des blessures, des fractures. Nous y avons été encouragés en découvrant que tant de chevaux blessés étaient euthanasiés faute d’une prévention suffisante.
Selma Masmoudi : En m’intéressant à cet animal pour les besoins de notre projet, j’ai découvert à quel point il est complexe et difficile à diagnostiquer, comparé à d’autres animaux domestiques, comme les chiens et les chats. Ce qui explique d’ailleurs que si des logiciels d’aide au diagnostic existent pour ces derniers, en revanche, il n’en existe pas pour le cheval. Le saviez-vous ? Chez cet animal, des problèmes d’articulation peuvent être liés à des problèmes de dentition… Les diagnostics s’en trouvent être aussi plus coûteux à établir. De là, la nouvelle orientation que nous avons donné à notre projet et l’intérêt que nous avons trouvé à investir le milieu équin.
Rémi Lusson : Comment ne pas être ému devant un cheval blessé, pis condamné à finir euthanasié après avoir été autant admiré pour son élégance, ses performances ?
- Qu’est-ce qui vous fait dire que la FIE était la voie royale pour parvenir à mener à bien votre projet ?
Selma Masmoudi : Le premier intérêt de la FIE, c’est l’encadrement qu’elle nous assure à travers les cours dispensés chaque semaine, en dehors des six semaines dédiées à 100% la définition de notre projet. Ce qui ménage l’espoir de sortir de cette FIE avec a minima un diplôme d’ingénieur. Les personnes qui nous accompagnent ont une longue expérience de l’entrepreneuriat innovant ; en plus d’être à notre écoute, elles nous parlent en toute franchise : si elles estiment qu’on est sur une mauvaise piste, elles ne manquent pas de nous le dire. Il ne s’agit pas pour elles de nous laisser poursuivre un projet juste pour le plaisir, en entretenant de faux espoirs.
- Manifestement, elles vous ont préparés au pivot que vous avez effectué par rapport à votre projet initial ?
Selma Masmoudi : Exactement ! En approuvant le choix que nous avons fait après mûre réflexion de renoncer au diagnostic sur l’humain pour nous orienter finalement vers le cas spécifique du cheval, elles nous ont donné confiance, car nous savons pertinemment que si elles n’y croyaient pas, elles n’auraient pas manqué de nous le dire. C’est plutôt réconfortant pour les autres choix que nous aurons à faire par la suite. Nous savons que nous pouvons compter sur la sincérité de leur jugement. J’ajouterai un autre plus de la FIE : ses partenariats avec des structures engagées dans l’entrepreneuriat innovant, en particulier des incubateurs. Forcément, tout cela nous rend sereins et nous permet de croire en notre projet.
Rémi Lusson : Je me retrouve totalement dans les propos de Selma. J’ajouterai que le fait de mener notre projet ici, au 503, nous permet de maîtriser les techniques de l’imagerie médicale et de traitement d’image, sans compter les outils de modélisation et de l’IA, pour développer notre logiciel et parvenir à proposer ainsi une technologie performante, à même de répondre aux besoins des vétérinaires, de les aider, encore une fois, dans leur diagnostic et leur suivi.
- Rappelons encore que l’Institut d’Optique s’inscrit dans un écosystème dynamique, qui vous permet d’imaginer des collaborations avec d’autres organismes de recherche – je pense en particulier à l’UFR des Sciences du Sport de l’Université Paris-Saclay, qui compte un centre équestre en lien avec une unité de recherche (le CIAMS). Cela étant dit, qu’attendez-vous de cette Journée Entrepreneuriat Étudiant ?
Rémi Lusson : Pour nous, cette journée, nous l’envisageons comme un moyen de nouer des contacts, pourquoi pas avec des professionnels et des experts du milieu équin, qui pourraient nous accompagner dans la conception de notre logiciel en collant au plus des besoins des vétérinaires.
- Le fait que vous ne soyez pas experts peut surprendre de prime abord. Mais, après tout, le propre de l’ingénieur n’est-il pas aussi de savoir traiter d’un problème, à bien en définir les termes, avec tout le recul nécessaire, en partant d’une page blanche ?
Selma Masmoudi : Si, en effet. J’ajoute que nous n’avons pas la prétention de traiter de tous les problèmes de diagnostic. Nous avons pris le parti de nous consacrer à un cas – pas forcément le plus simple -, en nous appuyant par ailleurs sur l’expertise de personnes qui le connaissent bien, d’ingénieurs et de chercheurs de différentes disciplines. Le propre de l’entrepreneur innovant est de savoir solliciter des savoirs et techniques de différents domaines disciplinaires, professionnels. C’est aussi en cela que c’est stimulant.
Nous sommes rejoints par les trois autres membres de l’équipe.
- [Aux trois élèves ingénieurs]. Si vous deviez vous présenter et préciser vos rôles respectifs au sein de l’équipe ?
Axel Vallier : Pour l’heure, aucun d’entre nous n’a encore de rôle bien spécifique. Cela étant dit, je suis a priori très intéressé par l’apport de l’IA, mais aussi par l’étude de marché, les échanges avec les clients potentiels, à commencer par les vétérinaires, pour comprendre leurs besoins. Car il ne s’agit pas de faire un projet qui nous plairait d’abord à nous. Cela n’aurait aucun sens. Nous souhaitons qu’il soit utile à ces professionnels et par là même au bien-être animal.
Rayane Benbakir : À ce stade, nous nous considérons tous un peu comme des couteaux suisses. Avant de songer à nous spécialiser, nous avons donc commencé à capitaliser sur nos savoirs dans le souci d’avoir chacun le même niveau de connaissances. Comme l’a bien dit Axel, nous souhaitons répondre à un réel besoin du marché, en apportant une solution utile aux vétérinaires. Il faut savoir que ces derniers n’ont pas de spécialistes à leurs côtés pour interpréter les résultats d’une imagerie médicale.
Cristobal Burton-Selva : Pour ma part, j’ai de fortes appétences pour l’IA, mais aussi la stratégie de marché, le démarchage des clients potentiels pour bien en cerner les besoins et positionner notre offre en conséquence.
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