Lundi 27 avril 2015, se tenait la réunion programmée par la direction de l’aménagement de l’EPPS autour de l’appel à projets innovant pour la reconversion du «. F ». En voici quelques échos, prometteurs…
A en juger par le nombre de personnes présentes, plus d’une trentaine, l’appel à projets innovant lancé par la direction de l’aménagement de l’EPPS pour la reconversion du « . F », ne laisse décidément pas indifférent. Ni les architectes, ni les maîtres d’ouvrage, porteurs de projets ou investisseurs, etc. invités à y participer. Parmi ces personnes, plusieurs avaient d’ailleurs déjà pris part à la première visite du site organisée le 17 avril précédent (pour accéder au compte rendu, cliquer ici) semblant ainsi confirmer leur intérêt sinon leur curiosité.
Le directeur général délégué de l’EPPS, Guillaume Pasquier avait fait lui-même le déplacement pour quelques mots d’accueil, non sans saisir l’occasion de souligner combien ce « . F » est « emblématique de l’esprit du projet de Paris-Saclay » ; un esprit très « sérendipien », comme il s’est plu à le rappeler en citant l’école CentraleSupélec, appelée à rejoindre Paris Saclay, juste à côté du . F, et dont le nouveau modèle pédagogique fait de la sérendipité une de ses valeurs cardinales (pour ceux qui en seraient encore à découvrir cette notion que nous-mêmes saisissons la moindre occasion de mettre en avant, nous renvoyons notamment à la chronique de l’ouvrage que lui a consacré Sylvie Catellin, maître de conférences à l’Université Versailles St-Quentin-en-Yvelines – cliquer ici – ou encore à l’entretien que le directeur de CentraleSupélec, Hervé Biausser nous a abordé – cliquer ici). Le même en a profité pour rappeler combien le succès du PROTO204 – où se déroulait la réunion – démontrait s’il en était encore besoin la « réceptivité » des étudiants, mais aussi des chercheurs, des entrepreneurs, etc. à la création de lieux hybrides, mutualisés comme celui que le . F pourrait avoir vocation à devenir – en à peine un an d’existence, le PROTO204 a accueilli 160 événements et près de 4 000 personnes différentes – et la possibilité d’en concevoir à partir de bâtiments existant et donc une économie de moyens (le PROTO204 occupe l’ancien atelier de support d’activité du Laboratoire de l’Accélérateur Linéaire, Lal).
Pourquoi un appel à projets innovant ?
Après une brève présentation par Lise Mesliand et Antoine Bouillot du contexte du quartier de Moulon (Gif-sur-Yvette) où est implanté le . F, place était faite aux questions avant la présentation des équipes constituées ou en quête de partenaires. Le silence qui a plané dans un premier temps pouvait laisser craindre comme un effet pschitt… En réalité, de questions il y en eut déjà à l’issue de la première visite. Finalement, de nouvelles ne manquèrent pas d’être posées, et non dépourvues d’intérêt. Par exemple : pourquoi lancer une telle démarche alors que l’équipe OMA s’était déjà penchée sur le « cas » du . F, en proposant d’en faire un lieu de mutualisation pour les établissements d’enseignement des environs : ceux de l’Université Paris-Sud et ceux, à venir (CentraleSupélec et l’ENS Cachan) ? De fait, il y eut bien une proposition, de surcroît originale (OMA suggérait de mutualiser notamment l’amphithéâtre de 400 places pour les activités culturelles). Seulement, devait-on comprendre dans la réponse tout en nuance de Guillaume Pasquier et de Lise Mesliand, les établissements en questions avaient beau clamer leur intérêt pour la mutualisation, les esprits n’y étaient pas encore préparés… De là, donc, l’appel à projets innovant, en forme de seconde (et dernière ?) chance, qui vise à susciter des propositions, toujours dans une logique de mutualisation, mais élargie à d’autres catégories de populations que les seuls étudiants.
Une chaîne de lieux d’intensité
D’autres questions portèrent sur les autres lieux à venir sur le Plateau de Saclay, dont la programmation, fondée elle aussi sur cette logique de mutualisation, risque a priori de les faire entrer « en concurrence » avec le . F, à savoir : le Learning center et Le Lieu de vie (en cours de construction, à deux pas du . F). Plutôt que de concurrence, Lise Mesliand a parlé de « complémentarité ». Le Learning center a vocation à mutualiser les ressources documentaires et conserve donc à ce titre une vocation académique. Quant au lieu de vie et ses 2 000 m2, gérés par le Crous, ils ont vocation à s’adresser à un public plus large (étudiants, mais aussi salariés) en accueillant restaurants et équipements sportifs. Un . F « revisité » ne serait donc pas de trop pour répondre aux besoins de lieux non seulement mutualisés mais ouverts à tous les publics, y compris les habitants. Il s’inscrirait dans une chaîne de « lieux d’intensité » (selon l’expression de Guillaume Pasquier) appelés à « donner à voir Paris-Saclay », dans sa diversité et son étendue. Car comme l’a rappelé Lise Mesliand, « Paris Saclay, c’est aussi, entre autres choses, Versailles et ses écoles d’architecture et de paysage, dont on gagnerait peut-être à mêler les élèves à des ingénieurs ou scientifiques. Sous-entendu : dans un lieu qui pourrait être justement le nouveau « . F ».
En admettant que le . F soit reconverti, comment s’y rendra-t-on en voiture, s’est risqué à demander un autre intervenant ? Question qui n’a pas manqué de susciter des réactions sur le mode : « En voiture ? Et puis quoi encore ?! L’avenir appartient aux transports en commun et aux mobilités douces ! » Ce que l’on admettra volontiers, sauf que, en attendant le métro automatique (promis à l’horizon 2024), et malgré l’arrivée prochaine du bus en site propre, c’est bien en voiture qu’on se déplacera encore pour quelques temps. A défaut de répondre à la question, Lise Mesliand en a saisi l’occasion pour rappeler que les établissements d’enseignement à venir (CentreSupélec et l’ENS Cachan, donc) avaient eu obligation d’envisager des parkings souterrains pour leurs personnels et leurs autres usagers. Une chose paraît donc sûre : c’est dans un environnement propice à la déambulation, que devra s’envisager le futur du . F.
De nouveau posée, la question du financement reçut la même réponse : à savoir, que l’EPPS, qui fait déjà l’effort de mettre à disposition le site, ne financerait ni les travaux ni l’exploitation du . F reconverti. Charge donc aux candidats d’imaginer, en plus d’une programmation, un modèle économique, en se projetant dans le rôle de l’exploitant. Il en fallait manifestement plus pour décourager les participants. Trois personnes intervinrent pour présenter leur équipe ou proposer leurs services. A savoir, par ordre d’apparition :
– Ghazal Banan de l’Atelier BOM : une toute jeune agence d’architecture bordelaise comptant deux autres architectes, également présents ce jour-là, et déjà distinguée par plusieurs prix, notamment pour des propositions d’habitats dans les pays en développement. A ceux qui auraient pu s’interroger sur le rapport avec le Plateau de Saclay, on pourra mettre en avant l’économie de moyens que cela suppose (économie de moyens également prônée par les deux intervenants suivant). Par ailleurs, Ghazal Banan connaît déjà le Plateau de Saclay pour avoir travaillé au sein de l’agence de Michel Desvigne, à l’élaboration de son schéma directeur avec une focale sur le quartier de Moulon, celui-là même où est situé le . F. S’il fallait encore trouver des affinités avec le territoire, nous pourrions ajouter aussi l’évocation d’Agadir (faite à propos d’un projet porté par la jeune agence dans cette ville) : dans l’interview qu’il nous a accordé, le président de la Fondation de Coopération Scientifique (FCS) du Campus Paris-Saclay, Dominique Vernay avait rappelé combien son enfance passée dans cette ville en pleine reconstruction, suite au tremblement, lui avait permis d’appréhender sereinement le vaste chantier de Paris-Saclay… (pour accéder à cet entretien, cliquer ici).
– Alexandre Meyer, d’Intencity, une Sarl créée en 2006, qui travaille « sur des problématiques de développement économique local, en proposant une offre de services à destination des petites entreprises et des artisans. » Elle héberge à ce jour environ 200 entreprises sur trois sites répartis à Paris, Clichy et Levallois Perret. Elle se propose de faire du . F un lieu d’hébergement pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire en mettant à profit l’environnement dédié à la recherche et l’innovation. Le même a fait état de son expérience de la gestion de grandes superficies (il a travaillé dans la grande distribution), mais aussi de projets innovants, dans le cadre de l’appel à projets urbains Innovants « Réinventer Paris », comme opérateur et/ou co-financeur. C’est d’ailleurs à l’un et/ou l’autre de ces titres qu’il interviendrait sur le . F.
– Enfin, Christian Weisse, associé à Patrick Pénicaud, président de l’association Filia (qui, basée à Saint-Quentin-en-Yvelines, a vocation à « accompagner le développement durable territorial par des actions participatives citoyennes contextuelles multi et interdisciplinaires ») et Laurent Robert du CAPIC 78 (une association expérimentale loi 1901, qui « coordonne un Centre Activités de Pré-qualification et d’Initiatives Citoyennes et Culturelles »). D’emblée, il a souhaité mettre en avant leur intérêt pour le site aussi bien que pour la méthodologie, ouverte, de l’appel à projets innovant. A défaut de définir, à ce stade, des usages, il a proposé de s’inscrire résolument dans une logique d’ « économie frugale », d’ « économie circulaire » ou même « de la fonctionnalité » (abordée, notons-le au passage lors de la journée sur l’innovation sociale et l’économie collaborative, organisée en décembre dernier, ici même au PROTO204 ; pour un compte rendu, cliquer ici). Pragmatique, il a formulé l’idée de confier « dès maintenant » le gardiennage à des structures locales d’insertion par l’économique. Au-delà, il a mis en avant la notion de « territoire apprenant », dont le . F pourrait être une manifestation concrète en se positionnant à l’interface des grands établissements d’enseignement supérieur et d’autres formes d’apprentissage à l’œuvre sur le Plateau de Saclay, tant du côté du monde associatif que du monde entrepreneurial. Déjà engagé, avec ses comparses dans un projet de reconversion d’un ancien site de Météo France, Christian Weiss n’excluait pas de s’associer à d’autres pour celle du . F . A commencer par Julien Beller, architecte du collectif Exyzt, et auquel on doit la création du 6B, à Saint-Denis, dans une logique de co-construction avec les élus et un promoteur immobilier. Ironie de l’histoire, que s’est plu à rappeler le même Christian Weiss : il est un ancien du CESI, l’organisme de formation, qui a été le maître d’ouvrage du . F… Une belle manière d’illustrer la possibilité de s’inscrire dans une histoire et de la prolonger en adaptant ce dernier à son nouveau contexte.
Par-delà leurs spécificités, les équipes manifestaient une réelle envie de s’associer à d’autres, conscientes qu’elles ne pourraient pas porter seules un projet de reconversion et son modèle économique, mais probablement aussi parce que ce serait contraire à l’esprit de mutualisation qui souffle sur le territoire de Paris-Saclay.
D’autres équipes ou personnes devraient se manifester d’ici le 2 juin, date de remise des dossiers de candidatures – au préalable, deux autres visites sont programmées le mercredi 6 mai et le jeudi 21 mai (pour en savoir plus et s’inscrire, se rendre sur la page dédiée du site de l’EPPS, en cliquant ici). Sans attendre, d’autres personnes intéressées à participer à l’aventure se manifestèrent à l’occasion du cocktail qui suivit. Signe supplémentaire d’un intérêt pour notre appel à projets innovant, celui-ci s’éternisa, non sans être propice à l’esquisse de premiers rapprochements. Bref, non seulement le . F ne semble pas avoir dit son dernier mot, mais encore il fait beaucoup parler.
Un grand merci à Hugo Noulin (PROTO204) pour les photos qui illustrent cet article !
Journaliste
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