Tandis que des cafés d’un nouveau genre y voient le jour, adaptés aux besoins de « travailleurs nomades », la capitale parisienne vient de se doter d’un incubateur dédié aux start-up tournées vers la Food Tech. À quand l’équivalent sur Paris-Saclay ?
Plusieurs start-up ont investi le champ de l’alimentation en proposant, qui des applications (parmi celles dont nous avons déjà eu l’occasion de parler : OptiMiam, lauréate de la première édition 2015 de Paris-Saclay Invest ; GroupEat, conçue par des étudiants de l’ENSTA ParisTech, lauréats des prix Kite 2015 ; pour en savoir plus, cliquer ici) ou d’autres modes de production alimentaire en milieu urbain (Ynsect). Cette mobilisation de la techno numérique autour d’enjeux d’alimentation devait bien tôt ou tard inspiré un néologisme propre – la Food Tech, qui s’ajoute ainsi à la liste des Fin Tech, e-santé et autre Smart City – et, bien plus, l’émergence de nouveaux lieux d’innovation ou d’espaces de travail hybrides, où l’on peut échanger, collaborer tout en se restaurant. En témoignent deux séries de « signaux faibles » (mais qui, en réalité, ne le sont plus autant que cela).
Un incubateur pour start-up de la Food Tech
D’une part, l’ouverture, à l’initiative de la ville de Paris, de « Smart Food », un incubateur ayant vocation, comme son nom le suggère, à accueillir des start-up de la restauration et de l’alimentation. Portée par l’agence d’innovation parisienne Paris&Co et présenté le 13 janvier dernier (notre photo), il bénéficie du soutien de grands groupes (Carrefour, Elior, Danone et Groupe Up). Installé dans le XXe arrondissement, il accueillera une quinzaine de jeunes pousses, sélectionnées au mois de février prochain, et qui bénéficieront ainsi de leur accompagnement pour concevoir de nouveaux produits ou services (pour en savoir plus, se rendre sur le site, en cliquant ici).
D’autre part, la création de nouveaux établissements, entre café et espace de travail, en réponse aux besoins de travailleurs de plus en plus nomades ou plus si adeptes des open spaces. Une tendance dont Le Monde s’est fait l’écho dans un article récent (pour y accéder, cliquer ici). Entre autres exemples, il cite les « Anticafé » qui ont vu le jour à partir de 2013 à Paris ou encore l’ « Helmut et Raoul », à Lille. Le principe : la salle est équipée en prises et en wifi ; on ne paie pas à la consommation mais au temps passé. Et puis le consommateur est assuré de ne pas avoir à supporter le froncement de sourcils du tenancier… Le phénomène, plus ancien qu’on ne le pense, serait apparu en… Corée du Sud puis aux Etats-Unis sous le nom de « Coffices » (contraction de Coffee et d’Offices).
Entre café et bureau, les coffices
Des signaux plus aussi faibles que cela, donc, et dont on n’espère qu’une chose, c’est qu’ils se diffusent au-delà du périphérique et même de la toute proche banlieue, jusqu’à… Paris-Saclay ! Car, passé l’enthousiasme suscité par la découverte des initiatives susmentionnées, nous n’avons pu nous empêcher de nous dire : et pourquoi pas à Paris-Saclay ?!
Pas seulement parce qu’il y manque singulièrement de cafés et de lieux de restauration, qui font qu’un campus est un campus ou une ville, une ville universitaire, mais parce que s’il est un territoire qui peut innover en réinventant jusques et y compris le concept même de café et de restaurant, n’est-ce pas lui ?
Certes, le cluster est déjà riche de projets prometteurs et novateurs, à commencer par les espaces de restauration mutualisés prévus avec la construction de nouveaux bâtiments destinés aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche, appelés à rejoindre le Plateau.
A quoi on peut ajouter plusieurs autres signaux faibles et néanmoins significatifs d’une volonté d’inventer de nouveaux espaces propices à de l’hybridation sinon au décloisonnement : le GreenLab (dont nous avons interviewer les deux instigatrices ; pour accéder à l’entretien, cliquer ici) ou encore le restaurant programmé par le Réseau Cocagne dans un des bâtiments de la ferme de l’Abbaye de Limon. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé (mise en ligne prochaine), Claire Martinet, responsable de l’Agenda 21 de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines fait part de son rêve de voir se créer un lieu de vie qui favorise les échanges entre les porteurs de projets, de manière conviviale et, donc, autour de buffets composés si possible de produits locaux.
Nul doute que des initiatives seront suscitées par la proximité de centres de recherche (Inra, AgroParisTech) ou de R&D (dont Danone, partie prenante de l’incubateur Smart Food) sans oublier les fermes existantes, encore en activité et qui ont déjà témoigné de leur capacité à innover (Ferme de Viltain, Ferme Vandame,…).
Nul doute non plus qu’on peut fonder des espoirs sur les entrepreneurs sociaux et les initiatives de l’économie sociale et solidaire que le PôleS NOE a vocation à accompagner (pour en savoir plus, cliquer ici). Déjà, une épicerie solidaire a vu le jour à l’initiative d’étudiants de l’université ParisSud.
Paris-Saclay, terreau d’innovation favorable
Il est vrai que l’environnement est particulièrement favorable : Paris-Saclay conserve une forte composante agricole propre à inspirer de nombreuses initiatives en faveur d’une agriculture urbaine ou périurbaine : entre les jardins collectifs, partagés, d’insertion par l’activité maraîchère (Jardins de Cocagne), les AMAP, les boutiques de produits locaux et/ou bio, etc.
Sans oublier la présence des étudiants de Paris-Saclay, dont beaucoup sont prédisposés à participer à l’animation de lieux jardinés pour s’assurer un approvisionnement en fruits et légumes sains et/ou expérimenter. A cet égard, nous ne saurions trop renvoyer au compte rendu de la soirée organisée au PROTO204 autour d’initiatives situées quelque part entre esprit hacking et jardinage (pour y accéder, cliquer ici).
On pourrait encore poursuivre cet inventaire à la Prévert. L’ébauche qu’on en propose ici suffit à s’accorder sur ce constat : Paris-Saclay a tout l’air d’être le terreau favorable à la germination de « jeunes pousses », entre économie sociale et solidaire et social business, empruntant à des univers variés, ceux de l’agriculture, de la recherche scientifique (agronomique), de l’entrepreneuriat social ou du « Do It Yourself ». pour inventer de nouveaux établissements adaptés aux besoins de nos travailleurs nomades.
En matière de nouveaux espaces de travail, Paris-Saclay n’a certes rien à envier à d’autres clusters. Il est richement doté en lieux innovants (incubateurs, FabLabs…), sans oublier le PROTO204. Qu’on songe aussi à la réflexion engagée par le WAW Lab autour des conditions d’un bien-être au travail, lesquelles passe notamment par la reconfiguration d’espaces pour une innovation plus collaborative sinon ouverte (pour en savoir plus, cliquer ici). Là encore, on ne part pas de rien : qu’on songe à la Cité de l’Innovation de l’ex-Alcatel-Lucent.
Autre signal faible à relever : le succès de manifestations organisées sur ce thème – on pense aux premiers ateliers du WAW Lab, que nous venons de citer, ou à la conférence donnée au PROTO 204 par le sociologue Michel Lallement sur les Makerspaces, Hackerspaces et autres FabLabs californiens qu’il a étudiés un an durant en y consacrant un ouvrage, L’Age du faire (Seuil, 2015) que nous avons chroniqué (pour accéder à la chronique, cliquer ici).
Reste à poursuivre la réflexion sur ces lieux hybrides entre bistrots/cafés et espaces de coworking, qui concourent à compléter l’offre en matière d’espaces de travail, et dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils font cruellement défaut sur le Plateau de Saclay.
Voilà pour un bref feedback à une problématique dont nous ne demandons qu’à suivre l’actualité, avec votre concours. N’hésitez donc pas à faire part de vos commentaires ou à nous signaler des initiatives dont nous pourrions nous faire l’écho à travers un entretien avec (ou un portrait de) celles et de ceux qui les portent.
Journaliste
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