Rencontre avec Dina Gnichi, fondatrice de Cloven
Cette année plus que jamais, TEDxSaclay a été un accélérateur de rencontres sérendipiennes. Illustration avec Dina Gnichi, qui participait au Village Innovation : ingénieur en science des matériaux et danseuse, elle s’est lancée dans la création de Cloven, une start-up destinée à améliorer le bien-être des femmes au quotidien notamment durant leurs activités sportives. Elle témoigne ici des circonstances qui l’ont conduite à s’embarquer dans cette aventure entrepreneuriale.
- Vous avez créé une start-up, Cloven, qui propose une gamme de sous-vêtements protégeant contre les effets de la transpiration. Comment en êtes-vous venue à développer cette solution ?
Dina Gnichi : Je suis ingénieur en science des matériaux. Mais il se trouve que je suis aussi danseuse. À ce titre, j’ai été confrontée à des problèmes d’inconfort avec les sous-vêtements en coton dont la rigidité est source de gêne dans ma pratique sportive, tandis que les matières synthétiques avaient tendance à garder la transpiration, les odeurs en plus de constituer un impact négatif sur la santé et l’environnement… C’est comme cela que j’en suis venue à l’idée de concevoir de la lingerie sportive adaptée aux pratiques mêlant performance et souplesse, telles que la danse. Cette lingerie est fabriquée à partir de Tencel™, une fibre d’eucalyptus réputée pour ses propriétés respirantes, hypo-allergéniques et écologiques.
Elle est en cela une alternative aux matières communément utilisées dans l’industrie de la mode connues pour leur impact négatif sur le plan sanitaire et environnemental (coton, polyester, polyamide, viscose…) .
- Où en êtes-vous dans le développement de Cloven ?
D.G.: La collection comprend différents types de sous-vêtements – bralette, legging et lady boxer. Sa commercialisation débutera en septembre-octobre de cette année. Une soirée de lancement sera programmée à cette occasion sous la forme d’un défilé dansant – une première ! Les personnes qui souhaitent être tenues informées peuvent déjà se rendre sur le site cloven.fr.
- Avec qui vous êtes-vous lancée dans cette aventure entrepreneuriale ?
D.G.: Fondatrice, je suis la seule capitaine à bord, mais entourée de trois mentors, issus du réseau Moovjee dont je suis ambassadrice, et de l’incubateur Live for Good, mais aussi de plusieurs ambassadrices, dont des championnes – d’escrime, de judo,… -, sans oublier mon club de danse mobilisé pour défendre les couleurs de la marque.
- Qu’est-ce qui vous a prédisposée à vous lancer dans une démarche entrepreneuriale ? Un ou des parent.s entrepreneur.s ?
D.G.: Non, pas du tout. Ma mère et mon père sont tous deux enseignants. En revanche, du côté de mes grands-parents, certains ont tenu un commerce, créé leur société.
Avec le recul, je m’aperçois que l’entrepreneuriat coulait de source pour ce qui me concerne, du fait de ma propension à vouloir, depuis toute petite, être leader ! La déléguée de classe, c’était forcément moi. Dans les sports collectifs, la capitaine, qui porte l’équipe, c’est encore moi. Il y avait donc quelque chose de naturel à créer une start-up et à la diriger. A contrario, j’avais le sentiment qu’une carrière de petit rat de laboratoire ne correspondait pas tout à fait à ma personnalité. Il y manque une dimension créative. Elle est finalement bien présente dans Cloven, dont les produits sont innovants.
- Vous avez participé au Village Innovation de TEDxSaclay. Comment s’est faite la connexion avec lui ?
D.G.: Je m’étais rapprochée du Réseau Entreprendre, ce qui m’a permis de faire connaissance avec Kamel Nourine, Consultant Formateur Développement Commercial, par ailleurs bénévole au Pôle Village Innovation de TEDxSaclay. Il m’a aussitôt suggéré d’y participer. Voilà comment je me suis retrouvée parmi les exposants. Un exemple de sérendipité, ce me semble…
- Parfaitement ! Quel bilan tirez-vous de ce Village Innovation et du reste de la journée à laquelle vous avez participé en assistant à la conférence TEDxSaclay ?
D.G.: Depuis que j’ai créé Cloven, j’ai l’impression que la chance me sourit, à travers ces rencontres fortuites comme celle avec Kamel Nourine. Beaucoup des speakers l’ont suggéré chacun à leur manière : la chance sourit aux audacieux. Jusqu’alors, j’avais l’impression de n’être vouée qu’à la malchance. Pourquoi ? Je pense le savoir désormais : je n’étais tout simplement pas à ma place. À partir du moment où j’ai fait le choix de donner une autre orientation à ma vie, en assumant qui je suis, les choses se sont mises à s’imbriquer naturellement, à commencer par ma rencontre avec mes mentors et mes ambassadrices.
- Au fait, pourquoi Cloven ?
D.G.: Cloven est inspirée de la feuille de trèfle « clover » qui représente la chance, mais aussi de la fleur de girofle qui symbolise la force et la sensualité. Et puis dans cloven, on peut entendre clivage, clivant… Soit un trait de ma personnalité, du fait de ces aspirations en apparence contradictoires entre science et danse, corps et esprit, créativité et logique, etc., et dont j’ai essayé de faire le moteur de ma démarche d’innovation entrepreneuriale.
- Expliquez-vous…
D.G.: Au prétexte que j’avais fait des études scientifiques, on valorisait mon esprit logique. En revanche, mon appétence pour la création n’était guère prise au sérieux ; on y voyait juste une marque de fantaisie… Pourtant, l’esprit, à force de chercher à être rationnel, finit par atteindre des limites, une sorte de plafond de verre. J’ai alors cherché à repousser les limites, à me situer à la frontière, en pratiquant la danse. Pour autant, celle-ci ne me comblait pas totalement. Certes, elle permet à ma créativité de s’exprimer sur un plan artistique, à travers une expression plus corporelle que cérébrale. Mais c’était au détriment de cet esprit logique auquel je tiens encore, car lui aussi est propice à l’innovation. N’y avait-il donc pas moyen de fusionner les deux aspects, de me positionner dans ce clivage pour ne plus avoir à choisir entre logique et créativité, ni entre la force, recherchée dans le sport, et une féminité assumée ?
- Pourtant, il me semble que c’est moins de clivage que d’ambivalence dont vous faites preuve, cette capacité à tenir ensemble des aptitudes, des compétences, que tout semble opposer…
D.G.: Je vous entends, mais je continue à tenir à cette notion de clivage. Pourquoi ? Parce que tout au long de mon parcours, c’est à cela que j’ai été confrontée : aux préjugés sur les filles au regard des sciences (pour lesquelles elles seraient moins faites que les garçons). Tant et si bien que durant mes études scientifiques, en science des matériaux, qu’on associe a priori aux hommes, ce ne fut pas toujours simple de trouver ma place.
Plutôt que de chercher à lutter pour faire accepter l’ambivalence de ma féminité, j’ai fini par considérer que j’avais davantage à gagner à assumer ce qui pouvait y avoir de clivant chez moi. Car c’est comme cela qu’on peut espérer faire avancer les choses, bousculer les préjugés. Un parti pris que j’assume jusque dans la communication de Cloven en misant, non sans humour, dans l’idée de casser les codes et par là même les stéréotypes.
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