Entretien avec Charles Cosson
Une fois n’est pas coutume, c’est à un autre titre que celui de directeur du Pôle Paris Saclay à la Terrasse Discovery +x by Banque Populaire Val de France que nous avons interviewé Charles Cosson : celui de membre du bureau de Dynamique Embauche, une structure d’insertion par l’activité économique. Retour sur un engagement qui remonte au moins à l’adolescence avant d’être réactivité par un séjour au Brésil sur des airs de Caprera (1)…
- Comment en êtes-vous venu à rejoindre le bureau de l’entreprise d’insertion par l’économique Dynamique Embauche ?
Charles Cosson : Tout commence par la rencontre avec David Besse, le directeur général de cette structure. Il figurait dans notre fichier de personnes pour lesquelles il nous semblait intéressant de développer des relations dans le cadre de l’écosystème Paris-Saclay. Car nous avons la conviction que celui-ci ne saurait être réduit à ses dimensions économiques, scientifiques et technologiques. Paris-Saclay, c’est aussi des enjeux sociaux, à commencer par la réinsertion de personnes éloignées de l’emploi.
La Terrasse Discovery +x by Banque Populaire Val de France organise pas moins d’une quinzaine d’événements par an, relatifs aux problématiques des entreprises. Début 2024, nous en avions organisé un sur l’IA générative en considérant qu’il convenait de s’y intéresser. Souvenez-vous, vous y étiez, c’était à l’occasion de nos vœux : nous avions sollicité Mathieu Crucq, directeur général de Brainsonic, venu nous expliquer comment il avait intégrée cette IA dans son activité publicitaire. David était venu. Il a découvert par là même occasion la Terrasse Discovery +x by Banque populaire Val de France ; l’ambiance conviviale lui a manifestement plu. Le fait est, notre objectif à Corinne [Rochemont] et moi-même, qui l’animons, est de travailler sérieusement sans se prendre au sérieux ! Par le choix de nos intervenants, tous plus inspirants les uns que les autres, nous veillons à ce que des sujets complexes soient accessibles au plus grand nombre. Toujours dans cet esprit, notre prochain événement devait porter [le 16 mai] sur la cybersécurité avec des interventions de représentants du Groupement de Gendarmerie départementale des Yvelines et de L’Essonne, et du RECyM qui réunit les réservistes du Réseau des Experts Cybermenaces de l’Office Anti-cybercriminalité de la Direction Nationale de la Police judiciaire.
Au passage, vous pourrez noter que nous faisons venir des spécialistes extérieurs à la Banque Populaire Val de France, ce qui témoigne de notre volonté de ne pas être dans une démarche exclusivement commerciale (en l’occurrence, pour les besoins de cet événement, c’est le service de la fraude qui est intervenu), car ce qui nous importe est de créer des opportunités de rencontres entre ceux et celles qui contribuent à l’écosystème au quotidien. Bref, la Banque Populaire Val de France entend manifester sa propre présence dans cet écosystème, et pas seulement par des financements, mais par l’apport d’expertises extérieures.
- Je peux témoigner au passage de ce que la Terrasse Discovery +x fonctionne à la manière d’un tiers lieu, davantage que comme une succursale. On peut y rencontrer des personnes d’horizons professionnels très variés, qui n’ont pas forcément l’habitude ou de lieux communs pour se côtoyer…
C.C. : « Tiers lieu » est la bonne expression ; et un tiers lieu que nous souhaitons aussi hybride que possible. Autant le reconnaître : ce n’est pas un lieu auquel nos collaborateurs travaillant dans des agences bancaires ont l’habitude ; ces mêmes collaborateurs ont de surcroît pour premier réflexe de considérer leurs interlocuteurs d’abord comme des clients potentiels… Or, il y a des enjeux – comme l’IA, la cybersécurité,… – auxquels il faut réfléchir en se confrontant à des regards extérieurs, au-delà de la seule relation commerciale. Ici, tout est conçu pour encourager une démarche plus collaborative. On n’y vient pas pour proposer des produits clés en main mais mieux appréhender les problématiques de dirigeants et cadres d’entreprises innovantes. À cet égard, me revient en souvenir la remarque d’un collaborateur venu faire un brainstorming une première fois avec un large public d’acteurs de l’éco-système : « C’est génial de pouvoir bosser avec des clients ! Ils apportent de bonnes idées ! » Il avait tout compris [rire].
La Terrasse Discovery +x by Banque Populaire Val de France , c’est une ouverture vers l’extérieur, de la mixité. On y dispose de salles de réunion et d’espaces de coworking pour travailler en toute confidentialité, mais à l’heure du déjeuner, on se mélange, on parle de ce qu’on fait… Quelque chose qui peut surprendre au début, car étrangère à cette exigence de confidentialité qui caractérise a priori l’univers de la banque. Évidemment, cette exigence reste d’actualité, mais la simple présence de notre directeur marketing, d’un directeur de cession/transmission ou encore de la direction de la communication permet aux professionnels qui viennent ici d’avoir des conversions plus informelles susceptibles de déboucher sur des opportunités. C’est cela qui, selon, moi, fait l’intérêt d’un tiers lieu comme la Terrasse Discovery +x by Banque Populaire Val de France.
- Pour en revenir à vous, qu’est-ce qui vous a prédisposé à vous engager dans le domaine social ?
C.C. : Cela fait longtemps que je m’y intéresse. Quelque chose que je dois probablement à mon père, qui était membre d’un Lions Club à Mantes-la-Jolie. A priori, une telle association évoque plutôt la bourgeoise locale et, de fait, ses membres ont des profils de cadres commerciaux, de chefs d’entreprise, etc. Adolescent, on m’a proposé de créer un Léo Club, Lions Club pour les jeunes. Il regroupait pour l’essentiel des enfants de membres du Lions Club, plus d’une trentaine. J’en fus le président fondateur – j’avais juste 18 ans ! Baptisé « Léo Par Mantes » (jeu de mots rires) mon club montait des opérations humanitaires. Je me souviens du départ émouvant du camion 4×4 d’envoi de vivres dans des régions du Sahel où sévissait la famine.
Bref, mon engagement social vient de très loin. Mon parcours de vie m’a contraint à le suspendre. Il en fut ainsi jusqu’à la perte d’un être qui m’était cher, mon épouse. Une perte qui m’a fait réfléchir sur le sens de la vie… Le travail et l’argent font-ils autant le bonheur qu’on le dit ? N’y aurait-il pas des choses plus importantes ? Au risque de surprendre, j’en suis venu à considérer que la vie ne valait que si elle allait de pair avec de l’Amour – avec un grand A – plutôt qu’avec l’argent avec un petit a… Une conviction qui était en réalité enfuie en moi depuis toujours en me prédisposant à aider autrui dès que l’opportunité se présenterait. En 2021, peu après le décès de mon épouse, j’ai créé Univerde and Co, une première association avec le groupe de capoeira Senzala de Saint Germain en Laye, qu’elle avait l’habitude de fréquenter. Sa vocation : réaliser des opérations en soutien des jeunes de moins de 26 ans pour leur bâtir un avenir à travers le sport, la culture, l’éducation, l’apprentissage. L’idée nous est venue suite à un voyage au Brésil que nous avions fait avec mon épouse quelques années plus tôt. Nous avions été à Siribinha, un petit village de pêcheurs, un des berceaux de la capoeira ; des maîtres de cette discipline y avaient créé une association pour aider des jeunes à créer sur place leur propre emploi. L’enjeu étant aussi d’enrayer l’exode rural et d’éviter que ces jeunes ne partent « à la ville » avec le risque de finir dans la drogue, la prostitution et/ou à faire les poubelles… Cette initiative nous avait beaucoup touchés, ma femme et moi.
Je me souviens aussi de m’être rendu dans un gymnase des plus rudimentaires avec juste des signes un peu cabalistiques en guise de décoration. À peine y avais-je pénétré que j’avais été comme traversé par l’énergie du lieu. Quelque chose de ouf ! Cela ne m’était jamais arrivé auparavant, sauf une fois peut-être, mais pas à ce point. C’était manifestement un signe. J’en suis reparti avec la conviction qu’il y avait quelque chose à faire avec ce village et son association. C’est ainsi que la nôtre a vu le jour quelques années plus tard.
- Où en êtes-vous dans son développement ?
C.C. : Autant le dire, comme bien d’autres associations, elle dispose de très peu de moyens. Nous collectons de l’argent à travers notamment des buvettes organisées lors de grosses manifestations de Capoeira. Les recettes collectées permettent de financer des opérations pour les jeunes du village de Siribinha, à commencer par la construction d’un foyer où les capoeiristes peuvent être hébergés et venir s’exercer à leur sport et exprimer leur philosophie de vie. Cette construction est l’occasion pour les jeunes d’apprendre des métiers – de plombier, de menuisier, etc. Nous avons également envoyé des vivres et des médicaments aux victimes du séisme intervenu en 2023 au Maroc. Une autre fois encore, en décembre 2023, un grand cabinet de conseils en entreprises avait organisé un concours d’intégration pour les jeunes cadres. Leur but : sa conception de sandwichs. Nous nous y sommes associés pour assurer leur distribution avec des structures d’accueils de SDF, à l’occasion d’un rendez-vous avec des associations d’aide et des maraudes en Ile de France. Pour ceux de vos lecteurs que cela intéresse, il est possible d’adhérer à notre association par l’intermédiaire d’HelloAsso, de nous suivre sur Facebook et Instagram. Si vous le permettez, j’aimerais partager un autre motif de satisfaction…
- Lequel ?
C.C.: J’ai quatre enfants. Tout en ayant hérité des traits de leurs parents, ils ont su enrichir leur personnalité de leur propre expérience de la vie. Et c’est très bien ainsi. En même temps, leur parcours a pu les conduire à recouper le nôtre. Par exemple, l’une de mes filles, Alice, a commencé sa carrière comme géomaticienne, quelque chose qui correspondait à son envie de travailler dans l’informatique et d’innover tout en étant sur le terrain. Jusqu’à ce qu’elle constate qu’elle ne s’y épanouissait pas et décide de bifurquer vers l’éducation spécialisée, dans le social, donc. Tout le mérite lui en revient. Mais je ne peux m’empêcher de constater que sa mère, pédiatre en PMI et moi lui avons transmis par imprégnation un engagement social. Ce qui, pourquoi ne pas le dire, me touche beaucoup.
Note
(1) Bien connu de nos lecteurs, Charles Cosson s’exprime ici sur des engagements personnels. Ses propos, tient-il à préciser, ne sauraient donc refléter l’expression des idées, politiques ou sentiments de son employeur.
Journaliste
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