Suite de la rencontre avec Jean-Paul Chabard qui fait le point sur le projet de Centre R&D qui doit ouvrir en septembre 2015 à proximité du campus de l’École polytechnique.
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– Pouvez-vous, pour commencer, nous rappeler la genèse du projet d’implantation du futur Centre de R&D EDF sur le Plateau de Saclay ?
Ce projet a émergé durant l’été 2008 à l’occasion du lancement de l’appel d’offres du plan Campus par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ironie de l’histoire : ce plan été financé par les actions vendues lors de la deuxième ouverture du capital d’EDF, intervenue fin 2007.
Cela faisait des années qu’un projet de rapprochement entre les établissements de recherche et d’enseignement supérieur avait été évoqué sur le Plateau de Saclay. Des acteurs, déjà présents ou qui souhaitaient s’y installer, se sont dit que c’était le moment. Cela ne s’est pas fait pour autant sans douleur, reconnaissons-le. La première copie du projet de Campus Paris-Saclay a d’ailleurs été retoquée.
Notre directeur de la R&D de l’époque, Yves Bamberger n’en restait pas moins convaincu de son intérêt. Il avait une longue expérience des partenariats avec le monde académique et enseignait d’ailleurs à l’ENPC. Durant l’été 2008, donc, il réunit un petit groupe de personnes : sa chef de cabinet, le directeur scientifique, le directeur des partenariats, la directrice des ressources humaines et moi-même. A l’époque, j’étais en charge du contrôle de gestion de la R&D. Nous avons commencé à phosphorer plusieurs semaines en nous échangeant des papiers cryptés !
Quand il s’est agi de désigner un directeur de projet, Yves Bamberger m’a proposé le poste. Manifestement, il a estimé que j’avais le bon profil, avec mon expérience de la R&D, du monde académique et des projets collaboratifs.
– La suite ?
Le projet a été finalisé pendant l’été 2008, avec Nathalie Charles, la directrice de l’immobilier du groupe, puis présenté au Président d’EDF qui a donné son feu vert pour lancer l’étude de faisabilité. Le projet a été annoncé officiellement aux salariés, le 4 septembre 2008 par Yves Bamberger lors des « Amphi de rentrée » qu’il avait instaurés, pour informer les personnels des trois sites franciliens, sur la stratégie et l’état d’avancement du programme d’activité.
En 2010, nous avons désigné Francis Soler comme lauréat du concours d’architecture lancé pour cette occasion. Ensuite, Bernard Salha, notre nouveau directeur de la R&D est allé défendre le projet devant les comités décisionnels du groupe et a réussi à obtenir l’aval de son Conseil d’Administration.
Le projet devrait voir le jour en 2015, soit sept ans plus tard ! Cela nous a placés devant un vrai défi sur le plan de la communication. Difficile, en effet, d’entretenir la flamme sur un laps de temps aussi long. On s’expose à des risques d’essoufflement !
– Combien de personnes sont-elles appelées à rejoindre votre futur centre ?
Environ 1 500 postes de travail sont prévus sur le nouveau site, dont un millier de salariés EDF. Le solde comprend les étudiants travaillant en thèses, les partenaires de laboratoires communs et les prestataires qui pourront être amenés à travailler de manière transitoire dans nos locaux.
– Comment le projet a-t-il été reçu par les personnels eux-mêmes ?
Certains ont pensé que les trois sites étaient tous concernés et ont donc pu vivre l’annonce comme un électrochoc. En fait, seul le Centre R&D de Clamart est transféré. C’est le plus important des trois : il abrite le siège de la direction de la R&D et concentre à peu près la moitié des effectifs. Il est principalement dédié aux activités tertiaires, à la différence des deux autres sites qui comportent une importante composante de recherche expérimentale et des équipements lourds qu’il ne serait pas raisonnable de transférer sur le Plateau de Saclay.
Leur pérennité n’est pas remise en cause non plus. Aux Renardières, nous sommes d’ailleurs en train de développer d’importants moyens d’essais, qui ont vocation à être exploités durant au moins dix ans. Quant au Centre de R&D de Chatou, c’est un site historique, connu dans le monde entier. La proximité de la Seine est en outre un élément important pour des chercheurs qui ont vocation à travailler sur les enjeux de l’hydraulique. Ce site est de surcroît le plus accessible des trois. C’est d’ailleurs pourquoi nous y avons installé notre université de groupe pour la formation des dirigeants.
– En assurant la pérennité des autres sites, voulez-vous signifier que Paris-Saclay n’aura de sens que s’il s’envisage avec Paris et le reste de l’lle-de-France, et non pas contre ?
Il est clair que les sites de Chatou et des Renardières vont s’insérer dans les projets collaboratifs et de partenariats noués avec les acteurs du Plateau de Saclay. Par exemple, nos équipes des Renardières qui travaillent sur l’efficacité énergétique contribueront naturellement au projet Paris Saclay Efficacité Energétique (PS2E). De nombreux autres partenariats vont continuer à se développer sur le Plateau avec la participation de nos deux autres sites. Les projets antérieurs déjà lancés ne seront pas remis en cause – je pense au projet Neptune sur la thermo-hydraulique mené avec le CEA par nos équipes de Chatou. Le fait de disposer de locaux sur le Plateau de Saclay ne pourra que faciliter l’organisation de réunions avec des chercheurs des autres sites.
– Reste la question de l’accessibilité du Plateau de Saclay. Comment l’appréhendez-vous ?
Ne nous voilons pas la face : c’est le problème numéro 1 et il concerne le Plateau de Saclay dans son ensemble. Si nous ne le réglons pas, nous échouerons dans la réussite du cluster. Aussi nous sommes-nous associés à l’ensemble des parties prenantes, que ce soit d’autres centres de recherche publics et privés, des collectivités, comme la CAPS, sans oublier l’EPPS, pour défendre la réalisation rapide d’une desserte en métro du Plateau (la ligne verte du Grand Paris Express). Le cluster n’a pas vocation à vivre en vase clos. Il sera amené à accueillir des chercheurs, des étudiants et des industriels venant de toute la France et du monde entier. Nous-mêmes travaillons avec des partenaires scientifiques, mais aussi avec nos clients internes implantés à Saint- Denis, à la Défense et en Province. Il faut donc que le Plateau soit facilement accessible depuis les gares et les aéroports. Au-delà de l’accessibilité, il y a un vrai travail à engager sur la signalétique et l’identité du territoire, son image de marque. Il en va de son attractivité auprès des étudiants et chercheurs étrangers.
– Sur le plan de l’aménagement, l’enjeu du cluster est de concevoir un campus urbain, autrement dit un campus qui offre les aménités urbaines. Dans quelle mesure cela vous a-t-il contraint à revoir votre conception des centres de R&D ?
Le site de Clamart compte une trentaine de bâtiments différents. Résultat : nos chercheurs sont disséminés sans possibilité de se croiser autant qu’ils le souhaiteraient. Dans le futur centre, ce sera possible. D’abord, parce qu’il sera d’une moindre superficie : 8 ha contre 14 ha actuellement. Ensuite et surtout, parce que parmi les spécifications fonctionnelles que nous avons fixées dans le concours d’architecture, nous avons insisté sur la nécessité de concevoir un ensemble architectural qui favorise le travail collaboratif de nos équipes entre elles, mais aussi avec les autres équipes de R&D du Plateau de Saclay. Le projet architectural qui a été sélectionné respecte bien cet aspect du cahier des charges. Il comprend un bâtiment principal de forme circulaire avec des plateaux de bureaux répartis sur trois étages et des possibilités de circulation aussi fluide que possible, tant sur le plan vertical que sur le plan horizontal. Le tout permettant de ne jamais être à plus de 100-150 m de ses collègues.
– Un autre maître mot du cluster envisagé sur le Plateau de Saclay, c’est la « mutualisation » des ressources existantes, y compris en matière de restauration, d’hébergement… Dans quelle mesure avez-vous intégré cette exigence ?
Nous sommes tout particulièrement intéressés par la mutualisation des hébergements destinés aux visiteurs, qu’il s’agisse de chercheurs ou de doctorants. Notre site de Clamart compte entre 100 et 200 thésards, soit en contrats Cifre, soit dans le cadre des contrats partenariaux avec des organismes de recherche. Nous n’avons certes pas vocation à faire du logement étudiant, mais devons veiller à ne pas compliquer leur problématique d’hébergement. Nous nous appuierons à cette fin sur l’offre mutualisée existante.
Nous accordons aussi une grande importance à l’offre d’activités culturelles, mais aussi sportives. Elles sont souvent l’occasion de tisser des liens utiles, a fortiori quand c’est dans le cadre d’équipements sportifs mutualisés. C’est pourquoi, nous avons volontairement renoncé à reproduire tous les équipements de Clamart. Nous discutons actuellement avec l’Ecole polytechnique pour voir comment nous pourrions utiliser ses propres équipements et ses terrains. Nous devons cependant aller plus loin car cela ne sera pas suffisant pour répondre à l’ensemble des besoins qui vont se manifester au fil du temps, avec l’arrivée de nouveaux étudiants et chercheurs. Sans doute faudra-t-il songer à équiper le Plateau d’autres équipements sportifs.
– Les échéances initiales sont-elles toujours d’actualité ?
Oui, le transfert en 2015 est toujours d’actualité. Nous venons de lever, avec le concours actif de l’EPPS, les derniers obstacles liés notamment à l’existence de plusieurs espèces protégées et plus particulièrement de « l’étoile d’eau ». Le décret autorisant le transfert de cette espèce a été adopté juste avant Noël ! L’entreprise de construction a été sélectionnée l’an passé et le marché signé avec elle. Le chantier démarrera fin janvier/début février. A partir du moment où les travaux seront lancés, le planning sera définitivement sécurisé.
– Pour faire en sorte que cela soit un long fleuve tranquille pour l’hydraulicien que vous êtes…
(Rires) Vu l’envergure du projet, ce ne pouvait pas l’être et je ne pense pas qu’il le deviendra à mesure qu’on approchera de l’échéance. J’ai encore l’impression d’être au beau milieu d’un torrent de montagne ! Sans attendre 2015, notre R&D s’est cependant déjà engagée dans des partenariats autour de nouveaux instituts : le Laboratoire SEIDO, créé avec Télécom ParisTech ; RiseGrid, un institut de recherche dédié aux réseaux intelligents de distribution d’électricité, avec Supélec ; enfin, l’Institut Seism, avec le CEA, l’Ecole Centrale, l’ENS Cachan et le CNRS.
– Le plateau possède un patrimoine original qui ne peut qu’intéresser l’hydraulicien que vous êtes, à savoir le système des Rigoles. L’avez-vous pris en considération ?
Ce système n’étant pas dans notre périmètre immédiat, nous ne l’avons pas intégré dans notre projet. Cela étant dit, c’est un patrimoine effectivement intéressant que nous avons d’ailleurs présenté lors d’une conférence à la Fondation d’EDF, en présence d’un archéologue de l’Inrap et du paysagiste Michel Desvigne, en novembre 2012 (moi-même y participait pour présenter le projet de Centre R&D).
Ces deux intervenants ont insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’un système de drainage, mais d’un système destiné à retenir l’eau pour alimenter en continu les bassins de Versailles. Michel Desvigne, en particulier, a indiqué que, lui-même, avait été amené, grâce au travail de l’archéologue, à reconsidérer la façon de l’intégrer dans sa proposition paysagère.
Quant à nous, EDF, nous sommes concernés par l’hydraulique du Plateau de Saclay qui a la particularité d’être imperméable et donc d’avoir peu d’infiltrations, avec tous les risques d’inondation qui peuvent en résulter. C’est pourquoi nous avons mis en place sur notre parcelle, des bassins de rétention et d’évaporation/infiltration qui permettent de stocker l’eau pluviale en cas d’événement extrême, et d’éviter ainsi d’inonder les vallées. A cette fin, nous utilisons principalement des écoulements gravitaires, la parcelle étant en légère pente dans un axe nord est. L’eau de pluie ainsi recueillie servira à l’arrosage de la parcelle ou au nettoyage de la voirie. Cela participe de notre ambition d’être vertueux dans l’usage de l’eau.
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