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Aménagement & Architecture

Dans les coulisses de l’exposition Paris-Saclay, le futur en chantier(s).

Le 3 décembre 2014

Architecte et urbaniste, Michel Sikorski travaille pour le bureau d’architectes et d’urbanistes XDGA architecten qui, en association avec Floris Alkemade, intervient au sein du groupement Michel Desvigne sur le projet de Paris-Saclay. Il avait été chargé de l’exposition organisée autour de Paris-Saclay, dans le cadre de la Ve Biennale internationale d’architecture de Rotterdam, en 2012. Il fait partie de l’équipe à laquelle est revenu le soin d’organiser celle de Paris-Saclay, le futur en chantier(s), qui se déroule du 28 novembre au 20 décembre 2014 à la Maison d’architecture en Ile-de-France. Il a bien voulu nous faire entrer dans les coulisses.

– Quel intérêt représente pour vous la réalisation d’une telle exposition ?

Je fais partie du bureau d’architectes et d’urbanistes XDGA architecten qui, depuis quatre ans, en association avec Floris Alkemade, intervient au sein du groupement Michel Desvigne sur le projet de Paris-Saclay. Celui-ci constitue un véritable processus itératif, qui implique de savoir prendre du recul. Les occasions de prendre cette distance sont rares. L’organisation d’une exposition comme celle-ci en est une, au même titre que l’était l’édition du « guide illustré » en forme de livret noir que nous avions produit début 2011 et qui avait été aussi un temps de réflexion, mais aussi de synthèse et de représentation.

– L’exposition fait donc partie intégrante du projet Paris-Saclay ?

Oui. Un projet d’aménagement ne saurait se réduire aux constructions de bâtiments et d’infrastructures, ni même à ses programmes – bureaux, logements, et, dans le cas de Paris-Saclay, de grandes écoles, de laboratoires etc. C’est aussi une affaire de narration ou de récit, à partager avec l’ensemble des parties prenantes. Une exposition peut concourir à écrire ce récit. C’est en tout cas l’enjeu de « Paris-Saclay, le futur en chantier(s) ».

– Comment faire en sorte de ne pas pour autant raconter/se raconter des histoires ? Qu’entendez-vous au juste par « narration » ?

Par là, il faut entendre la mise en exergue de ce qui fait la particularité de Paris-Saclay par rapport à d’autres opérations d’aménagement. En l’occurrence, ce nombre incroyable d’établissements d’enseignement supérieur, de laboratoires, d’organismes de recherche, qui y sont déjà implantés ou qui s’apprêtent à rejoindre le Plateau de Saclay, pour constituer un campus urbain propice à l’innovation. Soit un projet qui est tout autant urbanistique que scientifique et économique. Car Paris-Saclay, ce sont aussi des entreprises et des startup innovantes. Seulement, comment communiquer sur un projet urbain d’une telle envergure ? A priori, il est plus simple de donner à voir un projet architectural qu’un projet urbain. Autant les outils de représentation de l’architecture sont standardisés (plans, coupes, maquettes, 3D , photos etc.), autant la représentation d’un territoire urbain en cours d’aménagement reste difficile. C’est particulièrement vrai dans le cas de Paris-Saclay. Quand on s’y rend pour la première fois, on ne sait pas forcément sur quoi poser son regard. On ne voit de prime abord que des champs balayés par les vents. Mais pour peu qu’on adopte le regard d’un scientifique, c’est bien d’autres choses qui se donnent à voir : des laboratoires, des lasers, de super ordinateurs, etc. Autant de choses qui ne sont pas forcément visibles aux communs des mortels encore peu acculturés à la science. Un acteur économique, un entrepreneur, donnerait à voir d’autres choses encore : des FabLab, des Incubateurs, etc.
Un de nos premiers partis pris a donc été de montrer toute cette richesse du territoire, aussi bien scientifique qu’économique, sans en oublier non plus la biodiversité.

– Comment avez-vous traduit concrètement cette intention ?

Dès le départ, nous avons privilégié des outils de représentation familiers aux architectes et aux urbanistes, soit ce qu’on connaît le mieux, mais sans nous en tenir aux seuls projets architecturaux ou urbanistiques. C’est ainsi que nous en sommes venus à réaliser une fresque éphémère de 18 mètres de long. Réalisée en polystyrène, elle représente par de hauts reliefs aussi bien des personnalités ayant contribué à l’histoire du territoire que des avancées scientifiques et même des éléments de la faune et de la flore locales. Une manière d’inscrire le projet de Paris-Saclay dans une profondeur historique tout en en restituant la richesse écologique.

– Dans quelle mesure cette scénographie vous a-t-elle été inspirée par le lieu même de l’exposition, la Maison de l’architecture en Ile-de-France ?

Il est clair que c’est lui qui nous a inspiré cette idée. C’est d’ailleurs la première fois que nous réalisons une telle fresque… A l’attention de vos lecteurs qui ne la connaîtraient pas encore, la Maison de l’architecture occupe un ancien couvent reconverti en un lieu qui accueille diverses activités (expositions, conférences, restauration…).

– Quel défi ce lieu vous a-t-il cependant posé ?

Représenter la complexité du projet, dans un espace relativement contraint. Rien que pour les projets d’aménagement, nous disposions d’une profusion de documents. Une mise en valeur exhaustive aurait exigé un espace cinq fois plus grand que celui disponible à la Maison de l’architecture ! Le challenge a donc été de faire entrer de nombreux éléments dans un endroit restreint. Une des solutions a consisté à concentrer les conférences et tables rondes sur les trois jours durant lesquels nous pouvions disposer de tout le site et d’utiliser ensuite la partie qui nous était allouée pour documenter ce qui s’était dit à cette occasion.

– Aurions pu imaginer cette exposition sur Paris-Saclay ?

L’organiser à Paris-Saclay nous aurait probablement privé d’un public parisien, compte tenu de la difficile accessibilité de ce territoire. A défaut donc de pouvoir les faire venir, c’est finalement Paris-saclay qui va à leur rencontre. Cependant, nous imaginons bien l’exposition se redéployer un jour sur le plateau… La fresque, par exemple, fonctionnerait très bien dans le hall moderniste de l’Ecole polytechnique.

– Et depuis Bruxelles, où est installée votre agence, comment percevez-vous Paris-Saclay ?

Vu de Bruxelles, Paris-Saclay est encore peu connu. Mais dans le milieu architectural, il suscite beaucoup de curiosité. C’est l’un des plus grands projets d’aménagement urbain en cours actuellement en Europe et, sur certains sujets comme la gestion de l’eau, il est déjà cité en exemple.

– Comparée à votre première exposition*, en quoi celle-ci diffère-t-elle ?

Par le changement d’échelle ! A la Biennale de Rotterdam, nous n’exposions qu’une maquette de travail, toute blanche et au 1 2000e. Deux ans plus tard, on a de quoi occuper tout un lieu avec de nombreux projets architecturaux sur le point d’être réalisés, et une maquette, toujours à la même échelle, mais deux fois plus grande et plus réaliste que la précédente.
Et puis autant à Rotterdam nous nous adressions à des professionnels, autant, cette fois, nous nous adressons au grand public. Cela correspondait à une demande de l’EPPS, le commanditaire : l’exposition devait parler du campus à venir à un public non nécessairement initié. Cependant, comme nous sommes à la Maison de l’architecture, fréquentée par des professionnels, nous avons été soucieux de répondre aussi à leur attente. Le défi a donc été pour nous de trouver un juste équilibre.

– Quand vous dites « nous », qui désignez-vous ?

L’exposition est le fruit de tout un travail d’équipe impliquant plusieurs compétences dont, pour ne citer qu’eux, mes collègues de XGDA : Lieven De Boeck, Elena Caruso, Arie Gruyters et Willem van Besien ; et bien sûr Martin Basdevant (de l’Agence Michel Desvigne) ; Kim Beirnaert, une graphiste flamande. A quoi s’ajoute une dizaine de sous-traitants dont WERK5, des maquettistes berlinois, une société de découpe par jet d’eau pour réaliser la fresque, des sociétés de construction d’échafaudages et d’emballages, etc. Sans oublier Dominique Boré et son équipe de la direction de la communication de l’EPPS.

– Depuis quand y travaillez-vous ?

Neuf mois. Autant donc qu’une gestation.

* Pour accéder à l’entretien que Michel Sikorski nous avait accordé à propos de la précédente exposition organisée dans le cadre de la Biennale de Rotterdam, en 2012, cliquer ici.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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