Le 4 avril 2019, le Théâtre de la Passerelle (Palaiseau) vous invite à une première présentation de Contes et décompte, le fruit d’un travail en résidence entre un écrivain, un comédien et une conteuse. Laquelle n’est autre que la conteuse palaisienne Sylvie Mombo. Elle nous en dit plus dans l’entretien qui suit.
– Vous nous donnez rendez-vous le 4 avril, pour présenter le fruit d’un travail mené en résidence. De quoi s’agit-il ?
Avec le comédien Vincent Barraud [sur la photo], je présenterai Contes et décompte, une pièce écrite pour nous par l’écrivain algérien Slimane Bénaïssa. Elle met en scène deux personnages : un comédien et une conteuse, qui sont en train de répéter un projet de spectacle. Rien que de plus ordinaire a priori. Sauf que cette répétition prend un chemin inattendu, le comédien ayant tendance à freiner des quatre fers. Ce spectacle ne lui dit finalement rien. Il remet tout en question : l’intérêt des fables et des contes, ensuite leur relation à lui et à elle, ou encore le montage du projet que ce soit dans son aspect matériel, technique ou financier. Mais à chaque fois qu’il questionne quelque chose, il dévoile en réalité une facette de sa personnalité, ses manques, ses blessures. Il en va de même avec la conteuse, qui se révèle également dans ce duel, même si c’est de manière différente : les deux personnages n’ont pas le même caractère. Sans compter que l’un est un homme, l’autre, une femme, que le premier est un blanc, la seconde, une noire…
– A vous entendre, c’est une pièce qui aborde des sujets graves. Y a-t-il place cependant pour l’humour ?
Des sujets graves ? Je dirai plutôt des sujets sérieux. Cela étant dit, la pièce a aussi les couleurs d’une comédie. Et c’est tout le talent de l’auteur que de parvenir à concilier les deux. Plusieurs passages ne manqueront pas d’ailleurs de faire rire ou sourire.
– C’est aussi une pièce qui, paradoxalement, chante les vertus du conte…
Et c’est aussi en cela qu’elle est intéressante. Elle traite du conte, mais au prisme du théâtre. Même si un comédien et un conteur s’inscrivent dans les arts de la parole et du récit, il relève de disciplines qui, pour être cousines, n’en sont pas moins différentes – un comédien ne recourt pas aux mêmes techniques qu’un conteur pour être en scène, interagir avec le public.
– Dans quelle mesure vos interprétations restent des jeux de composition ? Vous reconnaissez-vous pleinement dans le personnage de la conteuse ?
De fait, le personnage de la conteuse me ressemble à bien des égards. Pour autant, je ne l’épouse pas complètement. Il y a des dissemblances. Elle dit des choses que je ne dirais pas, en tout cas pas comme cela. Mais j’aime bien sa façon de défendre son projet. C’est un personnage très volontaire, qui sait à qui elle a affaire – une personne qui fait du théâtre et qui, de surcroît, est un homme !
– Comment s’est faite la rencontre avec le comédien (le vrai !) et l’auteur ?
Tout cela est une affaire de territoire. J’habite à Palaiseau tandis que Vincent vit à Massy, où Slimane vit aussi entre ses nombreux voyages. Les deux avaient déjà travaillé ensemble, à plusieurs reprises, notamment auprès d’associations locales pour donner à entendre des paroles d’habitants, sur leurs parcours de vie – des paroles mises en texte par Slimane, que Vincent donnait ensuite à entendre dans le cadre de spectacles. Parmi eux, l’un avait pour titre Et si on parlait d’Afrique ! Il n’a fait que conforter mon désir de travailler avec Vincent. Nous avons imaginé « Duo à fables », un affrontement ludique et complice autour de fables, mais que nous n’avons pas eu vraiment l’opportunité d’exploiter, si ce n’est qu’à de rares occasions. Nous sentions qu’il y manquait quelque chose, qui légitimerait ce parti pris de raconter des fables et le choix de celles-ci plutôt que d’autres. Il nous fallait adopter un point de vue, qui puisse entraîner facilement le spectateur dans un récit articulant les fables les unes aux autres. C’est ainsi que j’ai suggéré de travailler avec cet auteur dont Vincent me parlait si souvent et dont j’avais pu voir un aspect du travail.
– Comment s’est passé ce ménage à trois et si éclectique puisque réunissant un comédien, une conteuse et un auteur ?
Effectivement, cela n’allait pas forcément de soi. De fait, il y a eu des zones d’achoppement (rire). Mais rien que de plus normal : chacun à notre façon, nous sommes des « solitudes » qui nous rencontrions. Même s’il m’arrive de faire des racontées en duo avec un musicien, le plus souvent j’interviens seule. De même que Vincent : c’est un comédien qui s’adonne plutôt aux textes au long cours et seul en scène et ce, depuis des années. Quant à Slimane, comme tout auteur, il se confronte seul à l’écriture avant que le texte ne rencontre ses lecteurs ou, comme ici, des interprètes. Trois solitudes, donc, ce qui suppose de savoir s’écouter et se regarder les uns les autres, de faire montre aussi de patience.
– Trois solitudes qui se sont donc rencontrées à l’occasion de ce projet qui a été mené dans le cadre d’une résidence. Pouvez-vous préciser en quoi consiste ce dispositif et son intérêt pour les artistes ?
Cette année, la Directrice des Affaires culturelles de la ville de Palaiseau, Carole Bannier, a mis au point un dispositif intitulé « Sur le pont ». Il consiste à proposer à des compagnies qui sont peu subventionnées, de bénéficier du plateau du Théâtre de la Passerelle, et d’un budget pour amorcer leur projet. Le nôtre a donc été retenu dans ce cadre. En contrepartie, nous devions donner à voir tout ou partie de ce que nous avions produit durant le temps passé dans ce lieu. C’est ce que nous ferons donc le 4 avril, qui constitue ce qu’on appelle une « sortie de résidence ». Nous aurions pu nous en tenir à une lecture, enrichie d’une discussion avec le public. Nous avons pris le parti de parachever cette résidence en montrant l’intégralité de la pièce. L’entrée est gratuite – il faut juste s’inscrire*. Une autre manière de rendre ce qui nous a été donné pour mener à bien notre projet. Précisons que nous avons aussi bénéficié du soutien de l’Opéra de Massy et du Théâtre de Longjumeau qui ont mis à disposition leurs auditoriums respectifs. Que ces deux institutions en soient également remerciées.
– « Parachever », avez-vous dit. Etant entendu que cette sortie de résidence peut être aussi le point de départ d’une tournée…
Oui, bien sûr. La vocation d’un spectacle, c’est de tourner. C’est dire si les retours du public qui viendra nous voir le 4 avril, nous seront précieux pour ajuster le spectacle, le bonifier. C’est précisément ce qui fait l’intérêt d’un travail en résidence.
* Contes et décompte, Théâtre de La Passerelle, le 4 avril, à 20 h.
Réservation : 01 69 31 56 20 (du mardi au vendredi).
Journaliste
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