Le 3 avril 2019, Paris-Saclay était officiellement labellisé « Communauté French Tech » par Cédric O, Secrétaire d’Etat au numérique auprès du Ministre de l’Economie. Chef de projets à la Direction de la stratégie et de l’innovation de l’EPA Paris-Saclay, Sébastien Douard nous en dit plus sur l’intérêt d’un tel label mais aussi ce que révèle la rapidité avec laquelle les acteurs de l’écosystème ont su se mobiliser pour répondre à l’appel à projet lancé en décembre 2018 par la mission French Tech.
– Si vous deviez pour commencer par rappeler l’enjeu du Label French Tech ?
Ce label a été mis en place en 2012-13 pour accélérer l’innovation sur les territoires en promouvant les écosystèmes technologiques existants. Jusqu’alors il avait bénéficié à de grandes métropoles. L’an passé, le Secrétariat d’Etat chargé du numérique a décidé de le décerner à des communautés davantage portées par des start-up en lien avec les autres acteurs de leurs écosystèmes. Pour obtenir le label, la Mission French Tech avait ainsi fixé plusieurs conditions : réunir une cinquantaine de soutiens de start-up, définir des axes d’action, constituer un board en charge de l’animation de la communauté, ce board devant être composé d’une majorité de start-up.
– Mais pourquoi Paris-Saclay n’a-t-il pas pu y prétendre avant ?
Un label avait bien été décerné, mais à l’échelle de toute l’Ile-de-France, la mission French Tech ne jugeant pas utile de le démultiplier au sein de cette région, ce que l’on peut comprendre. Cette fois, c’est bien l’écosystème de Paris-Saclay qui est labellisé, au travers de sa communauté de start-up et de toutes les institutions ayant vocation à les accompagner.
– Quel a été le rôle de l’EPA Paris-Saclay dans sa mobilisation et la réponse à l’appel à projet ?
L’EPA Paris-Saclay s’est mobilisé aux côtés des trois agglomérations concernées par l’OIN (Communauté Paris-Saclay, Versailles Grand Parc, Saint-Quentin-en-Yvelines), des deux groupements académiques (Université Paris-Saclay et l’Institut Polytechnique de Paris), de la SATT Paris-Saclay et de tous les lieux d’innovation du territoire (incubateurs, FabLabs…), aussi bien publics que privés. Concrètement, avec mon collègue Jérémy Hervé, chef de projets Attractivité et Entrepreneuriat, nous avons pris en charge la rédaction du dossier de candidature, en y intégrant les contributions des uns et des autres.
– A-t-il été difficile d’identifier des start-up ?
Non ! Grâce à la plateforme paris-saclay-startup.com, constituée l’an passé, nous disposions déjà d’un réseau social de start-up en lien direct avec le territoire, soit parce qu’elles y ont été créées, soit qu’elles y sont implantées tout ou partie. Nous avons pu ainsi toucher facilement un grand nombre d’entre elles et les associer à la démarche. Naturellement, nos partenaires, les incubateurs comme Incuballiance en particulier, s’en sont fait le relais, ce qui nous a permis d’obtenir rapidement un très grand nombre de soutiens, une des conditions nécessaires à l’obtention du label, ainsi que je l’ai indiqué.
– N’est-ce pas la démonstration que la Communauté French Tech est déjà une réalité à Paris-Saclay ?
Si. Non seulement, ici, le terreau est fertile, mais la communauté existe déjà. Cependant, elle n’était pas encore structurée et ses start-up n’y portaient pas d’actions coordonnées. Si, donc, la labellisation présentait un intérêt, c’est de lui permettre de prendre davantage conscience d’elle-même en l’incitant à se structurer davantage, de manière plus visible.
– Un mot sur cette notion même de communauté dont la nécessité peut paraître contre intuitive à l’heure des technologies numériques et des possibilités qu’elles offrent d’échanger à distance…
En effet ! A priori, on est plutôt en droit de penser que le développement de ces technologies, permettant de communiquer de manière instantanée d’un bout à l’autre de la planète, rendent moins nécessaire une proximité physique entre les acteurs de l’innovation. Or, la réalité montre que l’esprit de communauté est une condition nécessaire à celle-ci. Comme le dit très justement l’économiste américain Edward Glaeser, « les idées traversent les couloirs et les rues plus facilement que les continents et les océans ». Une des composantes clefs d’une communauté est justement la création d’un tissu de relations personnelles entre individus – startuppers, chercheurs, étudiants, donneurs d’ordre – qui permet de stimuler la créativité en faisant se rencontrer des compétences et des secteurs d’activités variés. La structuration d’une telle communauté sur le territoire de Paris-Saclay permettra d’en conforter la dynamique d’innovation et de la rendre plus visible.
– De combien de temps disposiez-vous pour répondre à cet appel à projet ?
L’appel à projet a été lancé à la fin de l’année 2018. Nous disposions donc d’assez de temps. Mais nous ne nous sommes vraiment mobilisés qu’une semaine avant la date limite de remise des dossiers…
– Pourquoi ?
La position initiale a d’abord été attentiste afin de savoir quel était le périmètre des communautés attendues par la Mission French Tech (métropole, région, lieu d’innovation…). Par ailleurs, d’autres acteurs que l’EPA Paris-Saclay pouvaient prétendre à prendre le lead sur la rédaction du dossier. Toujours est-il que la date butoir de dépôt des dossiers a bien fini par se rapprocher rapidement… Il ne restait plus qu’une semaine pour constituer le board, structurer les actions susceptibles d’être mises œuvre et mobiliser les soutiens, quand nous nous sommes décidés à décréter la mobilisation générale. Mais, comme indiqué, nos partenaires ont su répondre présent et bien au-delà de nos espérances. Alors qu’il nous fallait au minimum une cinquantaine de soutiens de start-up, nous en avons recueilli pas moins de cent-vingt ! Preuve encore une fois que la communauté existe, qu’elle est même bouillonnante. Des start-up se sont portées volontaires pour s’impliquer dans le board et consacrer un peu de leur temps (déjà fortement contraint) au service de cette communauté. Parmi elles, deux se sont particulièrement engagées : Quandela et WiN MS. Qu’elles en soient remerciées.
– La composition de ce board est-il représentatif ?
Oui, et nous y avons veillé : il reflète bien la diversité des champs et filières d’innovation couverts par l’écosystème, mais aussi des start-up qui y sont présentes, entre celles plus orientées techno, les autres plus tournées vers les services ou applications mobiles ; entre celles créées par des étudiants et les autres issues de laboratoires de recherche. Nous avons aussi veillé à une représentation équilibrée des territoires, des hommes et des femmes.
Disposer d’un board représentatif est d’autant plus nécessaire, que c’est à lui, comme je l’indiquais, que reviendra le soin de mettre en œuvre les axes d’actions et de faire vivre la Communauté French Tech de Paris-Saclay, avec, bien sûr, le concours de tous les acteurs intervenant dans le champ de l’entrepreneuriat innovant. A mon sens, c’est dans ce board, que réside la vraie originalité de ce label French Tech revu et corrigé, puisqu’il revient à confier aux start-up elles-mêmes l’initiative dans la manière de faire vivre la communauté.
– En quoi consistent les axes d’actions ?
Nous en avons défini trois. Le premier vise à renforcer l’esprit de communauté. Si comme nous l’avons dit, cette dernière existe déjà, il faut qu’elle ait davantage conscience d’elle-même. Il s’agit donc de la donner à voir, de façon à ce que chacun puisse s’y reconnaître et s’en réclamer, se dire qu’il appartient à une communauté entrepreneuriale innovante. C’est d’autant plus nécessaire que Paris-Saclay couvre un territoire étendu et fragmenté entre plusieurs pôles et une multiplicité d’acteurs. Concrètement, il s’agira de mieux mettre en avant les événements qui y sont organisés (comme Paris-Saclay SPRING, par exemple) et ses outils (paris-saclay-startup.com), de mieux partager les programmes d’accompagnement des entrepreneurs ou encore de mieux faire connaître ses incubateurs. A ce propos, on peut saluer l’initiative d’Incuballiance de créer un réseau d’alumni avec ses anciens incubés et à terme, pourquoi pas, avec tous les entrepreneurs innovants issus de l’écosystème.
– Ce qui aurait l’avantage de maintenir un sentiment d’appartenance d’une start-up à Paris-Saclay, quand bien même aurait-elle migré dans un autre écosystème…
Oui. Ce serait aussi une manière de témoigner que la Communauté French Tech de Paris-Saclay est ouverte et non repliée sur elle-même. Que les start-up qui en sont issues peuvent y maintenir un lien fort, au travers notamment du mentorat.
– Venons-en au 2e axe…
Il vise, lui, à accroître la visibilité de la communauté à l’international : d’une part, en captant des talents hors de nos frontières et en facilitant l’accueil d’entrepreneurs étrangers, d’autre part, en incitant nos propres start-up à se tourner vers l’export. Ce renforcement à l’international est un axe fort de la Mission French Tech, qu’elle développe à travers sa politique de visas en direction des talents étrangers. Nous aussi avons souhaité la mettre en avant.
Enfin, le 3e axe vise à renforcer l’attractivité du territoire aux yeux des start-up en facilitant leur installation et leur accès à des équipements de prototypage et de pré-industrialisation (pour de la fabrication en petites séries, dont on sait l’importance pour décrocher ses premiers marchés) et, bien sûr, en favorisant les collaborations avec les centres de recherche et laboratoires, un atout incontestable du territoire. Un axe, précisons-le aussi, qui sera davantage porté par les collectivités territoriales, la SATT et l’EPA Paris-Saclay, dans une logique de mutualisation.
– Le propre d’un label est d’être décerné mais aussi de pouvoir être retiré si le bénéficiaire ne respecte pas le cahier des charges. Ce qui engage fortement…
Précisons que celui-ci est décerné pour une durée de trois ans, renouvelable et qu’il repose sur une charte d’engagements en matière de bonne gouvernance, de transparence, de communication et de promotion du label. La Mission French Tech a prévu d’organiser des ateliers destinés à aider les communautés labellisées à se l’approprier et à leur permettre d’échanger entre elles, étant entendu que ces communautés sont incitées à travailler en bonne intelligence.
– Si néanmoins vous deviez pour conclure mettre en exergue un avantage comparatif de cette même Communauté French Tech Paris-Saclay comparée aux 37 autres labellisées ?
Contrairement à d‘autres communautés plus orientées vers le software et le digital, la Communauté French Tech Paris-Saclay se caractérise par une forte orientation deeptech, avec de nombreuses start-up tournées vers la robotique, l’internet des objets, les biotechs… Ici, on mobilise des technologies de pointe, on prototype et on fabrique des produits en pré-série… Cela s’explique par la richesse des laboratoires des pôles académiques et des organismes de recherche du territoire qui couvrent tous les champs des sciences dures et de l’ingénierie.
– Remarquons que cette même communauté French Tech Paris-Saclay existe déjà en l’absence de ligne du Grand Paris Express…
(Rire). Oui, du moins pour l’instant ! Il est clair qu’à terme, la Ligne 18, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, sera indispensable à son attractivité !
Journaliste
En savoir plus