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Entrepreneuriat innovant

150 élèves formés, 15 entreprises créées et… 10 bougies.

Le 18 décembre 2016

Le 20 octobre 2016, la Filière Innovation-Entrepreneurs (FIE), du 503, fêtait ses dix ans. Directeur général adjoint à l’enseignement au sein de l’IOGS, François Balembois, que nous avions déjà eu l’occasion d’interviewer voici quelques années, a bien voulu revenir sur le chemin parcouru.

– Je vous ai interviewé une première fois, en juin 2012, autour de la FIE [ pour accéder à l’interview, cliquer ici ]. Nous nous retrouvons à l’occasion de ses dix ans. Que mettriez-vous en exergue ?

Je dirai que, ce que nous célébrons aujourd’hui, c’est dix ans de preuve de concept : la FIE a apporté la démonstration de sa pertinence. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La FIE, c’est 150 élèves formés, 15 entreprises effectivement créées, totalisant cette année 8 millions de chiffre d’affaires. C’est aussi 136 emplois créés, des levées de fonds records, des start-up reconnues : Stereolabs, Damae, etc.

– C’est aussi un bâtiment emblématique de l’écosystème de Paris-Saclay…

Oui, le 503, qui représente pas moins de 10 000 m2 dédiés à l’innovation…

– Et qui a beaucoup changé : il était plus gris et n’avait pas de cantine la première fois que je vous ai interviewé…

(Sourire) Une filière comme la FIE n’aurait pas pu exister et durer sans un lieu dédié. Ce n’est pas une caractéristique qui lui est propre, au demeurant. Bien d’autres exemples, dont nous nous sommes d’ailleurs pour partie inspirés, existent, qui montrent que l’entrepreneuriat innovant a besoin de lieux spécifiques pour prospérer. Celui dont nous disposons est particulièrement spacieux par rapports à nos moyens. L’équipe en charge de son animation ne compte que huit personnes.
Le bâtiment 503 ne date que de 1963, mais, il a mal vieilli. Nous n’avions pas les moyens de le réhabiliter en une seule fois. Ce qui a été au final plutôt notre chance : les élèves comme le personnel ou encore les entreprises et institutions que nous hébergeons ont pu se l’approprier en participant à sa réhabilitation, avec les moyens du bord. Ce faisant, ils ont pu éprouver les principes de ce qu’il est convenu d’appeler l’innovation frugale…

– Et dont Philippe Aubourg, l’ancien directeur du 503, est un fervent promoteur… [voir l’entretien qu’il nous a accordé sur ce sujet ; pour y accéder, cliquer ici].

Oui, en effet ! Là réside sans doute une de nos forces : la capacité, avec peu de moyens financiers, à faire évoluer le lieu, à l’adapter à nos besoins en recourant à toutes sortes d’astuces. L’esprit du lieu, pour ne pas dire son âme, est encore plus manifeste qu’il y a dix ans…

– J’en témoigne pour l’avoir découvert quelques années à peine après la création de la FIE. De l’innovation frugale, dites-vous : quel paradoxe ! Votre établissement s’inscrit dans un écosystème qui a vocation à être d’excellence mondiale au plan de l’innovation technologique…

Le paradoxe est relatif. Dans notre esprit, l’innovation frugale n’est pas une alternative à l’innovation technologique. Elle lui est complémentaire. D’ailleurs, une chaire d’innovation frugale a été créée au sein du campus Paris-Saclay, dont nous sommes partenaires. Je doute qu’on puisse innover quand on est dans une position trop confortable. L’innovation suppose a priori de sortir de sa zone de confort. Le fait d’être restreint dans ses ressources oblige juste à être un peu plus imaginatif et d’autant plus innovant.

– Bien plus qu’un lieu, le 503 est un écosystème à lui tout seul au sens où c’est un lieu de formation, qui abrite les start-up créées par vos élèves, mais aussi des entreprises et des organismes spécialisés dans l’accompagnement de projets innovants.

Tout à fait, étant entendu que le cœur du système reste les élèves eux-mêmes.

– Un mot justement sur ces élèves…

Issus de classes prépas, ils ont a priori l’habitude d’être encadrés. Or, notre parti pris est de leur faire confiance, de leur laisser le plus de liberté possible pour mener à bien leur projet, tout en restant disponibles pour répondre à leurs questions. Au-début, nous avons beau ouvrir toute grande la porte de la « cage », nos élèves n’osent pas trop saisir cette chance. Ce n’est que petit à petit qu’ils prennent leur envol. Tant et si bien qu’au terme des trois ans que dure la formation, ils présentent un tout autre profil : plus entrepreneurs, osant prendre des risques et sachant travailler en équipe. Le 503 ne serait rien sans ces jeunes qui se transforment sous nos yeux. C’est dire si la FIE reste, même dix ans après, une source d’émerveillement pour moi comme d’ailleurs pour le reste de l’équipe. Un écosystème constitué uniquement d’entreprises n’aurait pas la même force ni procurerait le même plaisir. C’est pourquoi, à mes yeux, la force de l’écosystème du 503, j’insiste sur ce point, réside d’abord dans ses élèves.

– De l’émerveillement, dites-vous : cela se voit dans vos yeux !

(Rire). Ce qui m’émerveille, ce sont ces entreprises qui voient le jour, à l’initiative de jeunes qui s’épanouissent et qui suscitent à leur tout des vocations chez d’autres jeunes. Les projets qu’ils portent sont le plus souvent bluffants. Ils débouchent sur la création de vraies start-up dont beaucoup ont acquis une notoriété internationale. Je pense bien encore à StereoLabs, dont la cofondatrice Cécile Schmollgruber a été élue parmi les 25 meilleurs entrepreneurs des Etats-Unis, dans la catégorie des moins de quarante ans*.

– StereoLabs, un cas d’école, qui est restée dans vos murs…

En effet. Quoique tournée vers les Etats-Unis – elle a ouvert des bureaux à Los Angeles – StereoLabs occupe toujours 200 m2 de locaux, ici-même, où elle dispose de son équipe R&D. Ses fondateurs ont toujours considéré le 503 un peu comme leur « garage ». Leurs interlocuteurs américains qui viennent les visiter et qui ont, eux, cette culture du « garage », les encouragent même à y rester !

– Depuis Stereolabs, d’autres entreprises ont vu le jour…

Oui. Je pense en particulier à Ipselios, qui a conçu l’éclairage des silos situés au bord du périphérique parisien. Un éclairage que personne n’était parvenu à réaliser avant elle. Aujourd’hui, l’œuvre est vue par plus d’un million de personnes par jour. Je pourrais citer bien d’autres exemples. Pas moins de quinze entreprises comme celle-ci ont été créées à ce jour, comme je l’indiquais, toutes encore en activité, à l’exception de l’une d’entre elles, qui a récemment déposé son bilan.

– Quelle orientation comptez-vous prendre pour les années à venir ?

Nous avons les moyens de faire encore mieux en déclinant notre modèle pédagogique en direction des entreprises. Force est de constater que le monde va toujours plus vite. Dans ce contexte, les grandes structures, du fait notamment du poids des hiérarchies et du cloisonnement des services, rencontrent des difficultés à s’adapter. Une solution consiste à externaliser des collaborateurs dans des structures plus souples. Pour notre part, nous sommes en mesure de répondre à certains de leurs besoins en termes de formations ou de prestations, dans le domaine de l’innovation. Depuis son ouverture en 2012, notre Photonic FabLab est d’ores et déjà mis à disposition pour leurs besoins en prototypage.

– Venons-en à vous-même : vous étiez directeur de la FIE lors du premier entretien. Et aujourd’hui ?

J’assume deux fonctions : tout en étant Directeur général adjoint à l’enseignement au sein de l’IOGS, je continue, par passion, à diriger l’entrepreneuriat et l’innovation au sein du 503, avec Frédéric Capmas…

– Un attelage qui a perduré dans le temps. N’est-ce pas d’ailleurs une des clés de la réussite de la FIE ? Dans un monde qui va vite, il faut aussi de la stabilité…

C’est vrai. Frédéric et moi formons depuis dix ans un tandem, qui fonctionne à merveille. Nous avons des qualités complémentaires. Il a plusieurs idées à la minute et va très vite de l’avant pour les concrétiser. Moi, je suis plus enclin à structurer. A nous deux, on forme un beau buldozer ! Qui ne pourrait pas aller très loin, cependant, sans l’implication d’une équipe remarquable et la confiance de Jean-Louis Martin, le Directeur général de l’IOGS.

– Un buldozer, donc, mais qui n’est pas allé jusqu’à créer une start-up…

Non, effectivement. Mais faire vivre un lieu comme celui-ci est déjà une manière d’entreprendre. Le 503, je le conçois même un peu comme notre start-up. Nous sommes confrontés aux mêmes problématiques qu’un startupper : nous adapter, définir un modèle économique, nous entourer des bonnes compétences, etc.
J’ai en outre pour philosophie de considérer que, pour bien connaître quelque chose, il faut l’enseigner. Au-départ, j’avais tout à connaître de l’entrepreneuriat. Je l’ai donc fait enseigner en capitalisant sur l’expérience de nos élèves, les problématiques qu’ils rencontraient à travers la conduite de leur projet. Nous ne procédons pas autrement pour faire évoluer le modèle économique de la FIE.

– Revenons à l’écosystème Paris-Saclay : en quoi est-il favorable ? D’ailleurs le 503 aurai-il pu voir le jour ailleurs ?

Probablement. D’ailleurs, il a été décliné sans difficulté à Bordeaux (dans 1 500 m2) et nous sommes en cours de développement à Saint-Etienne. A chaque fois, nous nous adaptons au contexte. Et puis, nous bénéficions de l’effet d’entraînement de la croissance que connaît, au plan mondial, notre champ de prédilection : aujourd’hui, la photonique, c’est en effet de nombreux composants fabriqués en masse, qu’on peut détourner de leurs usages primaires pour d’autres finalités, ce qui offre de nombreuses possibilités d’innovation.
Cela étant dit, le contexte de Paris-Saclay est particulièrement favorable de par toute cette concentration de R&D et laboratoires, qui offre de nombreuses opportunités de partenariats, mais aussi de stages pour nos élèves et de valorisation pour les besoins de leur projet d’entreprise.

– Qu’en est-il de l’accessibilité du site lui-même ? Personnellement, j’ai plaisir à me rendre à pied au 503, depuis la gare d’Orsay, en empruntant un chemin de terre. Mais je conçois que ce ne soit pas commode pour vos visiteurs…

(Sourire) C’est vrai que ce n’est pas simple. Nos interlocuteurs parisiens nous le disent : ils redoutent de venir jusqu’ici tant, disent-ils, c’est compliqué ! L’accès depuis Paris est un vrai handicap. Il existe des bus, mais il faut savoir les prendre. Et puis, ils ne sont pas d’une fréquence suffisante. Cela dit, nous restons optimistes : le schéma d’aménagement du Plateau de Saclay en cours de réalisation devrait améliorer la situation. Sans compter le métro de la ligne 18, que nous attendons avec impatience.
Cela étant dit, les problèmes d’accessibilité sont la contrepartie d’un cadre particulièrement enviable : comme vous pouvez le voir, nous sommes environnés de beaux arbres. Il en sera toujours ainsi, car ils sont classés. Travailler avec le sentiment d’être à la campagne, loin des nuisances de la capitale, c’est quand même une chance !

– Espérez-vous avoir du monde pour marquer l’anniversaire des dix ans ?

Oui, nous attendons pas moins de 120 personnes : pour la plupart, des interlocuteurs et partenaires rencontrés au fil de nos dix ans d’existence et qui en profitent pour faire des affaires avec nous ou des parties prenantes de notre écosystème. Soit une trentaine de porteurs de projets et autant d’entreprises qui proposent des produits technologiques très variés, dans le domaine de la photonique.

– Preuve que, quand on aime, on surmonte les problèmes d’accessibilité…

Absolument ! Cela dit, nous avons, pour la circonstance, soigné la signalétique, en la testant préalablement auprès de personnes qui ne connaissaient pas le 503. Manifestement, cela fonctionne. D’ailleurs, comme vous pouvez le constater, il y a déjà du monde alors que le programme n’a pas encore débuté.

*  » 25 Inspiring Entrepreneurs Under 40 Who Are Creating the Next Big Thing. Pour en savoir plus « , cliquer ici.

A lire aussi, les témoignages de Florian Emaury, un  » ancien  » de la FIE (mise en ligne à venir) et d’Audrey Sylla-Ginoul, présidente d’Opto Services Junior Entreprise de l’IOGS (mise en ligne à venir).

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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