Entretien avec Catherine Sanjeu, directrice et fondatrice d’Armélio
Le 18 mars dernier, une journée de présentation du parcours doctoral « R&D en entreprise » était organisée dans l’amphithéâtre Alain Aspect de l’ENS Paris-Saclay, sous la houlette de Bernard Monnier. En voici un premier écho avec le témoignage de Catherine Sanjeu, à la tête d’une PME à vocation scientifique, Armélio, qu’elle a créée, et qui sait de quoi elle parle : elle-même a fait une thèse en physique.
- Si vous deviez, pour commencer, pitcher Armélio ?
Catherine Sanjeu : Armélio est une PME à vocation scientifique, que j’ai créée en 2011. Elle propose d’accompagner des industriels dans la levée de verrous auxquels ils se confrontent. Nos clients sont des entreprises de toutes tailles, et de secteurs très variés qui vont de l’aéronautique et le spatial à l’agroalimentaire, en passant par l’automobile, le ferroviaire, la chimie, la défense, la mode & le luxe, etc. Nous modélisons et construisons des solutions adaptées à chaque environnement, en nous appuyant sur notre connaissance de la physique pour remonter à l’origine des problématiques de nos clients. Pour cela, nos équipes commencent par explorer le champ des causes et des solutions possibles en analysant les systèmes physiques mis en jeu dans les technologies ciblées ; elles préconisent ensuite une solution pour le produit ou le procédé de fabrication concerné ; enfin, elles expliquent la solution et forment les utilisateurs pour leur permettre de l’utiliser en toute autonomie. Notre accompagnement se traduit par la création de jumeaux numériques, du traitement de données complexes à l’aide d’outils d’intelligence artificielle et de Big Data.
- Vous vous situez donc entre la recherche fondamentale et les bureaux d’études…
C.S. : Oui, et ce faisant, je crois pouvoir dire que nous sommes parvenus à créer le chaînon manquant entre la science fondamentale et l’industrie en procédant à du transfert appliqué des dernières avancées scientifiques.
- Concrètement, vous répondez à des problématiques soumises par des industriels…
C.S. : En effet, des problématiques qui n’ont pas encore trouvé de solutions, et pour lesquelles il faut donc faire preuve de « créativité industrielle » pour reprendre l’expression associée à notre marque.
- Qu’est-ce qui vous a prédisposée à vous lancer dans cette aventure, entre science et entrepreneuriat innovant ?
C.S. : J’ai fait un doctorat en physique avant de poursuivre ma carrière dans l’industrie durant plus de quinze ans, ce qui m’a permis d’identifier les manques des industriels et de prendre la mesure de cette perte de connaissance des fondamentaux de la physique.
- Le fait d’être une femme n’a pas été un handicap dans la création d’Armélio ?
C.S. : Pas du tout ! En réalité, la science n’a pas de sexe ! (Rire). Pour nous, ce qui compte avant tout chez les scientifiques, c’est leur talent et leur compétence, en tout cas quand nous procédons à nos recrutements.
- Vous êtes implantés dans trois écosystèmes dont celui de Paris-Saclay (les deux autres étant le Campus de l’Espace, à Vernon, et Grenoble). En quoi cette inscription dans celui-ci sert votre développement ?
C.S. : L’écosystème de Paris-Saclay offre le grand intérêt de concentrer toutes les sciences qui intéressent directement l’industrie : des mathématiques à la physique chimie. Nous avons plusieurs partenariats fructueux avec des laboratoires qui y sont implantés.
- On devine donc l’intérêt qu’il y avait pour vous à participer à cette journée… Vous y avez assisté d’ailleurs tout du long en intervenant à deux reprises…
C.S. : Cette journée offre l’opportunité de discuter avec des industriels et non des moindres – Safran, Thales, Nokia,… – autour de leurs problématiques scientifiques, des questions non résolues. Elle nous aide donc à préciser le choix de l’école doctorale vers laquelle se tourner dans les années à venir pour nos besoins de recrutement et de collaboration partenariale. J’y suis venue aussi dans l’idée de convaincre les jeunes que, dans les PME françaises, on peut faire aussi de la recherche de haut niveau, du même que celle qu’ils pourraient trouver dans les grandes entreprises et même dans le monde académique. Malheureusement, les PME ne sont pas encore assez visibles. Participer à une journée comme celle-ci est donc l’occasion pour nous de sensibiliser nos jeunes doctorants à la diversité des parcours qu’ils peuvent envisager au sein du monde de l’entreprise.
- Ce parcours doctoral, inauguré au cours de cette journée est en soi une innovation. Quelle en est justement la valeur ajoutée de votre point de vue ?
C.S. : Elle réside dans le fait de faire découvrir le monde de la recherche appliquée privée – une recherche qui doit donc être rentable économiquement -, à des cerveaux très brillants, mais qui ne savent pas forcément qu’ils y ont toute leur place au même titre que leurs camarades sortis d’écoles d’ingénieurs.
- Avez-vous actuellement des postes à pourvoir ?
C.S. : Oui, nous avons huit postes ouverts, dont cinq susceptibles d’intéresser des doctorants, principalement dans les domaines de l’IA, avec des applications orientées en science physique et en électro-chimie, en électronique appliquée ou encore en modélisation de plasma.
- Que mettriez-vous en avant pour les convaincre de venir travailler chez-vous ?
C.S. : Notre équipe est composée d’ingénieurs expérimentés sur les process industriels de tout secteur, mais aussi de Docteurs en physique, spécialistes de la modélisation numérique. À Armelio, nous leur assurons la possibilité de prendre rapidement des responsabilités ; nous privilégions le collaboratif sur la hiérarchie. Pour chaque projet, nous désignons un responsable. Je peux moi-même me retrouver à m’y impliquer sous sa direction. Le plus important est de trouver une solution aux problèmes que nous soumettent des industriels. Nous aimons aussi le principe de l’intratrepreneuriat. Si un collaborateur a une idée, nous lui donnons les moyens de la creuser en lui fournissant les machines, équipements – stations de calcul, logiciels – dont il a besoin.
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