De nouveaux ponts en perspective
Créé le 22/09/2025
Mis à jour le 22/09/2025
Entretien avec Anthony Briant, directeur de l'ENPC
En 2022, l’ENPC décidait de rejoindre l’Institut Polytechnique de Paris. Son directeur revient sur les motivations de ce choix mais aussi sur les perspectives qu’offre à son école l’inscription dans l’institut et, au-delà, l’écosystème de Paris-Saclay.
- Pour commencer, pouvez-vous rappeler ce qui a motivé le choix de votre école de rejoindre IP Paris ?
Anthony Briant : Comme toutes les grandes écoles d’ingénieur de notre pays, l’ENPC a beau être une école prestigieuse de par son histoire, la qualité de ses enseignements, l’excellence de la recherche qui y est poursuivie, le niveau des élèves qu’elle accueille, n’en reste pas moins un établissement de petite taille. Chaque année, l’ENPC accueille 1 500 étudiants toutes formations confondues, et diplôme un peu moins de 300 élèves-ingénieurs. Soit des effectifs relativement inférieurs à ceux qu’on peut observer dans de prestigieuses universités étrangères. L’ENPC se devait donc de grandir en s’associant à d’autres établissements. Le contexte s’y prêtait avec le mouvement de restructuration de notre enseignement supérieur et de recherche (ESR) à travers le rapprochement entre universités et grandes écoles encouragé par les pouvoirs publics.
Rappelons que depuis 1997, l’école est implantée à Champs-sur-Marne, sur la Cité Descartes – un choix qui répondait à la stratégie du ministère de l’Équipement de l’époque de contribuer à l’aménagement de l’Est parisien. L’ENPC devait être rejointe par l’IFSTTAR et d’autres établissements d’enseignement supérieur.
S’il n’y a pas lieu de contester ce choix, en revanche, on peut regretter la conception du bâtiment construit à cet effet : le moins qu’on puisse dire, et je tiens à le dire, est qu’il a plutôt mal vieilli faute d’avoir anticipé les effets du changement climatique.
Ceci étant dit, revenons à cette politique d’aménagement du territoire. En 2016, s’est posée la question de savoir si on poussait cette politique jusqu’à doter cet Est parisien d’un regroupement universitaire expérimental Vous connaissez la réponse, elle fut positive. Il y eut pour commencer la création d’une COMUE Paris-Est, dissoute depuis, en 2025. Entretemps, en 2020, a été créée l’Université Gustave Eiffel, à partir d’un rapprochement entre l’Université Marne-la-Vallée et l’Ifsttar. La question s’est naturellement posée de savoir si l’ENPC intégrerait ce nouvel ensemble. Finalement, et pour de multiples motifs sur lesquels il n’y a plus lieu de revenir, l’école a décliné cette option. Le résultat, c’est qu’elle s’est retrouvée dans un double isolement, à la fois institutionnel et territorial. Ce qui n’a pas été sans plonger le personnel dans une certaine inquiétude. Il convenait donc de tracer une perspective. Ce qui a été fait dans le cadre de notre Contrat Objectif Performance (COP), à la rédaction duquel a activement travaillé ma prédécesseure Sophie Mougard. Signé avec l’État en avril 2022, il stipulait deux choses. D’une part, l’école restait implantée dans la Cité Descartes et pourrait y poursuivre ses partenariats locaux ; les personnels de l’ex-Ifsttar continuaient à enseigner aux Ponts tandis que les quatre laboratoires communs avec l’UGE étaient maintenus. D’autre part, sur le plan institutionnel, l’ENPC pourrait se rapprocher des établissements d’enseignement supérieur avec lesquels elle se sentait plus d’affinités, en l’occurrence les écoles d’ingénieur ayant constitué d’IP Paris. Notre COP prévoyait explicitement que la nouvelle direction de l’école devait travailler à cette intégration. Les premières discussions en ce sens avec IP Paris ont eu lieu durant l’été 2022. Pour ma part, j’ai pris la direction de l’école au mois d’octobre de la même année. Je me suis investi aussitôt dans le dossier avec notamment mes directeurs de l’enseignement et de la recherche.
- Dans quel état d’esprit avez-vous abordé ce dossier ? Aviez-vous pris la direction de l’ENPC avec l’ambition de mener à bien cette intégration ?
A.B.: Précisons que j’ai été nommé par un décret présidentiel sur la base de propositions faites par le CA de l’école à l’issue d’auditions de candidats ; il y en eut une dizaine dont la mienne, toutes issues du corps des ingénieurs des ponts – une condition nécessaire pour candidater. Naturellement, j’ai été interrogé sur le sujet.
Une fois nommé, il m’a quand même fallu me familiariser avec le nouveau contexte institutionnel. Il faut préciser que je viens d’un tout autre monde professionnel que celui de l’ESR ! En tant qu’ingénieur des Ponts, des Eaux et des Forêts, ,‡pendant quinze ans, j’ai travaillé dans l’aménagement, l’urbanisme et le logement social. Autant donc vous dire que j’étais loin de connaître toutes les subtilités de l’ESR. J’avais a fortiori tout à découvrir ou presque de l’IP Paris. Je compris cependant très vite l’enjeu pour le personnel : tant que l’avenir institutionnel de l’école n’était pas tracé, on ne pouvait se projeter dans aucun autre projet. Certes, le COP avait été signé, mais il fallut encore franchir plusieurs étapes. J’ai donc fait du dossier le sujet numéro 1 en y consacrant beaucoup de temps et d’énergie. Avec mes deux directeurs, nous travaillions avec Éric Labaye, qui présidait encore IP Paris, et les directrices et directeurs des écoles d’IP Paris. Nous avions mis en place des groupes de travail pour aborder les différents aspects – recherche, enseignement, innovation, vie étudiante, etc. – et identifier les éventuels obstacles à lever. Nous avons travaillé ainsi pendant 8-9 mois.
- Qu’entendre exactement par intégration ?
A.B. : Concrètement, elle implique de s’engager à construire une plateforme de recherche commune avec les autres écoles de IP Paris, de proposer une offre de formations en masters et doctorat conjointes à l’international, sous la même marque IP Paris, etc. Autant de choses qui ne peuvent qu’être bénéfiques à l’école qui, je le répète, n’avait pas la taille critique suffisante pour affronter seule la concurrence sur la scène internationale.
Son intégration, comme des autres membres de l’IP Paris au sein de cette structure, ne signifie en rien une dissolution. Chaque école subsiste, en pouvant se prévaloir de la richesse de son histoire, de ses singularités, de son identité. Elles partagent juste la conviction que si elles veulent mieux exister au plan international, elles gagnent à se rapprocher, à mutualiser leurs ressources. C’est aussi simple que cela.
L’ENPC intègre donc officiellement IP Paris en juillet 2024. C’est dire si les choses sont allées vite : il se sera écoulé moins de deux ans entre la décision de rejoindre IP Paris et son intégration. Il faut dire qu’un coup d’accélérateur avait été donné à l’été 2023 :, un changement de gouvernance d’IP Paris s’est imposé non sans nécessiter la modification des décrets statutaires ; modification qui devait intervenir en juillet 2024. Nous avons donc pris la décision d’accélérer l’intégration de l’ENPC pour éviter d’entraîner une autre modification.
- Rappelons que vous ne partiez pas d’une page blanche au regard de vos relations avec les écoles de IP Paris…
A.B. : Non en effet. L’ENPC entretenait déjà des relations anciennes avec elles. Un certain nombre de nos ingénieurs finissent leur 3e année dans l’une ou l’autre de ces écoles. En ce moment, une de mes élèves fait du génie maritime en 3e année à l’ENSTA, une école avec laquelle nous proposons des parcours de master depuis un certain temps, sur plusieurs sujets. Bref, les collaborations existent de longue date, mais elles n’étaient pas autant institutionnalisées.
- Néanmoins n’abordez-vous pas cette intégration avec un handicap au sens où vous êtes géographiquement loin du quartier de l’école de Polytechnique où se trouvent être concentrées les autres écoles d’IP Paris ?
A.B. : Handicap ? Le mot est peut-être un peu excessif. Disons que nous abordons cette intégration avec deux points de vigilance. D’une part, il faut veiller à prendre du temps de se rendre sur le territoire, de l’arpenter, de rencontrer nos interlocuteurs. Ce que je fais déjà régulièrement. En témoigne cet entretien que nous réalisons dans les locaux de l’EPA Paris-Saclay entre plusieurs rendez-vous sur place. Un exercice auquel s’astreignent aussi les membres de notre Codir. C’est, reconnaissons-le, moins vrai pour nos élèves et nos chercheurs…
Pour autant, en disant cela, je ne veux pas dire que la distance est un obstacle rédhibitoire, même si, pour avoir soutenu une thèse de doctorat sur les économies d’agglomération et les externalités positives de la proximité, je n’ignore pas l’intérêt d’être proches des acteurs avec lesquels on coopère.
- Je reconnais-là des concepts et hypothèses chers à Pierre Veltz, ancien directeur du LATTS – un des laboratoires de l’ENPC.
A.B. : Pierre Veltz dont j’ai lu bien évidemment les travaux, qui m’ont décidé à faire ma thèse sur ce sujet ! Encore une fois, la distance n’est pas un frein en soi, mais il est toujours bon de la réduire autant que faire se peut. C’est pourquoi je fonde des espoirs dans la mise en service des lignes 15 et 18 du Grand Paris Express. Elles entraîneront un changement majeur dans la relation physique qu’on entretient avec le plateau de Saclay.
Il reste que nous avons besoin que notre intégration institutionnelle prenne corps dans un lieu physique, qui incite à venir sur le territoire. C’est pourquoi nous avons pris le parti d’une implantation secondaire sur le plateau. Nous avons prospecté en quête d’une parcelle ; nous en avons d’ores et déjà repéré une entre Télécom et AgroParisTech, à proximité d’une station de la future gare de la ligne 18. Il contribuera, c’est notre souhait, au développement de l’ENPC, au sein d’IP Paris en y accueillant des formations et des activités de recherche. Le principe même d’un tel projet immobilier aura l’intérêt de nous faire interagir avec d’autres acteurs de l’écosystème à commencer par l’EPA Paris-Saclay, les élus, et au-delà à participer concrètement à la dynamique d’aménagement du territoire. Une perspective qui ne peut que me réjouir compte tenu de mon parcours professionnel antérieur. Pour les besoins de son financement, nous comptons mobiliser nos Alumni et notre fondation, très impliqués dans ce projet d’intégration au sein d’IP Paris.
- Qu’en est-il du second point de vigilance ?
A.B. : Il tient au fait que nous avons rejoint IP Paris alors que celui-ci est créé déjà depuis quelques années. Mes homologues ont déjà un vécu commun, acquis une expérience de coopération sur des dossiers, qu’il me faut encore découvrir pour certains d’entre eux. Heureusement, je me suis fait rappeler les épisodes de l’histoire que je ne connaissais pas. Une année seulement s’est écoulée depuis l’intégration et je me sens déjà plus à l’aise au sein du collectif. Même si on se fait concurrence pour recruter les meilleurs élèves aux concours, nous partageons le même intérêt pour un engagement commun au sein d’IP Paris. Et puis, de nouveaux dossiers se sont ajoutés dont j’ai pu prendre connaissance en même temps que les autres directeurs.
- Vous avez par ailleurs échappé à celui de la scission d’IP Paris de l’Université Paris-Saclay qui a pu susciter des regrets jusqu’à ce qu’on admette que cela pouvait aussi créer de l’émulation entre les deux pôles, à l’instar de celle existant entre le MIT et Havard, à Boston…
A.B. : J’étais à l’époque confronté pour ma part à assez de controverses au sein du campus de Paris-Est pour ne pas m’être appesanti sur cet apparent passif [rire]. Même si manifestement ceux qui ont vécu cette période l’ont encore en mémoire, ce n’est en rien un frein à la construction d’IP Paris et à l’établissement de liens avec l’Université de Paris-Saclay.
- Au-delà de votre inscription dans le pôle IP Paris, comment envisagez-vous celle dans l’écosystème Paris-Saclay, avec ses deux pôles académiques, mais aussi ses entreprises, ses start-up, etc. ? Le connaissiez-vous d’ailleurs avant l’intégration de votre école à IP Paris ?
A.B. : Je connaissais le plateau de Saclay du temps de mes années de scolarité à Polytechnique, entre 2000 et 2003. Puis, je suis parti faire comme je l’ai dit, une carrière dans l’aménagement, l’urbanisme, loin de territoire. Je n’y étais pas revenu hormis une fois, il y a trois-quatre ans à l’occasion d’un amphi « retape » – j’intervenais devant des élèves susceptibles de choisir des corps d’Êtat. J’avais le sentiment d’un territoire en plein bouleversement. Les frontières de l’école Polytechnique avaient totalement disparu. Quelque chose d’inimaginable du temps de ma scolarité … J’y suis revenu plus régulièrement pour faire avancer le projet d’intégration.
- Et alors ?
A.B. : J’ai eu l’impression de naviguer au milieu de chantiers sans plus de repères. Depuis, au fil de mes allées et venues, je me suis approprié le territoire, a fortiori quand j’ai commencé à me rendre non plus seulement à Polytechnique mais dans les autres écoles d’IP Paris…
- Toutes accessibles à pied…
A.B. : En effet. Une expérience à laquelle j’aime me livrer quand je viens sur le plateau, consiste à garer ma voiture dans un des parkings du campus puis à arpenter le campus à pied. J’ai plaisir à voir les étudiants qui vont et viennent. Pas de doute : c’est un campus où la vie commence à prendre. Rien à voir avec mon expérience du territoire du temps de mes années.
À mon époque, le principal axe de déambulation des Polytechniciens, était celui qui reliait les « caserts » (logements des polytechniciens) au Grand Hall (bâtiment central). Non sans humour, nous avions coutume de l’appeler le« couloir de la mort » [rire].
En déambulant désormais ici, j’ai la sensation de ne pas être loin d’un campus nord-américain, pour l’expérience que j’ai pu en avoir – j’ai fait ma dernière année de thèse à l’université de Toronto, au Canada Il suffit de tendre l’oreille pour se rendre compte à quel point le campus de Paris-Saclay s’est internationalisé. Même si, bien évidemment, l’anglais domine, vous pouvez entendre bien des langues étrangères. Une réalité qui m’enchante !
- Il reste que l’échelle de ce campus, réparti sur plusieurs quartiers, est exceptionnelle. D’aucuns peuvent la considérer comme problématique sauf à convoquer de nouveau Pierre Veltz et ce qu’il suggère à propos de l’échelle métropolitaine, à savoir qu’elle est une échelle naturelle pour des dynamiques de recherche et d’innovation, dans le contexte de mondialisation…
A.B. : D’un côté, je souscris à ce que vous venez de dire : vu de Shanghai ou d’une autre grande métropole mondiale, l’écosystème Paris-Saclay s’inscrit dans le Grand Paris. D’un autre côté, je ne parviens pas encore à une appropriation complète du campus tant il est effectivement vaste et morcelé. Je peine à percevoir les liens organiques pouvant exister avec certains établissements de recherche et le reste de l’écosystème. Nul doute cependant que l’arrivée de la ligne 18 changera la donne, en facilitant les connections d’un quartier à l’autre.
- Avant de clore cet entretien, précisons que son projet a émergé lors de notre rencontre à l’occasion de la cérémonie organisée en l’honneur d’un de vos éminents professeurs, l’historien de l’architecture et du design Antoine Picon, qui a fait valoir ses droits à la retraite. Cérémonie que vous introduisiez. Je ne résiste pas à l’envie de recueillir votre témoignage sur cette personnalité dont le dernier ouvrage, Natures urbaines, renouvelle l’approche de la renaturation des villes en montrant qu’elle ne peut s’envisager sans le recours à de l’ingénierie, à même de réconcilier le monde de la technique avec celui du vivant…
A.B. : Nous souhaitions bien plus qu’une simple cérémonie : prendre le temps de revenir sur les différents apports d’Antoine à travers notamment une succession de tables rondes auxquelles étaient conviés des intervenants de différents horizons disciplinaires et professionnels : architectes, urbanistes, paysagistes, etc. Car, à l’ENPC, nous portons haut et fort l’idée que la science, la technologie doivent dialoguer avec les sciences humaines et sociales. Un dialogue qu’Antoine incarne à merveille à travers les travaux qu’il a menés durant quarante ans. Quant aux enjeux de la nature et du vivant, il est majeur. Toute école d’ingénieur que soit l’ENPC, nous ne pouvons l’ignorer : le monde de la construction et des infrastructures linéaires est frappé de plein fouet par les problématiques d’empreinte carbone et environnementale. Il nous faut donc réfléchir à ce que pourrait être une ingénierie qui prenne au sérieux le vivant, vrai enjeu de recherche aussi bien que pédagogique. Il ne s’agit pas de revenir en arrière, partir en quête d’une nature « perdue ». Il faut au contraire composer avec l’existant, être plus attentif aux externalités négatives et autre rétroactions. Le propos d’Antoine a d’autant plus de poids qu’il est ingénieur et architecte de formation, devenu au fil du temps historien. Il sait parler aux ingénieurs tout en les ouvrant à d’autres approches, d’autres visions qui ont pu être portées par le passé, y compris dans le rapport au vivant. Des perspectives dont les écoles d’ingénieur ont besoin. A fortiori quand elles sont implantées dans un territoire comme celui-ci, qui a conservé une forte composante naturelle, agricole et forestière.
Si beaucoup de nos élèves font preuve d’une étonnante maturité par rapport à ces enjeux, d’autres sont encore d’abord soucieux de développer leurs compétences dans les sciences de l’ingénieur, ce dont nous ne pouvons pas leur faire le reproche. Nous essayons donc de les ouvrir aux enjeux sociaux, politiques, de la science et des techniques, à travers des enseignements comme ceux d’Antoine. À défaut d’en voir des résultats immédiats, j’ai la conviction que nous semons des graines qui finiront par provoquer une réflexion critique dans leur tête bien faite.
Une école d’ingénieur s’expose encore à être taxée de techno-solutionnisme, sinon de déni. Ce n’est pas rendre justice à la réalité de nos enseignements. Il reste que nous ne croyons pas qu’il faille faire table rase du passé. Les solutions qu’appelle le contexte de changement climatique exigent de prendre la mesure de la complexité des problèmes. Un tiers de nos enseignements sont assurés par des ingénieurs actuellement en poste en entreprise. Naturellement, ils sont fiers de pouvoir défendre ce qu’ils y font. Mais ce sont des ingénieurs qui se posent aussi des questions. Personnellement, j’aime à penser que les discussions, les controverses, qu’on autorise dans nos salles de classe, ne font que nourrir cette nécessaire réflexion critique.
- Non sans renouer avec une réalité ancienne : quand on se plonge dans les archives, l’histoire de ces grandes écoles d’ingénieur, pour beaucoup d’entre elles presque ou plus que centenaires, force est de constater que le monde de l’ingénierie a déjà été traversé par ces débats touchant à des enjeux de société. Qu’on songe au génie urbain, qui a été une réponse notamment aux préoccupations hygiénistes suscitées par les villes du XIXe siècle…
A.B.: Je suis d’autant plus sensible à cette remarque que je ne cesse de convoquer le passé pour éclairer le présent. La force de nos grandes écoles est justement d’avoir une longue histoire dans laquelle il suffirait presque de se plonger pour retrouver trace d’innovations techniques ou de sujets de préoccupation revêtant une grande actualité. Un exemple parmi d’autres, rapporté par un ami : la pratique du dessin dans les cours donnés aux débuts de l’ENPC : des dessins d’ouvrages d’art, mais aussi de paysages. Car, le saviez-vous, à l’ENPC, on apprenait aux futurs ingénieurs à dessiner des arbres et d’autres plantes ? Et ce, pour une raison simple : le moindre végétal observé dans un paysage dit quelque chose de la composition et de la qualité d’un sol. Une information de la plus grande importance pour des ingénieurs soucieux de construire les ouvrages d’art les plus sûrs. Une ingénierie de l’intelligence de l’environnement que nous devonsremettre au goût du jour et nous réapproprier !
Journaliste
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