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Entrepreneuriat innovant

De l’IA au service d’une gestion maîtrisée des projets.

Le 3 janvier 2019

Suite de nos échos à la 5e édition des Smart Days à travers le témoignage de Milie Taing, la fondatrice de Lili.ai, une start-up qui a l’ambition de mettre l’IA au service d’une gestion de projets mieux maîtrisée.

– Si vous deviez pour commencer par expliquer l’usage que vous faites de l’IA ?

Il découle d’un constat : la plupart des projets d’infrastructures voient leur budget initial dépassé, ce que savent pertinemment d’ailleurs les parties prenantes – maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre – au moment même où elles s’accordent sur un montant. La principale raison invoquée tient à la survenue d’aléas qu’on ne peut par définition prévoir : des accidents et des pannes, un mouvement de grève ou encore un terrain qui révèle des surprises – un plus grand degré de pollution que prévu, par exemple. Mais tous ces aléas ne sauraient suffire à expliquer tous les dépassements de budget : une bonne part tient aussi à des difficultés rencontrées au niveau de la gestion même du projet du fait de la masse d’information produite et de rapports compilés, leur exploitation dépassant les capacités cognitives humaines. Les grands comptes sont les premiers concernés par ce problème car ayant plus d’intervenants à coordonner, ils ont plus de données à traiter. Notre solution vise donc à anticiper les difficultés en appliquant les techniques de l’IA à la gestion de projets.

– En quoi consiste-t-elle ?

En une assistance virtuelle spécialisée dans la gestion de projets. Dans un premier temps, elle permet d’effectuer un suivi automatique des actions, de compiler les comptes rendus de réunions, de produire une reporting des décisions et décisions. Le but ultime étant l’auto apprentissage, en guidant les entreprises grâce à des techniques de machine learning appliqué à l’expérience accumulée.

– En quoi consiste votre modèle économique ? Vous rémunérez-vous sur les économies que vous parvenez à faire réaliser à vos clients ?

Non, pas exactement. Dans un premier temps, nous nous rémunérons en mettant à disposition un service outillé permettant à nos clients d’analyser leurs archives projets, notamment dans le cadre de retour d’expérience, une assistance à la préparation de réclamations fournisseurs / clients et de dossiers sensibles. La rémunération se fait alors au service. Dans un second temps, nous mettons à disposition une plateforme sur laquelle nos clients peuvent indexer ces informations. La rémunération se fait cette fois au nombre d’utilisateurs. Les informations étant mieux saisies, cette plateforme dispose d’un set d’apprentissage lui permettant de détecter des anomalies dans la conduite du projet

icono Milie Taing mages– Quelles compétences avez-vous eu besoin de réunir pour concevoir Lili.ai ?

Pour ma part, je suis diplômée de l’école EM Lyon en gestion de projets et contrôle de gestion. Pour l’heure, le reste de l’équipe est composée pour l’essentiel de programmeurs et Data scientists. Nous avons par ailleurs la chance d’être accompagnés par le corps professoral de Polytechnique, notamment en traitement automatique du langage. Grâce à lui, nous sommes parvenus à figurer dans la liste des 30 finalistes mondiaux d’un X-Prize dédié à l’IA. Pour mémoire, X-Prize est une compétition lancée par la fondation du même nom, consistant à mettre au défi des équipes techniques et scientifiques du monde entier, d’imaginer, sur une thématique donnée, des développements technologiques à même de permettre des « percées radicales pour le bienfait de l’humanité ». Notre solution s’inscrit bien dans cette ambition : en réduisant de 30% (l’objectif que nous nous sommes fixés) les surcoûts de projets d’infrastructures (aéroports, routes, centrales de production d’électricité,…), elle permet de lancer d’autres projets qui, en l’état actuel des choses, sont irréalisables faute de financements.

– Où en êtes-vous dans le développement de votre solution ?

Nous avons la chance d’avoir pour clients de grandes entreprises du CAC 40, dans divers domaines : la construction, donc, mais aussi l’énergie et la défense. Ce qui nous a permis de prouver que l’IA avait un rôle à jouer dans la gestion de projets. Maintenant, nous cherchons des fonds pour avancer plus vite et plus loin dans le développement de notre solution en procédant notamment à des recrutements de compétences techniques, en gestion et commerciales.

– Vous avez évoqué le rôle du corps professoral de l’X dans le développement de votre projet. Qu’en est-il de l’écosystème de Paris-Saclay ? En quoi vous a-t-il été favorable ?

Il a été particulièrement favorable en étant notamment propice à des rencontres fortuites et néanmoins décisives. Je pense en particulier à M. Laurent Legendre, le Directeur Régional Ile-de-France d’Airbus Group, que j’ai rencontré à l’occasion d’un événement, en l’occurrence Paris-Saclay Invest [aujourd’hui Spring Paris-Saclay], qui avait été organisé il y a trois ans, à HEC. Les 5 mn de mon pitch avaient suffi à l’intéresser et convaincu, moi, de rester en France ! Car, à l’époque, je vivais encore à l’étranger. Je n’étais que de passage à Paris. Peu après, je me suis rendue sur le campus de Polytechnique, à l’occasion du Startup Weekend. C’est ainsi que j’ai fait une autre rencontre décisive : avec Matthieu Somekh [ex-directeur du Drahi-X Novation Center], qui m’a convaincue de développer mon projet au sein de son incubateur-accélérateur. C’est également lui qui m’a mis en lien avec le corps professoral de l’X avec le résultat que vous savez. C’est dire si l’écosystème a été favorable.

– Lili.ai pourrait-il un jour le quitter ?

Je suis dans le regret de dire que c’est déjà fait…

– Ah, mince alors ! Qu’est-ce qui vous y a incitée ?

La difficulté à recruter les compétences dont nous avions besoin. Ces compétences existent, mais il est difficile de les convaincre de venir jusque sur le Plateau de Saclay. Surtout quand elles sont des spécialistes qui ont le choix… Pour rester dans la compétition, nous avons donc dû nous résoudre à venir à Paris. Nous avons la chance d’être incubés à Agoranov…

– Preuve que vous n’avez pas rompu tout lien : votre présence, ici, au Tech The Future, dans le cadre des Smart Days, qui se déroule à Challenger – Bouygues Construction, lequel fait partie intégrante de l’écosystème Paris-Saclay…

Oui. Surtout, nous restons encore proches du corps professoral de l’X.

– Qu’est-ce qui vous a, personnellement, motivé, à investir ce champ de l’IA ?

C’est suite à une expérience fâcheuse que j’ai eue du temps où je travaillais au Canada. Suite à des dépassements de coûts sur trois projets, mon entreprise fut contrainte à procéder à un plan social. Il y eut pas moins de 200 licenciements. Le fait de voir mes meilleurs amis partir avec un carton m’a profondément marquée. Lili.ai, je l’ai donc conçue comme un moyen d’éviter que cela ne se reproduise, que les projets puissent être menés à leur terme, sans surcoûts prohibitifs ni dans des tensions permanentes.

– Reste que nous sommes ici en France. Ne vous heurtez-vous pas à des différences culturelles dans la manière de gérer des projets ?

C’est vrai qu’il y a des différences de culture, mais aussi des a priori. Personnellement, mes sept années d’expérience à l’étranger ne m’avaient pas incitée à revenir en France ! Finalement, c’est dans ce pays que j’ai trouvé l’écosystème qui a permis à Lili.ai de voir le jour. Je dis cela sans chauvinisme aucun ! Si on m’avait dit un jour que je me lancerais un jour dans un projet innovant en France, je ne l’aurais pas cru. C’est pourtant ce qui s’est passé. C’est ici que j’ai rencontré ma première collaboratrice qui, au début, a accepté de travailler, ses week-ends, pour sortir les prototypes. Il n’a pas été difficile ensuite de convaincre des patrons du CAC 40 à soutenir mon projet – nous avons en particulier reçu un prêt d’Airbus Group. On ne le dira pas assez : en France, on a beaucoup de chance pour mener à bien un projet entrepreneurial. Nous y comptons beaucoup de chercheurs de très bon niveau que ce soit à Polytechnique, à Inria, au CNRS,… Des chercheurs qui ont fait le choix du service public tout en étant prêts à soutenir la création de start-up. C’est magnifique !

A lire aussi le récit que nous avons fait de l’événement (pour y accéder, cliquer ici) et l’entretien avec Jean-Luc Laurent, le directeur des Activités Big Data chez Segula Technologies, qui revient sur l’apport de l’intelligence artificielle dans les métiers de l’ingénierie (cliquer ici).

Publié dans :

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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