« Ce n’est pas le chercheur qui doit être interdisciplinaire, mais sa structure de recherche »
Suite de notre découverte du Satie, un laboratoire de l’ENS Cachan, appelé à rejoindre le Plateau de Saclay, à travers un entretien avec son directeur, Pascal Larzabal, que nous avons interrogé notamment sur sa conception de l’interdisciplinarité et les perspectives offertes par la future Université Paris-Saclay.
Pour accéder à la première partie de la rencontre avec le Satie et son directeur, Pascal Larzabal, cliquer ici.
– Si vous deviez présenter en quelques mots votre laboratoire ?
Satie (pour Systèmes et Applications des Technologies de l’Information et de l’Energie) est dédié à la recherche en electrical engineering. Nos travaux de recherche portent sur des enjeux sociétaux relatifs à l’énergie, au transport et à la santé. Ils concernent la convergence mobilité énergie durable mais aussi l’instrumentation pour l’analyse de milieu complexe. Autant de thématiques qui exigent, pour résoudre les différents défis qu’elles soulèvent, de mobiliser des chercheurs d’horizons disciplinaires variés. Satie compte aussi bien des électroniciens que des mécaniciens, des chimistes, des traiteurs de signaux, des biologistes… Cette particularité est directement liée à l’histoire de l’ENS Cachan qui, à l’origine, était une Ecole normale de l’enseignement technique. Elle s’est toujours gardée de cloisonner les sciences et les techniques, tout en prenant en considération la dimension socioéconomique des enjeux. Cela nous singularise dans le champs académique français qui ne manifeste guère d’intérêt pour les domaines du génie, à la différence du champ académique anglo-saxon qui, au contraire, les a toujours valorisés. Pour ma part, je ne considère pas que l’electrical engineering soit une « sous-science » au prétexte qu’elle touche aux sciences des ingénieurs. Au contraire, elle contribue à faire avancer la science, en se saisissant des problèmes tels qu’ils se posent dans le monde industriel.
– Mais pourquoi donc « electrical engineering» ?
Parce qu’il s’agit d’autre chose que le génie électrique au sens où on l’entend en France, à savoir ce qui recouvre l’électrotechnique, la réalisation de moteurs électriques ou l’électronique de puissance, bref, le champ de l’électricité qui relève, d’un point de vue institutionnel, de la Section 63 du CNU. Pour résoudre les problèmes tels qu’ils se posent dans le monde industriel actuel, il nous faut aussi solliciter le traitement de signal, l’informatique industrielle, la robotique, etc. soit ce qui relève de la Section 61… Or, il se trouve qu’à l’international, le couplage des deux est désigné par electrical engineering dont malheureusement nous n’avons pas d’équivalent en français. Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’une mauvaise traduction anglaise de notre génie électrique, mais bien d’un champ combinant les domaines couverts par les deux sections que je viens d’évoquer.
– Si vous étiez cantonné à une recherche fondamentale, on peut concevoir que vous assumiez cette terminologie anglo-saxonne. Sauf que vous travaillez avec des industriels. Pourquoi ne pas vous être employés à une traduction qui fasse sens auprès de ces derniers ?
Je ne fais pas de différence entre recherche fondamentale et recherche appliquée, cette distinction m’apparaît d’un autre âge. Maintenant, pour répondre à votre question, je précise que nous ne sommes pas parvenus à trouver une traduction satisfaisante ! Parler de génie électrique ou même électronique serait trop réducteur. Et puis, si nous répondons à des problèmes tels qu’ils se posent aux acteurs socio-économiques, notre vocation ne se limite certainement pas à cela. Nous sommes des chercheurs, pas des ingénieurs. Nous nous saisissons du problème qui se pose à eux, comme d’un terreau pour faire germer de la connaissance de portée plus universelle. Ce qui passe par la décontextualisation du problème d’origine, précisément pour lui donner une portée plus générale. Dit autrement, nous traduisons le problème tel qu’il se pose à des acteurs socioéconomiques en une problématique qui puisse intéresser la communauté scientifique. Nous nous employons certes à le résoudre, mais sans nous limiter à cela. Sans quoi, nous serions davantage dans la prestation de services. Nous ne nous interdisons pas d’en faire, dès lors que cela peut contribuer au financement du laboratoire, mais cela reste marginal dans notre activité. Les partenariats noués avec des industriels sont aussi des prétextes à engendrer de la connaissance dans une perspective interdisciplinaire.
– Cela suppose donc d’avoir des compétences diverses au sein de votre laboratoire, mais aussi que vos chercheurs soient acculturés à cette interdisciplinarité. Quelle est votre réflexion quant à la manière de former en amont les chercheurs à cette dernière ?
Faut-il former en amont nos chercheurs à l’interdisciplinarité ? Spontanément, on est tenté de répondre par l’affirmative. Sauf qu’en ce qui me concerne, je n’en suis pas si sûr ! Je crois que pour faire de l’interdisciplinarité, il faut d’abord être bon dans une discipline donnée. Ce n’est pas tant le chercheur qui doit être interdisciplinaire que sa structure de recherche. Nombre de chercheurs sont à cheval sur deux disciplines, mais sauf à ce qu’ils soient des génies, je doute qu’ils jouent un rôle moteur dans l’avancement de la recherche. Un chercheur se doit certes de s’ouvrir à d’autres disciplines, mais c’est en se rapprochant de l’interface à partir de sa propre discipline qu’il sera le plus pertinent, le plus à même de faire des découvertes décisives. Il se doit certes de comprendre le vocabulaire des autres, mais certainement pas de chercher à se mettre au même niveau qu’eux.
Pour les besoins de sa carrière, un chercheur a besoin d’être évalué par les pairs, les spécialistes de sa discipline. Le fait d’être à cheval sur deux disciplines le handicape par rapport à des chercheurs spécialisés. Les titulaires de thèses interdisciplinaires peuvent en témoigner : ils peinent le plus souvent à trouver un poste. J’évite par conséquent d’en promouvoir trop dans mon propre laboratoire et ce, dans l’intérêt des doctorants. Une thèse interdisciplinaire aura peut-être plus d’écho dans la société, mais a encore du mal à s’affirmer au sein de la communauté scientifique. Nous devons changer ce regard sans pour autant sacrifier une génération de doctorants.
– L’interdisciplinarité est plus à envisager au niveau des structures de recherche que des individus eux-mêmes, dites-vous. Cela engage donc votre responsabilité, en tant que directeur d’un laboratoire. Que faites-vous concrètement pour rendre le Satie interdisciplinaire ? Comment y faites-vous vivre l’interdisciplinarité ?
Je ne pense pas qu’il faille contraindre un chercheur à l’interdisciplinarité. On ne peut obliger une personne à faire ce qu’elle ne veut pas faire, encore moins un chercheur. S’il veut continuer à faire de la recherche sans visées applicatives, il faut le laisser faire, cela servira toujours. Après tout, c’est ainsi que l’électricité a été découverte ! En revanche, si un projet le séduit, s’il y voit un intérêt pour son domaine de recherche, alors il se l’appropriera.
J’insiste au passage sur cette notion de projet. Un laboratoire ne saurait servir qu’à mutualiser des équipements. Un laboratoire vit aussi et d’abord au rythme des projets qui créent la dynamique humaine nécessaire. Mon travail consiste donc à susciter chez mes chercheurs l’envie d’y participer. S’ils s’approprient un projet, l’interdisciplinarité s’imposera d’elle-même.
– A vous entendre, un directeur de laboratoire se doit donc d’être aussi un peu psychologue…
Psychologue ? Je ne sais pas. Un peu manager, sans doute. Il se trouve que mon père était berger au Pays Basque. Son travail consistait donc à amener des moutons d’un point A à un point B. En tant que directeur de laboratoire, je le suis aussi un peu à ma façon, à ceci près que mon troupeau à moi n’est pas composé de moutons, mais de chats ! Et je vous prie de croire que guider des chats qui, malgré leur côté affectueux, prennent parfois un malin plaisir à se griffer entre eux, n’est pas toujours simple. Il faut composer avec les personnalités, mais aussi la compétition – au demeurant saine et indispensable – qui peut exister entre les chercheurs. Dans ces conditions, vous comprendrez que tout directeur que je sois, je ne peux décréter l’interdisciplinarité. En revanche, je peux la susciter à travers des projets aussi séduisants que possible. Par chance, le Satie en compte suffisamment, que ce soit la voiture électrique automatisée en ambiance urbaine, la gestion intelligente de l’énergie, ou encore une IRM 2D portable etc.
– Qu’en est-il de l’interdisciplinarité au sein de l’Institut d’Alembert auquel le Satie fait partie ?
Au niveau de l’Institut d’Alembert, nous passons à une autre échelle : il s’agit de quatre laboratoires ayant chacun sa culture, son histoire, sa dominante disciplinaire. Le défi de l’interdisciplinarité est donc a priori plus difficile à relever, mais non moins intéressant. Pour que des chercheurs de différents laboratoires acceptent de travailler ensemble, il faut d’abord des affinités, mais aussi un projet dans lequel chacun puisse voir clairement la contribution qu’il peut apporter. Si j’osais une comparaison, je dirais qu’un tel projet se doit d’être comme… un bouquet de fleurs : de même que pour en faire un beau, il faut des fleurs de différentes couleurs, de même, pour mener un beau projet, il faut des scientifiques de différentes disciplines, mais aussi des ingénieurs, des techniciens et pourquoi pas des artistes, bref, des talents aussi variés que possible. Le projet suscitera d’autant plus d’adhésion que chacun a le sentiment d’y trouver sa place sans avoir à se fondre totalement. Le propre d’un bouquet n’est-il pas d’assembler des fleurs qui, tout en formant un ensemble cohérent, conservent leur singularité ? Une fois le projet terminé, chaque chercheur pourra en tirer les bénéfices qu’il jugera utiles pour son laboratoire sinon ses propres travaux.
– Des artistes, dites-vous. Considérez-vous que la dimension artistique peut aider à des projets interdisciplinaires ?
J’en suis persuadé ! La science a besoin d’être accessible au grand public. L’art même le plus sophistiqué est depuis longtemps parvenu à toucher le plus grand nombre. Les artistes ont donc à nous apprendre pour mieux faire connaître nos travaux de chercheurs et leurs résultats, a priori plus difficiles à saisir. D’ailleurs des recherches qui se situent à l’interface des arts se révèlent être de vrais supports pour faire connaître la démarche scientifique. A Satie, trois thèses sont actuellement menées avec pour objet des éléments du patrimoine artistique : l’une, menée en partenariat avec le Musée de la musique, porte sur le vernis du Stradivarius ; une autre sur les statues du Parc de Versailles (elle en étudie l’effet de la corrosion sur leur intégrité) ; une 3e sur les vernis des peintures avec le musée du Louvre… Je vous prie de croire que l’attention du public est particulièrement grande quand on lui parle d’imagerie appliquée à des instruments de musique, des sculptures ou des tableaux…
– Vous étiez né sous une bonne étoile en devenant le directeur du Satie…
C’est bien sûr tout sauf le fruit du hasard. Le compositeur du même nom, né à Arcueil, avait l’habitude de sortir des sentiers battus dans son processus de création musicale. Malheureusement, il n’a été reconnu qu’après sa mort. Comme lui, nous sortons des sentiers battus en espérant cependant atteindre la notoriété de notre vivant ! Mais pour en revenir à l’art, je tiens à préciser que le chercheur que je suis m’y intéresse dans ces différentes composantes : j’aime aussi la littérature…
-… et manifestement la peinture. Un mot sur ces deux tableaux qui ornent votre bureau: l’un est une reproduction de l’Eglise d’Auvers-sur-l’Oise, de Van Gogh. Quant à l’autre…
Il s’agit d’une déclinaison scientifique de ce tableau, à partir de figures géométriques, qui en restituent les lignes de force. Ces tableaux ne sont pas de moi, mais l’œuvre d’étudiants de l’ENS Cachan qui les avaient offerts au premier directeur du Satie. J’ai tenu à les remettre en valeur.
– Venons-en au projet d’Université Paris-Saclay. Comment l’appréhendez-vous ?
Le projet va concrètement se traduire par la constitution de deux grands laboratoires, l’un qui relèvera de la section 61, l’autre de la section 63. Le risque était grand de voir éclater le Satie en deux unités, ce que nous ne souhaitions pas, considérant que cela nous ferait perdre notre particularité d’être précisément à cheval sur les deux. Qui plus est, je ne suis pas convaincu que big soit toujours plus beautifull et propice à l’interdisciplinarité. Une structure de recherche qui a vocation à en faire se doit d’être souple et de rester ouverte, en se bornant à redéfinir une orientation générale, à intervalle régulier. Des laboratoires à fortes dominantes scientifiques doivent pouvoir s’associer à elle, dans le cadre de projets, sans perdre leur autonomie. C’est de ce genre de collaboration que peuvent germer des idées nouvelles.
Au Satie, nous sommes parvenus à une proximité professionnelle d’autant plus grande que les chercheurs ont pris l’habitude de travailler ensemble au quotidien. Nous avons donc milité pour le maintien du Satie, avec possibilité pour nos chercheurs de rejoindre la structure interdisciplinaire le temps d’un projet.
Encore une fois, notre laboratoire n’a pas vocation à développer des théorèmes, mais de résoudre des problèmes en puisant dans différents champs scientifiques. Jusqu’à présent, cela ne nous a pas trop mal réussi. Le Satie est reconnu au plan international. L’erreur serait de vouloir décréter une seule et même forme de structure de recherche interdisciplinaire. De ce point de vue une structure comme l’IDA est, en l’état actuel des choses, un bon modèle : il n’a pas pour objet de fusionner les laboratoires qui le composent, mais de faciliter la coopération entre eux, en permettant aux chercheurs qui le veulent de participer à un projet commun.
Les choses s’annoncent plutôt bien. Je suis régulièrement en contact avec les présidents des commissions 61 et 63. Symboliquement, je trouverais bien que le Satie soit placé physiquement entre leurs laboratoires, pour bien manifester sa vocation à être à l’interface de leurs domaines respectifs.
– Au-delà du Satie et de son positionnement, quel espoir placez-vous dans le projet du Campus Paris Saclay ?
Dans la valorisation des formations doctorales car, j’en suis convaincu, l’avenir de la recherche française réside dans les doctorants et les post-doctorants. Pourquoi ? Parce que, passé un certain âge, nombre de chercheurs se retrouvent à devoir assumer des responsabilités administratives : ils disposent de moins de temps pour se consacrer à la recherche et ont donc besoin de pouvoir s’appuyer sur de jeunes chercheurs qui puissent s’y investir pleinement. Mais l’enjeu dépasse le monde académique, car les doctorants et post-doctorants peuvent aussi répondre aux besoins des industriels. Seulement, en France, la formation doctorale est non seulement méconnue, mais encore peu valorisée. Les industriels recrutent de préférence des ingénieurs, sans se douter des compétences qui ont été nécessaires pour mener à bien une thèse : de la rigueur, une capacité à travailler à la fois seul et dans un collectif, etc.
De ce point de vue, l’Université Paris-Saclay est une chance : elle comptera la plus grande école doctorale de France, lui conférant une responsabilité de tout premier plan dans la reconnaissance nationale du doctorat. Elle donnera à voir aux acteurs socioéconomiques et, au-delà, à la société qu’un diplôme de doctorat, quand il est bien maîtrisé, est un vrai diplôme, qui vaut autant que celui d’une école d’ingénieur. Si nous concentrons nos efforts sur ce travail de reconnaissance, nous attirerons des doctorants et ce faisant, nous disposerons des ressources humaines pour maintenir la recherche au niveau. Notre laboratoire, en contact permanent avec les milieux socio-économiques a un rôle clef à jouer dans cette reconnaissance. Certes, les entreprises sont déjà présentes dans les Conseils d’administration des universités, mais jusqu’alors elles portaient leur attention sur les formations de 1er et 2e cycles. Elles se montrent encore frileuses quand il s’agit de recruter des doctorants. C’est une spécificité française dont je n’ignore pas qu’elle tient au rôle prépondérant que jouent les écoles d’ingénieurs dans notre système d’enseignement supérieur.
– On parle beaucoup de sérendipité à propos du Campus Paris-Saclay. Cette notion fait-elle aussi sens pour vous ?
J’y accorde beaucoup d’importance. Je crois au hasard des rencontres. C’est d’ailleurs ce qui rend finalement la vie agréable, non ? Pourquoi la science n’en profiterait-elle pas ? A nous ensuite de savoir la favoriser, sans attendre tout de l’aléatoire, en créant des lieux propices à des échanges informels entre chercheurs de différents horizons disciplinaires. Mais pourquoi ne pas aller plus loin encore en encourageant, par exemple, le développement d’un tourisme scientifique sur le Plateau de Saclay ? Des industriels pratiquent après tout du tourisme industriel en ouvrant leurs usines à des visiteurs. Pourquoi nos laboratoires ne procèderaient-ils pas à du tourisme scientifique à travers l’organisation de visites ? Pourquoi ne s’associeraient-ils pas à une agence de voyage ? Au-delà des loisirs, ce serait un moyen d’amener les Français à s’approprier les enjeux scientifiques, à mieux en comprendre les besoins du chercheur, ses motivations.
– Le Plateau de Saclay compte déjà plusieurs initiatives destinées à faire connaître la science et au-delà à encourager son dialogue avec les arts… Qu’est-ce que cela vous inspire-t-il ?
Effectivement. Nous ne partons pas de rien. Il faut saluer le travail mené notamment par l’association Diagonale. Mon IUT pourrait y contribuer d’autant plus facilement, qu’il a toujours eu ce souci d’ouvrir la science au grand public, mais aussi de dialogue avec les arts. En témoigne la création en son sein d’un Centre de Recherche et Ingénierie Industrielle et Pédagogique que nous avons doté d’une « ménagerie technologique et itinérante » : elle initie à la technologie et la robotique à travers des animaux mécaniques. Nous étions partis du constat que tout un chacun est a priori plus intéressé par une création ayant une dimension artistique que par un dispositif technique, aussi original soit-il. Qu’on le veuille ou non, l’art a une aura plus grande que la science, qui paraît a priori plus austère et froide. Nous nous sommes dit qu’il pouvait nous être utile pour mieux faire passer la compréhension des sciences et des techniques. De là cette idée de ménagerie, qui continue à fonctionner sous forme d’espace forain expérimental. Je précise que, dans notre esprit, les artistes ne sont pas de simples prestataires de la communication scientifique. La collaboration avec eux peut aussi nourrir leur processus de création.
– Venons-en aux conditions d’accessibilité du Plateau de Saclay…
C’est un vrai sujet de préoccupation. Sans compter la construction des nouveaux bâtiments qui prendra nécessairement du temps. Nul doute que les premières années, il faudra s’habituer à se déplacer avec des bottes et un casque : le chantier sera certes avancé, mais pas encore achevé. Il faut être conscient que cette situation transitoire ne manquera pas de nous contraindre à sacrifier des projets de recherche. Et je crains que les conditions de transport ne prolonge cette période transitoire au-delà du raisonnable.
– Pourquoi la communauté scientifique ne se mobilise-t-elle pas davantage sur ce volet transport ?
Elle n’est pas restée passive. Les chercheurs se sont manifestés au niveau de leur laboratoire. Chaque établissement appelé à rejoindre le Plateau s’emploie à trouver des solutions. L’ENS Cachan, par exemple, va adopter des mesures sociales d’accompagnement. Ceux des chercheurs qui ont besoin d’équipements lourds resteront convaincus de l’intérêt de rejoindre Paris-Saclay. Mais nos chercheurs auront le choix de partir vers d’autres laboratoires. Bref, je crains que des laboratoires de recherche, parmi ceux appelés à rejoindre Paris-Saclay, ne voient leur situation se détériorer si les conditions de transport ne sont pas améliorées rapidement.
Entendez-moi bien : je suis sûr que l’Université Paris-Saclay prendra corps. Je regrette seulement qu’on ait à endurer une période transitoire aussi longue. Plutôt que de sacrifier des projets pendant dix ans, ne pourrait-on pas s’employer à la réduire un peu ?
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