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Aménagement & Architecture

Retours d’Ukraine

Le 9 avril 2024

Entretien avec Martin Duplantier, architecte urbaniste

Qu’est-ce que les architectes français peuvent faire pour leurs collègues ukrainiens ? C’est la question qu’il s’est d’emblée posée suite à l’invasion de leur pays en février 2022. Depuis, il fait des allers retours à intervalles réguliers pour y mener des projets architecturaux, urbanistiques ou même dans le domaine agricole. Un motif suffisant pour solliciter une nouvelle interview auprès de cet architecte qui avait bien voulu répondre, il y a quelques années, en 2019, à nos questions sur le MBA, le bâtiment conçu avec David Chipperfiled, sur le campus d’HEC, et le schéma directeur dont il s’était vu confier dans la foulée l’élaboration. Depuis lors, il a eu une autre occasion de manifester son engagement en faveur de l’écosystème Paris-Saclay en faisant partie de l’équipe des architectes en charge de la conception du Central, un ensemble de bâtiments appelés à en être une autre « icône ».

- La première fois que je vous ai interviewé, c’était en 2019, à propos du MBA avec David Chipperfield, et le schéma directeur du campus d’HEC qui vous avait été confié dans la foulée. Vous avez une nouvelle actualité relative à l’écosystème Paris-Saclay, à savoir le Central, à la conception duquel vous participez…

M.D. : En effet, mon agence a été retenue avec cinq autres agences d’architecte – Baumschlager Eberle (coordinateur), Nunc, Anne Demians, Hardel Le Bihan et Barrault Pressaco – pour réaliser ce projet porté par un groupement d’opérateurs – Sogeprom, Demathieu Bard Immobilier, Pitch immo et immobilière 3F – mais aussi les élus, le maire de Palaiseau en particulier, sans oublier l’EPA Paris-Saclay. Un projet ambitieux et original de 70 000 mètres carrés, ayant vocation à accueillir non seulement des activités tertiaires – commerces et bureaux -, mais encore des logements. J’aurais envie de dire « enfin, des logements ! », car si on veut qu’un quartier de ville vive, il importe qu’il soit habité. Sinon, nous nous exposons au syndrome de La Défense, qui ne vit plus en dehors des heures de travail des salariés qui travaillent dans les tours, faute d’être habitée avec tout ce que cela implique en termes d’animation commerciale, culturelle, sociale, de possibilité de rencontres en fin de journée et en soirée, les jours de semaine et le week-end. Mais il fallait aussi que ce quartier soit bien relié par les transports, les élus ont bien fait de temporiser pour rapprocher l’arrivée des logements familiaux et celle du Grand Paris Express.

- Est-ce un projet qui s’ajoute indifféremment à vos autres réalisations ou le vivez-vous comme une illustration supplémentaire d’un engagement de votre part en faveur du projet d’ensemble de Paris-Saclay ?

M.D. : Comme une illustration de mon engagement pour Paris-Saclay, un écosystème qu’il faut absolument contribuer à mettre en musique ! Je fais partie des très nombreuses personnes impatientes à ce qu’il révèle tout son potentiel au niveau de la recherche et de l’innovation, mais aussi comme lieu de vie. Il a déjà un long historique et d’importants investissements ont été consentis pour le réaliser. Le temps est venu de le faire vivre, de faire en sorte que ceux qui y travaillent, y étudient, bénéficient de réelles aménités urbaines. J’entends ici et là des critiques sur son degré d’urbanité, qui serait insuffisant. Justement, la construction de logements devrait contribuer à le renforcer. Ce sera d’autant plus vrai avec l’arrivée de la ligne 18 du Grand Paris Express en voie d’achèvement [entrée en service prévue en 2026]. Car les deux projets sont bien évidemment étroitement liés.

- Quelles ont été vos propositions, ne serait-ce que sur l’insertion du Central dans son environnement, le quartier de l’École polytechnique en l’occurrence ?

M. D. : Le Central s’inscrit dans un plan guide dessiné par Michel Desvigne et Xavier de Geyteer, qui a fixé les volumétries et les morphologies urbaines à l’échelle du territoire. Dans ce contexte, j’ai défendu l’idée d’ajouter une dimension intermédiaire entre l’échelle du quartier [de l’École Polytechnique], avec son mail majestueux, ses grandes places, d’une part, et les logements, d’autre part. Car, il me semble que la ville où on se sent bien, c’est précisément une ville riche en ce type d’espaces intermédiaires : la petite place, les parvis et tous ces espaces interstitiels, animés et propices à de l’inattendu. Dans notre esprit, le Central participe précisément à la création de ces espaces intermédiaires ; il procède d’un pas de côté pour être à l’articulation des grands espaces publics et des immeubles d’habitation.

- Faites-nous entrer un peu plus dans la boite noire des discussions entre vous et les autres architectes impliqués dans ce projet…

M.D. : La confrontation de points de vue contradictoires est le lot quotidien de tous les grands projets. Et c’est loin d’être un facteur de blocage. Au contraire. Voyez les grands projets historiques qui nous parlent instantanément – je pense en particulier aux trois canaux d’Amsterdam, à la Grande place de Bruxelles,… Ils ont été planifiés et réalisés en peu de temps, de la main de différents architectes réunis autour de la table. Travailler à plusieurs est donc possible et cela fait partie de notre métier. L’important est que l’environnement, le contexte, nous tire tous vers le haut plutôt que de nous incliner à des solutions de compromis qui ne satisferaient personne. La difficulté est ailleurs : dans le fait que nous devons construire dans un environnement agricole, qui nous prive d’accroches avec d’autres réalisations architecturales. En un certain sens, cela nous laisse beaucoup « trop » de liberté, comparé à un projet prévu dans un quartier déjà densément construit. Avec mes confrères, nous nous employons à relever le défi en concevant une architecture aussi intemporelle que possible – nous envisageons de recourir à de la brique et de la pierre de taille, autrement dit des matériaux qui traversent les âges. Nous avons aussi travaillé sur la qualité de l’écorce du bâtiment comme des plans de logements – tous seront traversants ou à double orientation, de façon à répondre aux problématiques du changement climatique.

- Je ne résiste pas à l’envie de préciser que vous investissez dans le projet d’aménagement et de construction de l’écosystème en tant qu’architecte après en avoir fut l’expérience comme étudiant…

M.D. : C’est vrai, je suis un ancien étudiant du plateau de Saclay – car avant d’obtenir mon diplôme d’architecte, j’ai suivi le cursus Grande École d’HEC.

- Cette actualité autour du Central aurait suffit à justifier cet entretien. S’en ajoute cependant une autre que j’ai découverte sur un réseau social, à savoir les enseignements que vous annonciez donner aux étudiants en architecture de l’université ukrainienne de Karkhiv… Comment vous êtes-vous retrouvé à vous engagez ainsi ?

M.D. : En fait, j’ai commencé à enseigner et donner des conférences et des workshops en Ukraine dès 2014-5. Je n’ai cessé depuis. En février 2022, quand le pays a été envahi, j’ai pris aussitôt des nouvelles de mes amis architectes ou reçu des appels de leur part. Les uns voulaient rester pour combattre, les autres étaient sur le départ. Je me suis demandé ce que je pouvais faire. Étant président d’Architecture et Maîtres d’Ouvrage (AMO) – une association nationale française qui fédère les professionnels de la ville –, j’ai demandé à ses membres – environ 2 000 personnes – d’ouvrir les portes de leurs structures, agences et entreprises, à des architectes ukrainiens, de les aider à trouver un emploi, un logement. J’ai reçu aussitôt de très nombreuses propositions. Au total, environ 300 postes ont été ouverts. Pour ma part, j’ai accueilli trois architectes.

- J’avoue découvrir cette initiative…

M.D. : La presse spécialisée s’en est fait l’écho. Mais c’est vrai qu’on en a peu parlé dans les médias plus généralistes. Toujours est-il qu’un mois plus tard, au courant du mois de mars, j’ai lancé une deuxième initiative, toujours en cours, consistant à cartographier les pertes patrimoniales que subissait le pays. Pour cela, j’ai commencé à réunir un certain nombre de mes anciens élèves ukrainiens, encore sur place, pour élaborer une méthode en vue de repérer ces bâtiments détruits ou abimés. Nous nous sommes appuyés pour cela sur des contacts répartis dans cinq villes : Kyiv, Marioupol, Mykolaïv, Soumy et Odessa. Les premiers résultats ont été ensuite présentés à l’Unesco avec laquelle nous travaillons désormais étroitement sur une ville en particulier, Tchernihiv – dont la France a, depuis l’Ukraine Recovery Conférence, qui s’est tenue à Lugano [Suisse] en 2022, la responsabilité de la reconstruction. Or, qui dit reconstruction évoque des périodes sombres dans l’histoire architecturale et urbaine européenne. Les Ukrainiens sont déjà bien placés pour le savoir : au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Soviétiques ont reconstruit massivement des villes en procédant à un copier-coller souvent désastreux. Nous nous attachons donc à sensibiliser à la nécessité de préserver le patrimoine ancien, d’autant plus que la Russie cherche précisément à éradiquer la moindre trace d’une culture spécifiquement ukrainienne en ciblant ses musées, des églises et d’autres édifices anciens.

- Étant entendu que dans ces éléments du patrimoine que vous cartographiez, figurent des bâtiments hérités de la période soviétique de l’entre-deux-guerres, qui avaient été co-construits par des architectes ukrainiens et russes…

M.D : Évidemment ! Et d’ailleurs, une période des plus flamboyantes de l’architecture de ce pays comme de l’ex-bloc soviétique se situe dans les années 1920. À peu près au moment où est créé le Bauhaus allemand (en 1919) et bien avant que Le Corbusier ne formule ses propositions d’architecture moderniste, le constructivisme soviétique marque l’Ukraine et particulièrement sa nouvelle capitale, Kharkiv. C’est une période d’effervescence et de liberté – Staline n’a pas encore pris le pouvoir. Les architectes ont pu donner libre cours à des utopies architecturales. Les réalisations qui ont survécu à la Seconde Guerre mondiale font naturellement partie des bâtiments que nous inventorions. Certaines sont d’ailleurs inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Malheureusement, plusieurs ont été bombardées par les Russes, comme, par exemple, le Palais de la Culture, à Kharkiv, érigé par l’ancienne compagnie ferroviaire de l’époque – un bâtiment magnifique des années 1920. Il a été touché par un missile dès mai 2022.

- Comment envisagez–vous de redonner vie, une fois ce pays libéré, à ces constructions tout ou partie détruites ? En vous plaçant dans une logique de restauration voire de reconstruction à l’identique ? Dans cette éventualité, qu’est-ce que cela dit du rôle de l’architecte, qu’on attend d’abord, à tort ou à raison, dans des projets de construction depuis une page blanche ?

M.D. : Il est évident que notre métier d’architecte tend à évoluer de la construction neuve vers de la réhabilitation. Une tendance rendue nécessaire par la transition écologique. D’un strict point de vue démographique, rien ne justifie de construire autant qu’on l’a fait au cours de ces cinquante dernières années. A fortiori dans un pays comme l’Ukraine dont le défi numéro 1, une fois la victoire emportée – car c’est l’issue qu’il faut souhaiter -, est d’ordre démographique. Même dans l’hypothèse où le pays recouvrirait ses frontières de 2014, avec la Crimée, le Donbass et les autres provinces annexées, le pays sera encore loin de son niveau démographique d’avant guerre. Pour mémoire, l’Ukraine comptait 52 millions d’habitants en 1992 puis 42 millions en 2020. Une chute due aux annexions, à un taux de natalité faible, mais aussi à des vagues d’émigration. Depuis l’invasion du 24 février 2022, on évalue à 6-7 millions le nombre d’Ukrainiens ayant quitté leur pays. Il est à craindre que si la guerre dure, beaucoup des exilés seront tentés de faire leur vie dans leur pays d’accueil.

- Si vous deviez énoncer un motif d’espoir ?

M.D. : Les Ukrainiens n’ont pas d’autres alternatives que de remporter la victoire. Ils le savent, ce qui entretient chez eux une volonté de tenir, de ne pas se laisser aller au désespoir. Ensuite, une fois la paix retrouvée, il faudra que l’Ukraine puisse compter sur des investissements étrangers, pour générer des besoins de main d’œuvre et ainsi inciter les Ukrainiens exilés à revenir dans leur pays. L’Ukraine compte d’indéniables atouts : en plus d’être une puissance agricole, de disposer d’abondantes ressources naturelles, elle dispose d’un riche tissu industriel, notamment, des compétences en high tech, dans le numérique, l’IA.
Les drones que nous utilisons pour notre inventaire ont d’ailleurs été conçus par une société ukrainienne, UA Damage. Un seul drone nous permet à lui seul de couvrir rapidement pas moins de 30 ha par jour. Ils devraient aussi permettre de faciliter les opérations de déminage – pour information, un démineur ne peut couvrir que 300 m2 par jour contre 30 ha, donc, au moyen d’un drone. Ce qui augure la possibilité de réduire fortement la durée de la période qui sera nécessaire pour nettoyer les parties du pays que les Russes ont couvertes de mines, à moins d’une dizaine d’années contre une centaines en l’absence d’un recours à ces drones.
L’Ukraine de demain ne sera plus de toute évidence l’Ukraine d’hier. Nul doute que les réformes menées en faveur de la décentralisation, en vue de lutter contre la corruption entretenue par le système oligarchique du pays porteront leurs fruits. Certes, cela prend du temps, mais rien que de plus normal car le défi est aussi de dé-soviétiser le pays, de le faire sortir d’un système qui aura perduré des décennies.

- Quel rôle attendez-vous de la France ?

M.D. : Notre pays est reconnu pour son expertise dans le domaine de la ville durable. Elle est bien placée pour accompagner des villes ukrainiennes dans l’indispensable transition écologique qu’elles devront réaliser. Nos établissements publics d’aménagement en particulier pourraient être des interlocuteurs pertinents car, au-delà de la réhabilitation de bâtiments, il y a des enjeux de programmation et d’aménagement urbain.
Avec mes collègues ukrainiens, nous commençons déjà à travaillé avec des villes qui ont été tout ou partie rasées, à l’image d’Izium, dans l’est du pays, dont le centre a été détruit à 80%, ou des villes situées à proximité de la ligne de front comme Zaporijia. Cette ville en particulier jouit d’un riche patrimoine architectural et d’une situation géographique enviable, mais son tissu industriel, en plus d’être ancien, est tout proche du cœur historique. Ce qui engage des réflexions devant aller au-delà de simples considérations architecturales.

- Qu’aimeriez-vous dire aux acteurs de l’écosystème Paris-Saclay en particulier ?

M.D. : Des villes comme Kyiv ou Odessa sont des viviers d’entreprises innovantes, de start-up qui regorgent de talents, d’ingénieurs bien formés notamment en mathématique et en ingénierie. Ce que les Américains ont bien compris : avec leur pragmatisme habituel, ils sont déjà en train d’en racheter. Ne tardons donc pas. Bien évidemment, des entreprises situées sur le plateau de Saclay pourraient entrer en synergie avec les écosystèmes technologiques ukrainiens. Des villes pourraient aussi renforcer leur partenariat économique avec des villes ukrainiennes, à l’image de celui conclut par la ville de Palaiseau.

- Voulez-vous parler de jumelages ?

M.D. : Non, je parle bien de partenariats entre villes. Les jumelages sont un dispositif ancien, qui s’est essouflé faute d’avoir été soutenu par les successeurs des maires qui les ont initiés. L’idée est de créer des partenariats suffisamment souples et profitables aux deux parties prenantes, en créant de réelles synergies. Plus d’une soixantaine ont d’ores et déjà été conclus. Ils permettent aux élus d’apprendre à se connaître pour commencer, à travers des actions et initiatives, comme l’accueil de classes d’enfants ukrainiens, dans le cas des villes françaises. Une fois les liens tissés, je peux témoigner que le niveau de solidarité, d’entraide, mais aussi de synergie auquel on parvient est incroyable. Les retours d’expérience sont plus que positifs.
Avec une ONG française, Stand With Ukraine, nous essayons d’encourager ce type de partenariat. Nous faisons venir des maires ukrainiens en France de façon à leur faire visiter les équipements dont des villes françaises se sont dotées dans différents secteurs : le traitement des déchets, l’assainissement de l’eau… L’idée étant qu’ils puissent se projeter dans la période de reconstruction.

- Que diriez-vous à ceux qui objecteraient qu’il est encore trop tôt ?

M.D. : Qu’il importe au contraire d’anticiper la reconstruction du pays. Comme nous l’avons fait nous-mêmes pendant la Grande Guerre de 1914-1918. Les premiers plans des villes à reconstruire ont été dessinés dès 1915, soit trois ans avant son issue. La reconstruction de l’Ukraine prendra de longues années. Autant donc s’y préparer maintenant. Ce n’est pas dans l’urgence qu’on parviendra à faire les bons choix tant au plan architectural que sur le plan urbanistique. La France est d’autant bien placée qu’elle a l’expérience de ces périodes de reconstruction, que plusieurs de ses villes ont été reconstruites tout ou partie. Je pense notamment au Havre que nous avons « mariée » avec Marioupol, autre ville portuaire pratiquement rasée, dans le cadre du partenariat que j’évoquais.

- Revenons-en à vous. Comment poursuivez-vous ces projets ? En distanciel ?

M.D. : Non, je vais en Ukraine à raison d’une fois par mois. Cette guerre tient moins du sprint que du marathon. Il faut donc veiller à ne pas s’essouffler. Et le meilleur moyen de l’éviter est de m’y rendre régulièrement.

- Comment conciliez-vous cet engagement avec votre charge de travail ordinaire ? Vous dirigez une agence d’architecture, qui compte plusieurs salariés…

M.D. : Je répondrai en rappelant ce que je dis à mes partenaires et clients : c’est grâce aux projets qu’ils me confient que je peux poursuivre ceux que je porte en Ukraine. Je n’opposerai donc pas les deux. Et puis, dans ce pays, je ne suis pas seul. J’y ai créé une agence avec une dizaine d’architectes ukrainiens en plus d’un fonds de charité. Plusieurs projets sont déjà lancés : la construction d’un centre culturel franco-ukrainien, autour de la gastronomie ; la reconstruction d’un musée dédié à une artiste ukrainienne Maria Primochenko – il été bombardé par les Russes – ; un centre sportif avec la fondation de Madame Zelenska ; un centre de réhabilitation, de soins post-traumatiques – pour information, plus de 100 000 Ukrainiens ont été amputés et on évalue à 10 millions le nombre ceux victimes de traumatismes psychologiques. Des problématiques qu’on connaît, mais qui, en Ukraine, prenne une ampleur qu’on n’imagine pas. Une large fraction de la population est proprement meurtrie. Je côtoie d’ailleurs les chirurgiens français qui vont et viennent en Ukraine pour former du personnel ukrainien, notamment à la chirurgie enfantine.
Ce n’est pas tout : nous développons une école agricole privée dans la région d’Ouman, au centre de l’Ukraine. Avec une coopérative ukrainienne, nous nous employons à réfléchir à ce que sera l’agriculture ukrainienne de demain, à évaluer les besoins du monde agricole, notamment en termes de recrutements – pour mémoire, une exploitation agricole ukrainienne couvre en moyenne un millier d’ha, ce qui exige donc une main d’œuvre qualifiée. Toujours dans le domaine agricole, nous travaillons à l’inventaire des cratères provoqués dans les champs par l’artillerie russe. S’engager en Ukraine est le projet d’une vie.

- Comment financez-vous ces projets ?

M.D. : Avec le concours de fondations comme celle de Madame Zelenska que j’évoquais, et de bailleurs internationaux. Une tâche de plus en plus difficile car, malheureusement, la « mode » de l’Ukraine est retombée. Nous n’avons cependant pas d’autre choix que de reprendre notre bâton de pèlerin.

- Continuez-vous à mobiliser l’association AMO ?

M.D. : Après six années de bons et loyaux services, j’en quitte prochainement la présidence. Le soutien de ses membres a été constant et je les en remercie. D’ores et déjà, et parallèlement à cet engagement associatif, j’ai constitué un fond de dotation, AMO Fondation (un statut juridique qui permet de défiscaliser les dons), dédié à la protection du patrimoine en France ou d’ailleurs dont l’Ukraine, bien sûr. Concrètement, il a vocation à promouvoir, soutenir des projets architecturaux qui auront un impact sociétal favorable aux populations locales.

- Si vous deviez conclure sur ce que vous apprenez de cet engagement aux côtés des Ukrainiens ?

M.D. : Jusqu’ici, j’ai insisté sur ce que nous pourrions faire avec eux, l’expertise que nous pourrions leur apporter. Mais, effectivement, nous avons aussi beaucoup à apprendre des Ukrainiens, à commencer par cette résilience dont ils font preuve. Or, de résilience, il nous faudra aussi en faire preuve face aux crises qui vont aller en se répétant dans le contexte de changement climatique et donc, forcément, de tensions géopolitiques.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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