De nouveaux espaces de créativité pour de nouveaux emplois. Entretien avec Bernard Monnier
Entretien avec Bernard Monnier
Suite de nos échos au colloque d’Ile de Science sur « les nouveaux espaces de la créativité », à travers, cette fois, le témoignage que Bernard Monnier, président de l’association MIM et co-organisateur de DRIM’in Saclay, a bien voulu nous livrer sur le vif, avant d’intervenir à son tour.
– Vous vous apprêtez à intervenir dans le cadre du colloque sur les nouveaux espaces de la créativité. En quoi cette problématique vous intéresse-t-elle ?
Bernard Monnier : Elle m’intéresse beaucoup car elle est une manière de répondre à un enjeu qui me paraît majeur pour le Plateau de Saclay : l’emploi ! D’importants investissements ont été réalisés pour enrichir cet écosystème. Il s’agit maintenant de concrétiser tout cela en créant de la valeur et, donc, des emplois. C’est en tout cas l’enjeu qui me motive. Si je m’implique autant dans l’innovation, ce n’est que pour cela : stimuler la croissance et renforcer l’attractivité du territoire pour générer les emplois de demain, dont nous avons besoin pour nos enfants. Mon intervention ne portera d’ailleurs que sur cela, la manière de passer des paroles aux actes : il n’est plus temps de dire ce qu’il faut faire, mais d’agir.
– Créer les emplois de demain, c’est l’enjeu que vous aviez déjà pointé lors du premier entretien que vous m’aviez accordé [pour y accéder, cliquer ici]. Mais en quoi les nouveaux espaces de la créativité permettent d’y répondre ?
On n’innove plus aujourd’hui comme on innovait il y a encore quelques années. Si elles veulent innover, les entreprises ne peuvent plus s’en tenir aux seules ressources dont elles disposent en interne. Il leur faut apprendre à exploiter des ressources externes à travers de nouvelles formes de coopération avec leurs fournisseurs (c’est l’ancien responsable des achats d’un grand groupe industriel qui s’exprime), mais aussi les autres acteurs de leur écosystème. Ce qui passe notamment par de nouveaux espaces, des lieux où les créateurs de valeur peuvent se rencontrer, prendre le temps d’échanger, ne serait-ce que pour s’assurer qu’ils ont une vision commune de l’innovation. Rien ne sert de promouvoir l’innovation ouverte, si les partenaires croient partager la même vision alors qu’en réalité leur partenariat se fonde sur un malentendu. S’assurer qu’ils partagent la même vision, c’est l’enjeu de la méthode MIM que j’ai mise au point et dont nous avons parlé lors du précédent entretien.
– En quoi le digital change-t-il la donne dans la manière d’envisager cette innovation plus ouverte ?
Le digital, c’est d’abord des capacités accrues dans la récolte des données. Mais rien ne sert de recueillir des données si on ne réfléchit pas aux usages et aux business qu’on peut développer à partir de ces données. C’est de la réflexion sur les usages que pourront émerger les futurs BlaBlaCar et autres licornes.
– Mais dans quelle mesure appelle-t-il de nouveaux espaces de créativité ?
Une chose paraît certaine : le digital appelle l’émergence de nouvelles formes d’organisations plus ouvertes, ainsi que l’a bien illustré Albert Meige au cours de son intervention [pour en savoir plus, cliquer ici]. Encore une fois, les entreprises ne peuvent plus s’appuyer sur leurs seules ressources internes. Elles doivent s’ouvrir pour coopérer avec des acteurs extérieurs : leurs fournisseurs, mais aussi des start-up ou d’autres formes d’entreprises innovantes, sans oublier les laboratoires académiques et des institutions spécialisées dans l’accompagnement de l’innovation.
– Est-ce à dire que même à l’heure du numérique, l’innovation passe par la conception de nouveaux espaces de rencontre tout à la fois physique et virtuel ?
Oui, bien sûr. Il importe que ces acteurs se rencontrent régulièrement. C’est d’ailleurs la vocation de l’événement que j’ai créé avec la CCI de l’Essonne, DRIM’in Saclay et dont la 3e édition se déroulera les 13 et 14 juin prochain. Concrètement, il vise à faire le lien entre de grands comptes et de jeunes entrepreneurs innovants. Pour l’heure, DRIM’in Saclay est centré sur les problématiques énergétiques. Rien ne devrait empêcher de décliner l’événement sur d’autres thématiques : les transports (même si elle recoupe celle de l’énergie), la santé, etc. Dans mon esprit, le défi reste le même : passer des discours aux actes, en traduisant l’innovation par de la création d’emplois.
– Dans quelle mesure l’écosystème de Paris-Saclay est-il en mesure de répondre à ce défi de création d’emplois ?
Pour répondre à votre question, permettez-moi d’utiliser une image, que j’utiliserai d’ailleurs au cours de mon intervention : le projet de Paris-Saclay, je le vois comme un… gros et beau gâteau. Ce qui suppose, donc, des ingrédients, un chef, une recette et des ustensiles. Aujourd’hui, les ingrédients, existent. De même que les ustensiles. Cela a pris des années à les réunir, mais ils sont bien là – à Paris-Saclay, les idées innovantes ne manquent pas, de même que les lieux d’incubation ou de valorisation, etc. Et ce n’est pas fini : d’autres établissements vont nous rejoindre (l’ENS Paris-Saclay, CentraleSupélec…) ; l’accessibilité va être améliorée par de nouvelles infrastructures de transport, dont la ligne 18 du Grand Paris Express. En revanche, ce qui manque c’est le chef et peut-être surtout la recette. DRIM’In Saclay en propose donc une, inspirée de la méthode MIM, que j’ai mise au point pour évaluer l’innovation de façon à en créer une vision partagée.
– Nous aurons l’occasion de revenir à cet événement, lors d’un prochain entretien. Mais d’ores et déjà, pouvez-vous préciser les éventuels changements par rapport aux éditions précédentes ?
Cette année, Drim in Saclay s’appuie sur pas moins d’une dizaine de partenaires couvrant un large spectre de secteurs d’activité. Aux acteurs dont le cœur de métier est l’énergie se sont ajoutées des organisations comme, par exemple, Safran, Carrefour ou encore Transdev. Autre nouveauté : notre volonté de renforcer les liens avec le monde de la recherche en impliquant davantage les doctorants. Dans cette perspective, nous proposons aux grands comptes de redéfinir les défis sous forme de questions de recherche, que nous proposerons aux doctorants des établissements d’enseignement supérieur présents sur le Plateau de Saclay, à travers, notamment, l’association Synapse. Les résultats seront présentés lors de l’édition suivante, de 2018 donc, ce qui signifie que les candidats disposeront d’une année pour traiter d’un défi ainsi transformé en question de recherche. Une session sera dédiée au reporting de leurs travaux.
– A vous entendre, on mesure à quel point DRIM’in Saclay est un nouvel espace/temps de la créativité…
(Rire) C’est tout à fait cela ! Les nouveaux espaces de la créativité peuvent s’incarner à travers des lieux tangibles, mais aussi des moments, des événements. Etant entendu que nous accordons beaucoup d’importance à ce qu’il en sort quelque chose en termes de création de valeur et, donc, d’emplois. Ma préoccupation principale, comme vous l’aurez compris !
A lire aussi le témoignage de Bruno Leprince-Ringuet, vice-président d’Ile de Science et directeur du centre de recherche Paris-Saclay d’Air Liquide (cliquer ici) et les entretiens réalisés en amont du colloque d’Ile de Science sur les nouveaux espaces de la créativité avec Laure Reinhart (cliquer ici), Jakob Puchinger (cliquer ici) et Albert Meige (cliquer ici).
Journaliste
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